Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

1-Recherches Croissanville - Page 3

  • Recherches actuelles et en cours pour Croissanville

    Avec Internet de nombreuses informations furent tout d'un coup accessibles. Au départ, celles-ci concernaient surtout l'histoire des Bailleul régents d'Ecosse avec différentes hypothèses quant à leurs origines. On y trouvait aussi nombres de références à une autre famille de Bailleul du pays de Caux n'ayant aucun rapport avec les Bailleul-Croissanville et qu'on faisait descendre également de ces régents d'Ecosse. Tout cela était certes intéressant, mais je tournais en rond car il n'y avait rien sur les Croissanville.

    Ce n'est que récemment, avec l'apparition du haut débit, et la multiplication des pages personnelles, sites et arbres généalogiques en ligne, réellement et facilement consultables dorénavant, que mes recherches ont put reprendre et s'accélérer grâce à plusieurs découvertes capitales.

    La première se trouve dans un document des Archives Nationales répertoriant les papiers d'origines privées tombés dans le domaine public dont voici l'extrait :

    Archives-nationales.jpg

    Il y est indiqué que ces papiers provenaient pour la plus grande part de saisies sur des nobles émigrés ou condamnés pendant la Révolution. On peut en conclure que c'est ce qui a du probablement arriver au marquis de Croissanville en question. Je ne sais pas ce que ces papiers contiennent mais le document précise que ceux saisis sur les nobles sont souvent des titres féodaux. Leur consultation peut s'avérer donc très intéressante si c'est bien le cas et ce sera la prochaine étape prioritaire de mes recherches actuelles.

    Mais qui était ce marquis de Croissanville dont les papiers ont été saisis pendant la Révolution ?

    La réponse se trouve sans doute dans l'extrait suivant tiré de "Quiberon, 1795, Emigrés et Chouans : Commissions militaires, interrogatoires et jugements" par le docteur G. Thomas de Closmadeuc, 1899, dont je ne trouve plus le lien en ligne mais dont j'ai conservé la page imprimée heureusement :

    De Croissanville (Toussaint), 42 ans, né à Vire (Calvados), ex-noble, vivant de son bien : "A quitté la France en 1788, à cause d'une femme qui craignait les approches de la Révolution et avec laquelle il a voyagé...S'était engagé comme volontaire au régiment de Béon, pour aller à Jersey, où était sa mère; ne pensait pas venir en France" (Interrog. du 11 thermidor, Quiberon.)

    Il s'agit donc assurément de Toussaint Aimable André Julien de Bailleul de Croissanville, l'aîné des trois frères et donc marquis de Croissanville.

    On peut en déduire son année de naissance, 1753, et on en connaît maintenant le lieu : Vire. On a également la confirmation de son départ du domaine de Croissanville en 1788, ce qui apparaissait dans les documents de la famille (présence en 1784, absence en 1790). On peut aussi en déduire alors que sa mère, Marie Thérèse de Subtil, a sans doute quitté le domaine aux alentours de 1794 (présence dans les derniers documents de cette même date) pour s’installer à Jersey, comme se fut le cas peut-être pour les deux autres frères, Aimable Auguste et Michel Alphonse.

    Ce dernier fait confirme ce que me racontait ma grand-mère paternelle quand elle me disait que la famille s'était installée à Jersey à la suite de la Révolution. Là aussi des recherches sur place seront donc à faire dans une seconde étape.

    On peut également supposer que Toussaint Aimable, arrêté, interrogé, dont les papiers ont été confisqués, a sans doute été condamné et exécuté en 1795. Jusqu'à présent, je ne trouve pas la liste nominative des exécutions, à supposer qu'elle existe, mais uniquement le nombre des exécutions, condamnations et arrestations par commissions militaires. Il y apparaît un fort taux d'exécutés parmi les nobles émigrés arrêtés lors de cette désastreuse expédition de Quiberon.

    En effet, nulle autre trace de Toussaint Aimable sur le net, que ce soit mariage ou descendance, si ce n'est dans "Archives parlementaires de 1787 à 1860, recueil complet des débats législatifs", page 378 la mention de :

    Bailleul, sieur de... (Toussaint Aimable André Julien de), 89.G. 1775 180. En qualité de mousquetaire réforme. Pour appointements de réforme,...

    Malheureusement ce document de Google Book n'est pas consultable dans son ensemble et ne permet pas d'en savoir plus.

    J'en conclus donc, à partir de ces premières découvertes, l'hypothèse suivante :

    - Toussaint Aimable André Julien de Bailleul, marquis de Croissanville, né à Vire en 1753, mort en 1795, exécuté suite au débarquement de Quiberon et dont les papiers se trouvent aux Archives Nationales, pas de descendance.

    L'autre découverte concerne son frère cadet, Aimable Auguste de Bailleul de Croissanville, faite à partir du site racontant l'histoire de la famille de Tournemire et de son château de Pierrefitte (consultable dans la rubrique "liens" de ce blog), dans le passage suivant au sujet du château :

    La maison restera inhabitable pendant près de 40 ans. Elle avait été vendue dès 1822 par Sophie Antoinette de Lagrange, fille de Léonard-Antoine cité plus haut, à Antoine Delamas, Conseiller de préfecture du Puy de Dôme, pour être enfin rachetée (moyennant 42 500 F) en 1830 par la jeune Eléonore Clara Ruel de La Motte qui venait d'épouser un vieux Monsieur de Bailleul, Marquis de Croissanville, de 40 ans son aîné. Il est probable que sur la fin de sa vie, le vieux Marquis n'ait vu dans ce mariage qu'une occasion de doter la jeune Elèonore Clara, dont il connaissait probablement les sentiments pour un jeune homme de la région, Henry-Louis de Tournemire, dont la famille, plusieurs fois alliée aux Bort, vivait noblement mais pauvrement sur la commune de Margerides. Le vieux marquis meurt en 1833 et deux ans après, Eléonore épouse son Henry-Louis. La cheminée du salon porte au centre les armes du jeune ménage, à gauche celles du Marquis de Bailleul, et à droite celles de la famille de Bort.

    Par ailleurs sur le site, on trouve l'indication que le marquis de Croissanville est enterré dans le caveau familial à Sarroux (département 19).

    Là aussi, qui était ce marquis de Croissanville ?

    On remarque que le prénom du marquis n'est pas indiqué, et pour cause, car à l'époque l'auteur du site l'ignorait. C'est par un échange de mail avec lui que je proposais que ce soit Aimable Auguste, le cadet des trois frères, que son aïeule ait épousé en première noce.

    En effet, l'aîné, Toussaint Aimable étant probablement décédé en 1795 et le benjamin, Michel Alphonse étant enterré à Croissanville, il ne pouvait s'agir que d'Aimable Auguste. Et il était normal qu'il porta le titre de marquis, son aîné étant mort. Par ailleurs, son blason, dont l'auteur du site m'envoyait un dessin était bien : "parti d'hermine et de gueules".

    On peut alors là aussi conclure :

    - Aimable Auguste de Bailleul marquis de Croissanville, né entre 1753 et 1758, sans doute à Cléville, marié vers 1830 à Eléonore Clara Ruel de La Motte, mort en 1833, enterré à Sarroux (19), sans descendance.

    Et surtout, que la génération actuelle des Bailleul-Croissanville ne peut descendre que du benjamin des trois frères, Michel Alphonse, le seul à avoir potentiellement une descendance.

    Or, ceci est dorénavant confirmé par le résultat des recherches faites à partir de l'état civil des français d'Algérie conservé à Aix-en-Provence.

    En effet, depuis quelques années une base de données est consultable en ligne pour la période de 1830 à 1904. On peut y établir, à partir de certains critères, l'existence d'un document et ainsi être sûr de pouvoir le consulter sur place, avantage considérable pour le généalogiste lui permettant d'éliminer le paradoxe qui veut qu'il sache au préalable presque tout sur ce qu'il cherche (nom, prénom, date, lieu) pour pouvoir le trouver alors que c'est justement ce qu'il cherche !

    Après recherches sur le site (rubrique "liens" de ce blog) et consultations des documents à Aix-en-Provence, on trouve les renseignements suivants, dont le premier est capital :

    - Acte de décès du 2 décembre 1876 à Oran de Alfred de Bailleul marquis de Croissanville, sans profession, âgé de soixante et un ans, né à Forres, comté (illisible), Ecosse, Angleterre, époux de Pauline Virginie Letellier, fils de feu Michel Alphonse de Bailleul marquis de Croissanville et de feu Louise Lucie Henriette Wilhelmine Jarry.

    On retrouve donc le Alfred marquis de Croissanville, cité dans l'ouvrage sur les premiers colons d'Algérie (voir mes recherches pré-Internet), père de Berthe Wilhelmine, citée elle-aussi dans ce livre, et sans doute père de mon arrière-grand-père, Raoul Edouard. Il est né en 1815 en Ecosse et est le fils de Michel Alphonse (1758-1842), le benjamin des trois frères, enterré à Croissanville, qui l'aurait eu à l'âge de 57 ans, ce qui paraît tardif mais fort plausible étant donné les circonstances (Révolution, exil à Jersey puis Ecosse apparemment, voir également le mariage tardif de son frère cadet Aimable Auguste). La liaison est ainsi trouvée et confirmée entre les Bailleul-Croissanville d'Algérie et les derniers occupants du domaine de Croissanville.

    - Acte de naissance du 7 novembre 1893 à Oran de Alfred Marcel de Bailleul de Croissanville, fils de Raoul Edouard de Bailleul de Croissanville, âgé de quarante trois ans, né à Saint Malo, mécanicien, demeurant à Oran, et de Madelaine Gaud âgée de vingt et un ans.

    En marge, l'acte fait apparaître les deux mariages de mon grand-père, le premier le 25 mars 1920 à Ménerville avec Louise Olga Julienne Cagnon dont il eut deux filles, le second le 18 avril 1941 à Ménerville avec Paule Marcelle Lauzier, dont il eut un fils, Marc, mon père. Il permet aussi d'établir l'année et de confirmer le lieu de naissance de mon arrière-grand-père Raoul Edouard, soit : 1850 à Saint Malo. Ce fait confirme quasiment qu'il est bien le fils d'Alfred de Bailleul marquis de Croissanville et le frère de Berthe Wilhelmine (née en 1852, elle aussi à Saint Malo). Même s'il n'existe malheureusement à ce jour aucun document (mariage ou décès) dans les archives qui puisse définitivement le prouver. La liaison avec les Bailleul-Croissanville actuels est alors également faite.

    - Acte de mariage du 10 février 1872, commune de Saint Louis, département d'Oran, entre Adolphe Jomain et Berthe Wilhelmine de Bailleul, née à Saint Malo le 4 décembre 1852, fille de Alfred de Bailleul et de Pauline Virginie Letellier, domiciliés à Oran.

    Il est précisé que le mariage est fait en présence des parents des deux époux. C'est le premier mariage de Berthe Wilhelmine et on a la confirmation de sa date et de son lieu de naissance ainsi qu'elle est bien la fille (ici légitime et non plus naturelle, comme nous le croyions, mais nous verrons l'explication plus tard...) d'Alfred de Bailleul marquis de Croissanville alors encore vivant.

    - Acte de mariage du 18 octobre 1879, commune de Saint Louis, canton de Saint Cloud, département d'Oran, entre Justin Ancessy et Berthe Wilhelmine de Bailleul, veuve d'Adolphe Jomain, décédé à Oran le 13 septembre 1875, née à Saint Malo le quatorze décembre 1852, domiciliée à Assi-ben-Ferréah, fille majeur et légitime de défunt Alfred de Bailleul marquis de Croissanville, décédé à Oran le 2 décembre 1876, et de Pauline Virginie Letellier, sans profession, domiciliée à Oran, présente et consentante. En présence de Charles Jules de Bailleul, âgé de trente et un ans et d'Alain Irénée de Bailleul, âgé de trente ans, tous deux maçons, frères de l'épouse et domiciliés à Oran.

    Voici donc le second mariage de Berthe Wilhelmine qu'on trouve dans l'ouvrage sur les premiers colons d'Algérie. On a la confirmation des informations la concernant (si ce n'est une petite différence quant à sa date de naissance : 4 ou 14 décembre 1852 ?), mais surtout, on découvre l'existence et l'âge de deux autres frères, en plus de Raoul Edouard : Charles Jules, né en 1848 et Alain Irénée, né en 1849. Nous en sommes donc à quatre enfants sur les sept que nous attendons d'Alfred de Bailleul marquis de Croissanville.

    - Acte de mariage du 31 décembre 1885, commune de Saint Cloud, département d'Oran, entre Jules Charles de Bailleul, entrepreneur de travaux publics, domicilié à Saint Louis, né à Saint Malo le 29 janvier 1848, fils légitime de feu Alfred de Bailleul marquis de Croissanville et de Pauline Virginie Letellier domiciliée à Oran et présente et consentante, et demoiselle Catherine Bor. Le présent acte fait en présence de René de Bailleul, propriétaire âgé de trente sept ans demeurant à (illisible, ancien village de Ben-Feréab) et Henri de Bailleul âgé de quarante ans demeurant à Tizé, employé.

    On retrouve donc ici le Charles Jules présent au second mariage de sa sœur Berthe Wilhelmine et on a bien la confirmation de son année de naissance, 1848 et on connaît maintenant le lieu, Saint Malo, pour lui-aussi. Et là encore on découvre deux autres frères supplémentaires, Henri de Bailleul, né en 1845, et René de Bailleul, né en 1848.

    Mais alors un problème se pose : nous voici avec deux frères, Jules Charles et René, tous deux nés en 1848 ! Jules Charles étant né le 29 janvier, il est techniquement, voir physiquement possible que René soit né fin 1848, mais cela est difficile à croire. N'y aurait-il pas plutôt confusion entre René et le Alain Irénée né en 1849 ? Car la date de l'acte de mariage (31 décembre), nous porte à croire que René, déclarant avoir trente sept ans, se serait vieilli prématurément d'une année, et qu'il serait né en fait en 1849. René et Alain Irénée ne feraient alors qu'un. C'est l'hypothèse que je retiendrai et il n'y a donc qu'un seul frère, Henri de Bailleul à apparaître. Ce qui porte à cinq le nombre d'enfants d'Alfred de Bailleul marquis de Croissanville.

    - Acte de naissance du 2 octobre 1887 à Fleurus, canton de Saint Cloud, arrondissement et département d'Oran, de Raoul de Bailleul, fils de Jules Charles de Bailleul, âgé de trente neuf ans, entrepreneur de travaux publics, domicilié à Fleurus, et de Catherine Bor, âgée de vingt deux ans, son épouse.

    - Acte de décès du 31 août 1888 à Blida de Raoul de Bailleul, onze mois, né à Fleurus, fils de Jules Charles de Bailleul et de Catherine Bor son épouse.

    - Acte de naissance du 23 janvier 1891 à Mustapha, rue de Strasbourg, de Charles de Bailleul, fils de Jules Charles de Bailleul, âgé de quarante trois ans, plâtrier, absent, né à Saint Malo, et de Catherine Bor son épouse, âgée de vingt six ans.

    En marge de cet acte on trouve le mariage de Charles de Bailleul avec Juliette Marie Louise Bousquet à la mairie d'Assé-(illisible), Oran, le 4 août 1915.

    L'intérêt ici c'est de voir que Jules Charles a eu une descendance, d'abord éphémère par Raoul décédé à moins d'un an, puis par Charles marié en 1915. Il y a donc une potentielle descendance portant le nom de Bailleul-Croissanville autre que par mon grand-père Alfred dans le cas où son cousin Charles aurait eu un fils.

    - Acte de mariage du 15 novembre 1884 à Assé-Ben-Ferréah, commune de Saint Louis, canton de Saint Cloud, arrondissement et département d'Oran, entre de Bailleul René Alain, entrepreneur, âgé de trente cinq ans, né à Saint Malo, le 19 mai 1849, fils majeur de Michel Alphonse de Bailleul décédé à Oran le 2 décembre 1876 et de Pauline Virginie Letellier âgée de soixante cinq ans, et Cailliau Laurence Marguerite.

    Tout de suite, il faut relever l'erreur majeure ci-présente en ce qui concerne le prénom du père du marié qui ne peut être Michel Alphonse (prénom du grand-père) mais bien Alfred, effectivement décédé le 2 décembre 1876 et époux de Pauline Virginie Letellier. Voilà qui montre que même un acte officiel, primordial dans toute recherche généalogique, peut comporter une erreur aussi grotesque qui ferait du grand-père l'époux de la mère !

    Enfin, nous retrouvons un René Alain, le marié, également né en 1849, tout comme le Alain Irénée présent au mariage de Berthe Wilhelmine, et aussi le René présent au mariage de Jules Charles. Là encore, je pense qu'il s'agit de la même personne dont le prénom fait confusion. René, Alain Irénée, et René Alain, sont en fait le même fils, né le 19 mai 1849 à Saint Malo, d'Alfred de Bailleul marquis de Croissanville. Nous restons donc à cinq en ce qui concerne le nombre d'enfants de ce dernier.

    - Acte de mariage du 3 juillet 1902 à Alger, entre Valleix Aimé Laurent André et de Bailleul de Croissanville Louise Marie, née le 24 août 1843 à Caen (Calvados), demeurant à Alger, rue d'Orléans, fille majeur et légitime de Alfred de Bailleul marquis de Croissanville, décédé le 2 décembre 1876 et de Pauline Virginie Letellier, décédée le 11 décembre 1888.

    Plusieurs renseignements proviennent de cet acte. D'abord, nous découvrons l'aînée des enfants d'Alfred, Louise Marie, née en 1843 à Caen, donc près de Croissanville. Or, Michel Alphonse, le père d'Alfred a été enterré quelques mois plus tôt à Croissanville. On peut donc supposer que tous ce monde a vécu dans les environs à cette époque, voir peut-être même au château. On y apprend la date de décès de sa mère, le 11 décembre 1888 mais on remarque aussi que la mariée a 59 ans le jour de son mariage. Nous voici alors avec six enfants pour Alfred.

    - Acte de mariage de 1889 à Saint Louis entre Wehrlé Charles et de Bailleul Jeanne-Gabrielle, domiciliée à Saint Louis, née à Oran le 11 juillet 1867, fille majeure de père inconnu et de Louise Marie de Bailleul, âgée de quarante cinq ans, demeurant à Aïn-Beïda.

    Louise Marie a donc été fille-mère à l'âge de 24 ans d'une fille prénommée Jeanne-Gabrielle pour finir par se marier à l'âge de 59 ans, ce qui n'est pas commun, surtout à cette époque ! Sa fille fait alors partie des trois petits-enfants identifiés pour l'instant d'Alfred de Bailleul marquis de Croissanville, après Charles (fils de Jules Charles) et Alfred mon grand-père (fils de Raoul Edouard).

    - Acte de mariage du 4 février 1882 à Oran, entre Hippolite Philippon et Alice Léonie de Bailleul, née le 18 janvier 1859 à Coutance (Manche), domiciliée à Oran avec sa mère, fille majeur et légitime d'Alfred de Bailleul marquis de Croissanville décédé le 2 décembre 1876 et de Pauline Virginie Letellier, survivante et rentière.

    Voici donc la dernière fille d'Alfred, la plus jeune, née le 18 janvier 1859 à Coutance. Nous avons alors bien sept enfants sur les sept que nous attendions.

    Il est peut-être nécessaire, arrivé à ce point, de rassembler l'ensemble de ces nouvelles données dans le résumé suivant :

    - Michel Alphonse de Bailleul marquis de Croissanville, né le 3 mai 1758 à Cléville, mort le 22 novembre 1842 à Amfreville, enterré à Croissanville, marié à Louise Lucie Henriette Wilhelmine Jarry, père de :

    - Alfred de Bailleul marquis de Croissanville, né en 1815 à Forres, Ecosse, mort le 2 décembre 1876 à Oran, Algérie, marié à Pauline Virginie Letellier et père de :

    - Louise Marie, née en 1843 à Caen, mère de Jeanne Gabrielle, née en 1867 à Oran.

    - Henri, né en 1845.

    - Jules Charles, né en 1848 à Saint Malo, père de Charles, né en 1891 à Mustapha.

    - René Alain ou Alain Irénée, né en 1849 à Saint Malo.

    - Raoul Edouard, né en 1850 à Saint Malo, père de Alfred, né en 1893 à Oran.

    - Berthe Wilhelmine, née en 1852 à Saint Malo.

    - Alice Léonie, née en 1859 à Coutances.

    Par ailleurs et malheureusement, contrairement à ce qui avait été prévu, le site des archives d'état civil des français d'Algérie n'a pas été en mesure de proposer la lecture des documents en ligne suite à une recommandation de la CNIL. Mais leur moteur de recherche a néanmoins du être perfectionné car depuis quelques temps on trouve l'existence de documents concernant les Bailleul-Croissanville qui n'appararaîssaient pas auparavant.

    La recherche "croissanville" donne :

    - Renée Marcelle de Bailleul de Croissanville, née en 1890 à Mustapha.

    Il s'agit de la soeur de mon grand-père Alfred de Bailleul de Croissanville, et donc tante de mon père qui en a gardé quelques souvenirs. Il m'a indiqué qu'elle s'était tout d'abord mariée à un Bernard puis à un Ancellin. Or, c'est effectivement ce que j'ai trouvé dans une note d'un blog brésilien, écrite en portugais mais traduite imparfaitement par l'outil Google, rédigée par son petit-fils, un certain Dimitri Ganzelevitch qui y conte ses souvenirs et la vie assez malheureuse de sa grand-mère. Elle s'ajoute donc à la liste des petits-enfants du marquis Alfred de Bailleul de Croissanville.

    La recherche "bailleul" permet d'en trouver d'autres potentiels :

    - Fernand de Bailleul, né en 1888 à Blida.

    - Jeanne de Bailleul, née en 1903 à Oran.

    - Alice de Bailleul, née en 1886 à Saint Louis.

    - Marthe de Bailleul, née en 1894 à Legrand, décédée en 1895 à Legrand.

    - Angèle de Bailleul, née en 1886 à Legrand.

    - Cécile de Bailleul, née en 1888 à Legrand.

    - Albert de Bailleul, né en 1894 à Mustapha.

    Il en existe d'autres mais la particule "de" n'est pas mentionnée, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne font pas partie de la même famille et a contrario, sa présence ne garantie pas le lien avec les Bailleul-Croissanville. Une vérification sur place des documents est donc absolument nécessaire à nouveau pour préciser cette liste des petits-enfants du marquis Alfred. Ainsi, comme susceptibles de transmettre le patronyme de Bailleul de Croissanville et donc à l'origine d'une génération actuelle pouvant porter ce nom, nous avons pour les petits-fils :

    De façon certaine :

    - Alfred, né en 1893, mon grand-père, fils de Raoul Edouard.

    - Charles, né en 1891, fils de Jules Charles.

    A vérifier :

    - Fernand, né en 1888.

    - Albert, né en 1894.

    L'objectif principal de ces recherches à partir des données d'état civil d'Algérie a été rempli puisqu'elles ont permis d'établir une généalogie remontant des Bailleul-Croissanville actuels jusqu'aux derniers seigneurs du lieu. Qui plus est, cette branche est unique puisque des trois frères, seul Michel Alphonse a eu une descendance.

    Mais l'enjeu demeure de savoir si son fils Alfred, père de sept enfants, dont quatre garçons, peut être à l'origine d'autres familles actuelles portant ce nom hormis la mienne. S'il est difficile d'admettre que sur ses quatre fils, seul Raoul Edouard, mon arrière-grand-père, a pu perpétuer le nom, les circonstances (première puis seconde guerre mondiale, événements d'Algérie, conditions de vie difficiles, malchance) peuvent l'expliquer ainsi que l’hypothèse de l'établissement d'une de ces familles dans un pays lointain.

    A ce jour, je n'ai connaissance de l'existence que d'une petite-fille de Berthe Wilhelmine, mon arrière-grand-tante, qui est intervenue sur un site de généalogie et à qui j'ai envoyé un mail sans réponse de sa part malheureusement. Idem en ce qui concerne Dimitri Ganzelevitch, petit-fils de ma grand-tante Renée Marcelle. Depuis la rédaction de ces lignes, j'ai été en contact avec ces deux personnes ainsi qu'avec d'autres descendants des mes arrières-grands-oncles et tantes.

    Néanmoins, Je n'ai fait là qu'une partie du chemin, descendant des trois frères, derniers marquis de Croissanville successifs, vers les Bailleul-Croissanville actuels. Il reste à remonter dans cette généalogie avec pour objectif, d'abord de la compléter jusqu'à l'acquisition du nom et donc de la seigneurie de Croissanville, mais aussi de déterminer de quelle branche des Bailleul elle est issue.

    Certains éléments de mes recherches pré-internet avaient permis d'élaborer quelques pistes et hypothèses à ce sujet, en particulier la lettre d'érection en marquisat et les documents que j'avais pu consulter aux archives départementales de Caen.

    Mais grâce à Googlebook et à certains travaux généalogiques consultables en ligne, je peux, en croisant ces différentes données, établir quelques certitudes et affiner quelques hypothèses.

    Tout d'abord, il est établi que les trois frères, Toussaint Aimable, Aimable Auguste, et Michel Alphonse sont issus du mariage de Toussaint François de Bailleul marquis de Croissanville et de Marie-Thérèse Subtil de Bauhamel. Mais les consultations de l'état civil pour Cléville et Croissanville aux archives départementales de Caen ne m'avaient pas permis de remonter plus loin.

    Or, avec Googlebook, il m'a été possible d’identifier et donc de consulter les ouvrages contenant les informations que je cherchais. En particulier, dans "Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790" pour le Calvados, j'ai trouvé :

    - Archives Cléville, le 8 décembre 1754, baptême d'Aimable Auguste, fils de François Toussaint Aimable de Bailleul, écuyer, chevalier, seigneur, marquis de Croissanville et de Thérèse Subtil.

    - Archives Cléville, le 3 mai 1758, baptême de Michel Alphonse, fils de François Toussaint Aimable de Bailleul et de Marie-Thérèse Subtil de Bellengreville, marraine : Marie Anne des Anières de Bellengreville, grand-mère de l'enfant.

    La véritable date de naissance du cadet Aimable Auguste est alors connue et celle du benjamin, Michel Alphonse est confirmée, telle qu'elle se trouve sur sa tombe de l'église de Croissanville.

    - Archives Bellengreville, le 12 octobre 1750, mariage de François Toussaint de Bailleul, marquis de Croissanville, seigneur et patron de Vicques et autres lieux, fils de feu François et de feu Françoise Elisabeth de Bailleul, marquise de Croissanville, de la paroisse de St Julien de Caen, et Marie-Thérèse Subtil, fille de Michel Alphonse Subtil, chevalier, seigneur et patron de Bellengreville, Francqueville, etc., et de Marie Anne des Anières, en présence des père et mère de l'épouse.

    Cet acte de mariage permet donc d'identifier les parents de Toussaint François issu donc de l'union de François et de Françoise Elisabeth de Bailleul de Croissanville, mais sa rédaction bizarre en détaillant le nom et le titre pour la mère uniquement ne permet pas de connaître le nom de jeune fille de celle-ci. Il recèle un autre fait important à savoir que les parents du marié sont déjà décédés ce qui peut laisser supposer que Toussaint François est beaucoup plus âgé que sa femme. Or ceci semble bien confirmé puisque dès 1777 nous savons que c'est son épouse Marie-Thérèse qui est l'unique signataire des documents relatifs à la famille.

    Je stoppe ici. Voici les explications que je donnais à ce moment sur mon ancien blog dans une note que je ne peux pas publier ici de la même manière car Hautetfort ne me permet pas d'organiser l'ordre des notes comme je le veux :

    "Je me vois dans l'obligation de suspendre la rédaction de ce blog pour plusieurs raisons. La première est que jusqu'ici je rédigeais le résultat de mes recherches sur la base d'éléments et de documents dont l'ancienneté de la découverte variait de plusieurs années à quelques mois, ce qui permettait de justifier le parti pris rédactionnel de type didactique fait de progression "pas à pas", de fréquentes précisions, rappels ou même corrections au sujet de faits déjà abordés.

    Or la fréquence et la nature des découvertes récentes se sont soudainement accélérées. Ainsi, alors que j'en suis à tenter de décrire la généalogie pré-révolutionnaire des Croissanville sur la base des "archives départementales du Calvados antérieures à 1790" que j'ai dû consulter sur place à la bibliothèque de Caen il y a quelques mois, voilà que ce même document est désormais consultable en entier sur un site d'archives du Québec, révélant de ce fait des éléments qui m'avaient échappé.

    Malgré tout, et c'est la deuxième raison, je n'arrive pas à établir précisément la généalogie pour la période 1650-1750, de nombreux éléments existants mais semblants contradictoires. Or, il existe plusieurs livres en faisant apparemment la description.

    Il m'apparaît donc inutile d'exposer maintenant des théories qui seraient immédiatement contredites par la consultation de ces ouvrages.

    Je reprendrai donc une fois ces sources consultées et analysées."

    Je reprends donc. Tout d'abord, en expliquant les raisons de mon blocage à ce niveau des recherches, puis en détaillant par la suite l'ensemble des nouvelles données dont j'ai pris connaissance depuis et qui devraient me permettre de passer cet obstacle ou tout du moins d'envisager certaines hypothèses à même de le contourner.

    François Toussaint a donc pour père et mère, François et Françoise Elisabeth de Bailleul de Croissanville, tous deux décédés en 1750 alors qu'il se marie.

    Le problème ici, est de parvenir à identifier ce François (le père, donc) et à lui trouver sa place dans la généalogie avec bien peu d’informations le concernant.

    Dans la lettre d'érection en marquisat au bénéfice de Jacques de Bailleul, reproduite plus haut, il est dit : "...et depuis le fils aisné dudit Jacques de Bailleul etant page...et la paix estant faicte auroit servi...en notre armée navalle sur le vaisseau de Colombon...et sert encore...à Toulon sur le vaisseau de l'Arcanciel..."

    Je supposais donc qu’il était ce fils de Jacques dont il est fait mention sans que le prénom soit cité et le même "François" de Bailleul, chevalier, seigneur de Vicques, lieutenant de vaisseaux du Roy, chevalier de l’ordre militaire de St Louis que l’on trouve dans un document de 1724 (cf. famille de Bailleul de Croissanville, archives dep. de Caen), et également le "François" de Bailleul de Croissanville signataire avec son épouse, Gabrielle Marguerite de Sainte Marie, au baptême d’un Gabriel en 1697 (archives microfilmées de Croissanville que je consultais au début de mes recherches).

    Mais tout de suite un problème apparaît : si François Toussaint est bien le fils de François et Françoise Elisabeth de Bailleul de Croissanville qui est le "François" marié à Gabrielle Marguerite de Sainte Marie, et lequel est le fils de Jacques, devenu marquis de Croissanville ?

    Autant l’avouer tout de suite, et ceci explique en partie cette longue interruption du blog, aucun des principaux documents réunis depuis ne permet ne répondre à cette question ou plutôt la seule réponse possible semble être : ni l‘un ni l’autre. En effet, Jacques de Bailleul, fait marquis de Croissanville par Louis XIV vers 1688, aurait eu la malchance de n’avoir aucun fils en mesure de transmettre de façon "directe" ce titre à peine acquis.

    Il y a donc là, à la fois une contradiction avec ce qu’indique la lettre d’érection qui mentionne bien un "fils aisné" suffisamment âgé pour avoir des états de services importants dans l’armée et encore vivant à ce moment, et une explication à cette confusion généalogique dans la transmission du titre pour la génération qui suit directement Jacques de Bailleul.

    Pour être plus clair : si la transmission s’était faite de fils à fils depuis Jacques il aurait alors été aisé d’identifier tel ou tel "marquis de Croissanville" (ou "marquise" dans le cas des épouses), que l’on trouve dans les documents, comme étant ses fils et (ou) petit-fils et de faire le lien facilement entre Jacques et François, père de François-Toussaint.

    La lecture et l’étude des principaux documents réunis depuis ma dernière intervention infirment l’idée qu’une telle transmission du titre ait été aussi simple ce qui a pour conséquence de rendre plus compliqué l’établissement d’une généalogie sur cette période.

    Quels sont ces documents ? Je me propose d’en détailler ici les principaux concernant uniquement l’établissement de la généalogie des Bailleul-Croissanville car il y en a bien d’autres éclairant tel ou tel point de détail sur un personnage ou un événement et qu’il serait vain et indigeste d’en donner la liste complète. Il en sera donc fait mention au fur et à mesure.

    Tout d’abord donc la fameuse lettre d’union de plusieurs fiefs et d‘érection de ceux-ci en marquisat provenant de "statistique monumentale du calvados" tome 3 (1867) de A. de Caumont, pages 446 à 450, et reproduite sur ce blog dans le paragraphe sur le début des recherches Croissanville. Un détail important à noter ici, c’est que l’auteur ne mentionne pas de date au sujet de l’établissement de cette lettre et donc sur l’acquisition du titre de marquis de Croissanville par Jacques de Bailleul. Il est juste fait mention " d’un autre aveu rendu par Jacques de Bailleul du 28 juin 1691". J’ai donc longtemps cru que c’était la date d’érection en marquisat. Or il n’en est rien.

    En effet dans les "registres mémoriaux de la chambre des comptes de Normandie, registre N°96, années 1688/1689", se trouvent deux séries de lettres successives, une d’union de plusieurs fiefs et érection de ceux-ci en marquisat sous le nom de marquisat de Cressanville et une d’union de plusieurs fiefs et seigneuries au dit marquisat de Cressanville au bénéfice de Jacques de Bailleul. La date ici est donc 1688/1689. Cela peut paraître anecdotique mais aura son importance pour suivre plus précisément la transmission du titre. A noter également le nom de Cressanville qui sera remplacé durant le XVIIIème siècle par celui de Croissanville.

    Un autre document d’importance est donc "inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, calvados, série E, tome 1" que j’avais consulté d’abord à la bibliothèque de Caen puis que j’ai pu télécharger dans sa totalité quelques mois après sur Internet. Ainsi, des quelques malheureuses occurrences que j’avais pu déceler lors de la consultation sur place du document je suis passé à un nombre plus considérable depuis que je le possède dans sa version "pdf". Y sont recensés des actes de naissance, mariage, décès, baptême ou tout autre document administratif et représente une source capitale, mais malheureusement tout ne s’y trouve pas.

    J’en arrive maintenant à ce que l’on peut considérer comme les deux principales sources d’informations de ces recherches puisque ce sont tout simplement des généalogies déjà établies des Bailleul-Croissanville, l’une descendant jusqu’à leur établissement en Algérie, l’autre remontant jusqu’aux Bailleul des origines.

    Il s’agit donc pour la première d’une sorte de classeur énumérant par ordre alphabétique la généalogie de l’ensemble des descendants de Berthe Wilhelmine de Bailleul de Croissanville. C’est donc particulièrement celle de cette dernière qui nous intéressera ici.

    S’il contient quelques anecdotes sur la période post-révolutionaire, discutables pour certaines et quelques erreurs manifestes sur lesquelles je reviendrai, on y trouve surtout une généalogie remontant jusqu’à Louis de Bailleul seigneur de Beauvais en 1570, personnage qui est également au point de départ de la généalogie décrite dans la lettre d’érection en marquisat.

    C’est lors d’une très sympathique rencontre chez les actuelles descendantes de Berthe Wilhelmine que j’en ai pris connaissance et je fus surpris de trouver un tel document recoupant et synthétisant des informations que je n’avais pu trouver que de façon parcellaire jusqu’ici. Mais s’est vite posé à mon esprit le problème de l’origine des sources qui avaient permis de l’établir. S’il était facile de concevoir que tel ou tel détail sur des périodes récentes avait pu être transmis oralement, d’où provenait le reste ? Mes hôtesses ne purent y répondre.

    Voyons maintenant le seconde et dernière de ces principales sources. Il ne s’agit ni plus ni moins que de l’arbre généalogique de "la maison de Bailleul".

    Il se présente, comme on peut s’y attendre, sous la forme d’un arbre dont les ramifications décrivent les différentes branches des Bailleul depuis leurs origines avec pour chaque nouvelle génération une case dont le texte décrit prénom, fonction si celle-ci est remarquable, seigneuries ainsi que le nom de l’épouse et la date du mariage, quant elle est connue, et ce, pour chaque personnage. Dans pratiquement tous les cas le dessin des blasons des deux époux y figure. Sur trois coins du document, mais aussi en d’autres endroits, on trouve des blocs de texte décrivant les faits remarquables de quelques Bailleul illustres ou des précisions sur telle personne ou tel événement. Evidemment, seuls les enfants mâles et sans doute aînés apparaissent dans la remonté du tronc principal. A partir du XIVème siècle néanmoins le tronc se sépare montrant le ou les frères à l’origine d’autres branches de la famille. Ainsi la branche des Bailleul-Renouard se distingue du tronc d’origine, puis la branche des Bailleul-Beauvais-Montreuil au XVème siècle fait de même avec la branche Bailleul-Renouard, se séparant ensuite en trois branches, les Bailleul-Montreuil, Bailleul-Beauvais, Bailleul-Quatre Faveries au XVIème siècle, cette dernière étant à l’origine des Bailleul-Croissanville.

    L’origine d’un tel document est à rechercher à mon avis dans l’existence d’un "mémoire imprimé en 1754 de la maison de Bailleul". Cette indication sur ce mémoire se trouve dans une note en bas de page de l’ouvrage " Dictionnaire de la noblesse", tome.9 de M. de la Chenaye-Desbois datant de 1775 que voici :

    m-moire-de-bailleul.jpg

    Des recherches ont donc été faites à cette période sur l’histoire de la famille et la date d’impression en 1754 est contemporaine de Toussaint-François, le père des trois frères ayant vécus du temps de la Révolution. J’émets donc l’hypothèse qu’il en est le commanditaire. Or, comment imaginer l’établissement d’un mémoire sur la maison de Bailleul sans arbre généalogique ? Je pense donc que l’arbre provient de ce travail de recherche de 1754.

    A noter qu’il est question dans cette note de lettres patentes datant de juillet 1680 pour l’érection en marquisat de Croissanville, une date antérieure à celle que nous avons trouvée dans les registres de la chambre des comptes de Rouen. Là aussi, cela aura son importance dans la compréhension de la transmission du titre.

    Une fois tout cela posé, reprenons donc notre remontée à partir des parents de François Toussaint en analysant successivement ces documents.

    Le classeur généalogique des descendantes de Berthe Wilhelmine nous indique le mariage de François de Bailleul, seigneur de Vicques, lieutenant des vaisseaux du Roi, troisième fils de François de Bailleul et d’Eléonore de la Moricière avec Marie-Françoise de Bailleul. Un seul enfant est né de cette union, François Toussaint Amable. On retrouve ici la qualité de "lieutenant des vaisseaux du Roi" qui correspond à la description des faits militaires du soi-disant "fils aîné" de Jacques de Bailleul dans la lettre d’érection en marquisat, de-même qu’elle apparaissait dans le document notarié de 1724 provenant des papiers de la famille conservés aux archives de Caen et ainsi résumé : " reconnaissance de dette envers le marquis de Malherbe par François de Bailleul, chevalier, seigneur de Vicques, lieutenant de vaisseaux du Roi, chevalier de l’ordre militaire de Saint Louis…acquise de la Dame mon épouse de feu le marquis de Croissanville."

    Mais ici une autre information importante nous saute aux yeux alors : la reconnaissance de dette ne se transmet pas de "feu le marquis de Croissanville" directement à François comme cela aurait été le cas s’il était son fils, mais par sa femme, Marie-Françoise ou Françoise-Elisabeth de Bailleul.

    On comprend mieux alors la rédaction que je trouvais bizarre de l’acte de mariage de François Toussaint qui le décrit comme "fils de feu François et feu Françoise-Elisabeth de Bailleul, marquise de Croissanville". Ainsi François de Bailleul, lieutenant de vaisseaux du Roi, aurait épousé une Bailleul-Croissanville, sans doute une cousine, héritière plus directe que lui-même du précédent marquis de Croissanville.

    Or ceci est quasiment confirmé par le fait suivant : on trouve dans la liste des suppliants ayant demandé une dispense de mariage le nom de Marie-Francoise de Bailleul de Croissanville, résidant à Cléville (je rappelle ici que le château de Croissanville se trouve sur la commune de Cléville) pour l’année 1710. Contrairement à ce que le terme laisse entendre, et à ce que j’ai naïvement longtemps cru, une "dispense de mariage" ne signifie pas une annulation de mariage mais une demande aux autorités ecclésiastiques pour pouvoir contracter un mariage dans le cas de consanguinité. Et c’est bien le cas qui nous occupe ici.

    La dispense ayant été accepté puisque le mariage a eu lieu, on peut en déduire approximativement la date vers 1711 et ainsi évaluer la date de naissance de François Toussaint aux alentours de 1711-1720 ce qui correspondrait avec son décès estimé vers 1777.

    Ainsi l’hypothèse que François, lieutenant de vaisseaux du Roi ai pu être le "fils aîné" de Jacques, premier marquis de Croissanville, comme indiqué dans la lettre d’érection en marquisat, s’effondre puisque sa femme est une plus proche descendante de ce dernier que lui. Par ailleurs, le classeur généalogique indique qu’il est censé être le troisième fils de François de Bailleul et d’Eléonore de la Moricière. Mais nous allons voir que ceci est également erroné car cela en aurait fait le frère de Jacques au lieu de son prétendu fils !

    Essayons de comprendre d’où peut provenir cette erreur. Le classeur nous indique le mariage en 1619 entre François de Bailleul, chevalier, seigneur de Croissanville, des Quatre Faveries, de Tournay et autres terres, fils d’Yves de Bailleul et de Marguerite d’Harcourt, avec Eléonore de la Moricière héritière des terres de Vicques et d’Avoise. Ils ont trois fils : Jacques, Yves et François (le père de François Toussaint). Si on compare avec ce qu’indique la lettre d’érection en marquisat, il y a une cohérence : il y est dit que Jacques descend d’un fameux seigneur de Vicques, son bisaïeul maternel, ce qui est bien le cas ici puisque sa mère est héritière de la seigneurie de Vicques et que son père se prénomme François. Mais il est aussi précisé que son frère cadet Jean-François, mousquetaire dans la première compagnie du Roi fut blessé à Marsal et décédé par la suite, ce qui situerait alors sa mort vers 1663.

    Comparons maintenant tout cela avec l’arbre généalogique de la Maison de Bailleul, que nous supposons issu du mémoire de 1754 sur la famille, et qui sera notre arbitre en cas de litige au même titre que les données issues des archives départementales du Calvados quand elles existent sur un point précis.

    L’arbre nous indique bien le mariage en 1619 de François de Bailleul, chevalier, seigneur de Croissanville, de Quatre Faveries, de Tournay avec Eléonore de la Moricière, héritière des terres d’Avoise. Ils ont bien trois fils : Jacques de Bailleul, marquis de Croissanville, seigneur de Vicques et autres terres, Yves de Bailleul, seigneur de Quatre Faveries, et Jean-François de Bailleul, tué au service du Roi. Tout cela correspond donc à la lettre d’érection en marquisat. Par contre l’auteur du classeur généalogique semble avoir fait une confusion entre François, père de François-Toussaint et Jean-François, tué à Marsal. La quasi-similitude du prénom pourrait excuser cette erreur mais nous savons que François et Marie-Françoise-Elisabeth se sont mariés vers 1711. Or il est impossible que quelqu’un, issu d’un mariage datant de 1619, puisse se marier en 1711, presque un siècle plus tard ! Il manque donc une génération.

    Et c’est bien ce que nous montre l’arbre généalogique qui fait de François, lieutenant de vaisseaux du Roi, le fils d’Yves de Bailleul, seigneur de Quatre Faveries et de Madeleine du Val. Il est donc le neveu de Jacques, premier marquis de Croissanville, et non pas son fils, comme suggéré dans la lettre d’érection en marquisat, ni son frère comme indiqué dans le classeur généalogique.

    Ainsi, pour résumer et rattraper l’attention du lecteur sans doute perdue arrivé à ce point du récit, nous avons :

    François-Toussaint (père des trois frères, derniers occupants du domaine) est le fils de François de Bailleul, lieutenant de vaisseaux du Roi et de Marie-Françoise-Elisabeth de Bailleul, descendante plus directe de Jacques de Bailleul, premier marquis de Croissanville, que ne l’est son mari et sans doute cousine de ce dernier qu’elle épouse vers 1711 après une dispense de mariage datant de 1710.

    François de Bailleul, lieutenant de vaisseaux du Roi, est donc le fils d’Yves de Bailleul, seigneur de Quatre Faveries et de Madeleine du Val. L’arbre généalogique ne donne pas de date précise du mariage, indiquant seulement "en l’an 16…".

    Yves de Bailleul, seigneur de Quatre Faveries, est lui le fils de François de Bailleul, Chevalier, seigneur de Croissanville, de Quatre Faveries, de Tournay et de Eléonore de la Moricière, Dame de Vicques et d’Avoise. Mariage en l’an 1619. Il a deux frères : Jacques de Bailleul, devenu marquis de Croissanville en 1680 ou 1688, et Jean-François de Bailleul, mousquetaire de la première compagnie du Roi, tué à Marsal vers 1663.

    Il s’agit maintenant de confronter tout cela avec les documents plus officiels que sont les archives du Calvados antérieures à 1790, le catalogue des factums et autres documents judiciaires antérieurs à 1790, ou tout document de type "aveu" ou "contrat" consulté de visu aux archives départementales de Caen avec un triple objectif :

    - Confirmer et préciser la généalogie ainsi établie et telle que décrite dans l’arbre généalogique de la Maison de Bailleul.

    - Identifier tel personnage n’apparaissant pas dans ledit arbre, et par conséquent, tenter de le corriger.

    - Essayer de comprendre la difficile et complexe transmission du titre de marquis, objectif qui concentre et explique en fait l’ensemble du problème selon mon hypothèse.

    Mais à ces difficultés, s’en ajoute une autre, bien paradoxale, qui est l‘abondance de documents sur cette période. En effet, tant pour les archives départementales ou judiciaires antérieures à 1790 que pour les documents originaux, c’est, pour simplifier, entre 1650 et 1750 qu’on en trouve le plus. Avant 1650, on constate une sorte de "vide" administratif dans la compilation des actes et le déchiffrage des originaux est souvent impossible. Il y a donc une multitude d’informations incomplètes que je me dois d’exposer ici puisqu’elles existent alors qu’en leur absence, je me serai contenté de me fier à l’arbre généalogique sans chercher plus loin.

    Enfin, pour nous compliquer la tache, le lecteur aura constaté que nos facétieux ancêtres se sont amusés à donner à leurs enfants des prénoms identiques ou similaires aux leurs ou à ceux de leurs frères et sœurs, et particulièrement sur cette période, multipliant de ce fait le risque d’erreur dans l’identification précise de tel personnage.

    Dans la remontée généalogique nous en sommes donc arrivés, dans ce qui semble être l’ordre des naissances, à :

    - Jacques de Bailleul, marquis de Croissanville, seigneur de Vicques et autres terres.

    - Jean-François de Bailleul, mousquetaire dans la première compagnie du Roi, mort à Marsal vers 1663.

    - Yves de Bailleul, seigneur de Quatre Faveries, père de François, lui-même père de François-Toussaint, etc…

    Eliminons donc tout de suite Jean-Francois puisque l’arbre ne nous donne ni mariage, ni descendance. L’indication de son décès au service du Roi en 1663 est confirmée par la lettre d’érection en marquisat et il n’apparaît dans aucun autre document de ma connaissance.

    Concentrons-nous alors sur Jacques, le premier marquis de Croissanville. L’arbre nous indique qu’il s’est marié trois fois, chose peu commune. Il épouse Jeanne Collin en 1655, ensuite Marguerite de Morel sans date de mariage précisée et enfin Suzanne Daniel, Dame Erard Le Gris en 1682. On retrouve cela dans le classeur généalogique, à la différence que Marguerite de Morel est appelée "du Mord".

    L’arbre nous indique également trois cases vides en guise de descendance. Cela signifie qu’il n’a eu que des filles ou que s’il a eu un fils, celui-ci n’a pas été assez viable pour être mentionné.

    La conclusion est immédiate, Jacques, l’aîné, premier marquis de Croissanville n’a pu transmettre son titre de façon directe. Il semble avoir été victime d’une triple malédiction : à peine fait marquis, ses épouses successives décèdent prématurément et aucunes ne lui donnent un fils. Voilà bien la cause et l’explication du cheminement complexe de la transmission du titre et de la généalogie qui va suivre.

    Voyons maintenant l’ensemble des informations que nous avons sur lui.

    La lettre d’érection en marquisat nous informe que "Jacques de Bailleul, chevalier, seigneur de Cressanville, le Quesnay, Glatigny, Coquainvillers, Perreux et autres lieux… a servi plusieurs années en Flandre, pendant diverses campagnes soubs les marechaux de la Ferté et d’Aumont ayant même été choisy en l’année 1674 par la noblesse de la vicomté de Caen…pour capitaine et commander ladicte noblesse…" Un militaire, donc, tout comme son frère cadet Jean-François, mousquetaire, et la longue lignée de ses ancêtres telle que décrite dans cette même lettre.

    Par ailleurs, et dans l’ordre chronologique, nous trouvons dans "Statistique monumentale du Calvados" de A. de Caumont qui reproduit cette lettre, la mention d’un aveu au Roi datant de 1659 de Jacques de Bailleul pour sa seigneurie de Croissanville.

    Dans les documents originaux des archives de Caen, nous avons trouvé la mention de la présence de "Jacques de Bailleul, escuyer, sieur de Quatres-Faveries et de Croissanville" dans un parchemin de 1668.

    Et également pour l’année 1668 un document mentionnant : "Jacques de Bailleul, chevalier, seigneurs des Quatres-Faveries et de Croissanville demeurant au dit lieu de Croissanville ayant épousé défunte noble dame Jeanne Collin qui est un contrat par lequel Jacques de Bailleul reconnaît avoir reçu " (illisible), seigneur de Facqueville appartenant aux enfants mineurs de Jeanne Collin (illisible), Gaspard Collin". Voilà qui est intéressant car nous apprenons que Jacques a sans doute épousé une veuve, mère de plusieurs enfants, en la personne de Jeanne Collin lors de son premier mariage en 1655. Elle est donc décédée vers 1668, date de ce document qui semble régler sa succession.

    Dans l’inventaire des archives départementales de Calvados, nous trouvons en date du 15 août 1687 : "Baptême de Suzanne-Marie-Louise Daniel, fille desdits Guillaume Daniel et Suzanne Le Sueur; parrain : Louis de Margueritte (signé : de Marguerif), escuyer, sieur de Neuville; marraine : Suzanne Erard Le Gris, femme du marquis de Croissanville". La marraine est ici la troisième femme de Jacques, Suzanne Daniel Erard Le Gris, qu’il a épousé en 1682. Elle assiste sans doute au baptême d’une nièce au vu du nom de cette dernière et de ses parents. Deux informations sont à tirer de ceci : d’abord nous avons bien la confirmation de l’existence et de l’identité de la troisième femme de Jacques. Mais aussi que ce dernier en 1687 était déjà marquis de Croissanville.

    Or les deux lettres patentes d’érection en marquisat au bénéfice de Jacques que nous avons trouvé dans le "mémorial de la chambre des comptes de Rouen" sont classées pour l’année 1688. Il y a là un petit problème. D’un autre côté, la note en bas de page du "Dictionnaire de la noblesse", tome.9 de M. de la Chenaye-Desbois mentionnant le mémoire de 1754 sur la Maison de Bailleul, parle de lettres patentes datant de 1680. C’est peut-être alors cette dernière date qui est la bonne concernant l’érection en marquisat de Croissanville.

    Toujours dans l’inventaire des archives du Calvados, nous trouvons en date du 7 octobre 1688 à Cléville : "Mariage de Gilles de Bailleul, chevalier, seigneur et patron d’Ammeville, Franqueville, etc., fils de feu François de Bailleul, chevalier, seigneur desdits lieux, et de Catherine de Larcher, de Morainville, et Françoise de Bailleul, fille de Jacques de Bailleul, chevalier, marquis de Croissanville, seigneur et patron de Croissanville, Méry, Bissières, Vicques, etc., et de Jeanne Collin, demeurant au château de Croissanville, paroisse de Cléville".

    Nous voici à nouveau en présence d’un mariage entre deux personnes de la même famille. Le marié, Gilles de Bailleul est le fils de François de Bailleul, seigneur d’Ammeville et de Franqueville et la mariée, Françoise est la fille de Jacques de Bailleul, marquis de Croissanville. Là aussi nous trouvons la confirmation de ce fait dans l’existence d’une demande de dispense de mariage faite en 1688 à Morainville concernant les deux époux. Nous découvrons ici l’existence de Françoise, fille de Jacques de Bailleul et de Jeanne Collin, première épouse de ce dernier, décédée vers 1668. La deuxième épouse de Jacques, Marguerite de Morel (ou du Mord) est, elle aussi, sans doute décédée à la date de ce mariage puisque Jacques a épousé Suzanne Daniel Erard Le Gris en 1682.

    Nous pouvons donc compléter l’arbre généalogique en inscrivant Françoise dans une des cases laissées vides pour les trois enfants de Jacques.

    Mais que faire de ce Gilles de Bailleul, le mari, seigneur d’Ammeville et de Franqueville et de son père François qui n’apparaissent nul part sur l’arbre généalogique ? Il va donc nous falloir tenter de leur trouver une place à eux aussi dans les cases laissées vides de l’arbre. En effet, si ce dernier s’attache d’abord à développer la branche des Bailleul-Quatre-Favrils qui est à l’origine des Bailleul-Croissanville, il n’en expose pas moins une généalogie partielle des autres branches, celles des Bailleul-Beauvais et des Bailleul-Montreuil. C’est donc dans les cases laissées vides de ces branches que nous pourrons sans doute placer ces deux personnages en fonction des informations que nous trouverons à leur sujet.

    Bon ! Une fois de plus j’ai du stopper ma narration, toujours pour la même raison mais je peux difficilement m’en plaindre : de nouvelles informations sont disponibles sur le net par le biais des archives départementales mise en ligne. Elles sont donc à ranger parmi les sources capitales de ces recherches, que j’ai énuméré plus haut, voir même peut-être les plus incontestables puisqu’il s’agit de documents officiels bruts et non pas de retranscriptions comme c’est le cas dans la série E du volume des archives départementales du Calvados que je possède ou de résultats de recherches dans les cas du classeur généalogique, des arbres, et de la lettre d’érection en marquisat. Elles permettent ainsi de découvrir, de confirmer mais aussi de corriger certains faits ou hypothèses. Je ne peux donc continuer mon récit tel quel sans en tenir compte immédiatement dans ma narration. De même, et en cela je tiens à rester fidèle à l’esprit de cette dernière, il me faut décrire le processus de découverte et d’interprétation de ces sources toujours dans le souci d’être le plus didactique possible dans la description de ces recherches.

    Je reprends donc à nouveau, là où j’en étais à décrire ici l’ensemble des informations que je possédais sur Jacques, 1er marquis de Croissanville, frère de Jean-François, mousquetaire tué au service du Roi, et d’Yves, seigneurs des Quatre-Favrils. Ce dernier étant à l’origine des Bailleul-Croissanville qui vont suivre, je m’attachais par ailleurs à tenter d’identifier la localisation de cette seigneurie.

    Or, et contrairement à ce que j’écris plus haut dans ce récit à partir de données imprécises, il ne s’agit pas de "Quatre Faveries" mais de "Quatre-Favrils", ancienne paroisse qui se trouve actuellement sur la commune de Saint Gervais des Sablons dans l’Orne. Et c’est bien, avant tout, l’identification précise d’un lieu qui constitue l’élément de départ le plus crucial de toute recherche généalogique. La preuve, une fois de plus, avec ce qui va suivre :

    Quand j’eut connaissance de la disponibilité des archives départementale en ligne, je n’ai pu résister à la tentation de vérifier si, par hasard, il existait quelques mentions de la présence de membres de la famille Bailleul dans les registres paroissiaux des "Quatre-Favrils". Simple curiosité de ma part, d’autant plus facile à satisfaire, que la consultation en ligne des archives départementales de l’Orne est gratuite contrairement à celle du Calvados qui est une des rares payantes sur toute la France malheureusement. Ces registres couvrent la période de 1653 à 1681 et proviennent de l’église de la Sainte Trinité qui se trouvait donc à Quatre-Favrils et qui a été détruite au moment de la Révolution. Et à ma grande surprise j’y ai trouvé de nombreux actes tels que naissances, mariages, décès ou encore parrainages concernants des membres de la famille Bailleul sur une période de 1653 à 1673.

    La première conclusion qui vient à l’esprit est donc qu’une partie de la famille et plus précisément Yves de Bailleul, seigneur de Quatre-Favrils et ses enfants, ont vécu à cet endroit, sans doute dans une demeure seigneuriale du lieu même ou de ses environs. Je reviendrais plus tard sur le détail de ces registres qui réservent quelques surprises et nous aident peut-être à identifier le lieu et la date de naissance du fameux François de Bailleul, lieutenant de vaisseaux du Roi qui épousera donc une Bailleul-Croissanville, permettant ainsi à la lignée de se poursuivre et au titre de marquis de se transmettre. Car il me faut décrire au lecteur comment se présentent ces registres afin qu’il comprenne que le seul fait qu’ils existent ne résout pas tout, encore faut-il qu’ils soient lisibles et déchiffrables !

    Or mon premier sentiment lors de leur découverte fut la consternation : ils étaient rédigés en latin, seules les signatures en bas des actes étant parfois identifiables ! Ce n’est qu’après plusieurs relectures patientes que j’ai pu deviner que tel signe représentait tel mot et qu’en le replaçant ailleurs dans une phrase où il se trouvait également on pouvait en deviner le sens et découvrir ainsi que le tout était bien rédigé en français et non pas en latin. Il faut donc garder à l’esprit que de nombreuses erreurs ou omissions sont possibles dans l’interprétation de ces registres et que certains passages restent incompréhensibles.

    Parallèlement à la découverte de ces registres de Quatre-Favrils, une personne (dont je préserve l’anonymat à sa demande) a fait des recherches sur les archives, payantes celles-là, du Calvados en les concentrant sur les communes de Croissanville, Cléville, Vicques et Bellengreville, lieux de vie supposés et identifiés jusqu’alors pour la famille Bailleul-Croissanville. Cette personne m’a été d’un grand secours et je l’en remercie chaleureusement, d’autant qu’elle a dû comme moi déchiffrer péniblement ces registres en plus d’en payer la consultation, et cela sur un cercle plus étendu de localités.

    Le résultat de ces recherches recoupe en partie les informations publiées dans la série E des archives départementales du Calvados que nous possédons et connaissons donc déjà, surtout pour Croissanville et Cléville. Mais il est beaucoup plus complet puisque peu ou pas d’informations concernent Vicques dans la série E.

    Or ce lieu concentre beaucoup plus de renseignements d’état civil que je ne le pensais et il apparaît donc, comme dans le cas de Quatre-Favrils, qu’une partie de la famille vivait encore au château de Vicques au début du XVIIIe siècle alors que nous nous attendions plutôt à la voir vivre à Croissanville. Ces recherches couvrent une période qui va de 1692 à Vicques et s’achève le 3 mai 1758 avec le baptême de Michel-Alphonse dans l’église de Croissanville et on y trouve là aussi quelques surprises.

    Mais reprenons donc là où nous en étions restés concernant Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville et voyons ce que ces registres nous apportent à son sujet mais aussi pour Yves de Bailleul son frère. Auparavant, nous allons découvrir un détail important contenu dans "le catalogue des factums antérieurs à 1790" que j’avais oublié de mentionner dans ma chronologie des renseignements sur Jacques. Ces "factums" sont des requêtes ou des mémoires qui sont liés à des procès ou toutes autres démarches judiciaires. Or il y a bien eu procès au sujet de la succession de la terre d’Avoise appartenant à la famille La Moricière entre Jacques et Yves de Bailleul contre les descendants de leur tante.

    Le plus ancien factum, et malheureusement le seul qui soit daté, indique qu’en 1683, Yves de Bailleul de Quatrefavry (voyez ici la variation constante de la manière dont cette seigneurie est orthographiée) et Jacques de Bailleul, marquis de Cressanville, ont déposé une requête auprès du grand Conseil au sujet de leur procès contre la damoiselle de Cormeilles.

    Deux informations à retenir de ce document : en 1683, Yves de Bailleul, frère de Jacques, est toujours vivant, et Jacques est bien marquis de Croissanville à cette date, ce qui ne fait que confirmer une fois encore qu’il a obtenu son titre en 1680 et non pas en 1688 ou 1691.

    Un autre factum, non daté mais qui ne peut qu’être postérieur à celui de 1683 indique : "Factum pour…Jacques de Bailleul, chevalier, marquis de Cressenville (là aussi variation de l’orthographe), dame Madeleine Duval, veuve de messire Yves de Bailleul…et…Jacques de Bailleul seigneur de Quatrefaveries…contre damoiselle Anne-Louise de La Fontaine dame de Cormeilles…"

    Ici on apprend donc que Yves est décédé à la date de ce factum et qu’il est représenté par sa femme, Madeleine Duval, et par son fils Jacques, sans doute l’aîné, devenu seigneur de Quatre-Favrils. Or, Yves est sans nul doute le frère cadet de Jacques, marquis de Croissanville : l’arbre généalogique indique toujours l’aîné à gauche des ramifications et c’est bien Jacques qui s’y trouve, Yves venant en second. De plus Jacques est l’héritier de seigneuries plus nombreuses et plus riches comme Croissanville, il est donc bien l’aîné. C’est une information très importante car cette situation nous éclaire un peu plus sur les circonstances complexes de la transmission du titre. Normalement on peut penser que Yves aurait dû survivre à Jacques et serait devenu marquis de Croissanville à la mort de ce dernier si Jacques n’avait pu transmettre son titre à un fils (ce que nous supposons). Et c’est bien ce scénario que décrivent les arbres en ne donnant pas le détail de la descendance de Jacques, 1er marquis de Croissanville et en détaillant au contraire celle d’Yves où le titre de marquis réapparaît dans les générations suivantes. Cela aurait effectivement grandement simplifié les choses mais nous savons dorénavant que cela ne s’est pas passé ainsi.

    Pour autant, il n’y aurait rien d’illogique à ce que le titre se soit transmis directement à la mort de Jacques à un de ses neveux, en l’occurrence ici à ce Jacques, fils aîné de Yves ou a un autre des fils de ce dernier. Mais là aussi les informations que nous avons découvertes contredisent une transmission du titre de Jacques à ses neveux.

    Une nouvelle fois j’ai donc dû interrompre mon récit, tel qu'il était déjà rédigé, avant même de l’avoir publié sur le blog. D’autres séries de découvertes dans les registres paroissiaux, par la même personne citée plus haut, et déjà étudiés auparavant, ont eu des conséquences multiples :

    La première est qu’évidemment elles apportent des informations inédites et permettent de confirmer ou non certaines hypothèses.

    La seconde c’est que cette somme d’informations m’a obligé à complètement revoir mon système de classement qui était en fait inexistant. Jusqu’ici je pouvais encore, de mémoire ou à l’aide de sorties papier, mettre en forme mon récit à partir des deux ou trois informations capitales que je connaissais sur les quelques personnages importants.

    Dorénavant ce n’était plus possible, j’ai donc dû inclure toutes ces nouvelles données issues des registres ainsi que les anciennes provenant de la retranscription des archives de la série E dans un tableau.

    Cette mise à plat générale et le classement strict par dates qui en découle a permis de mettre en avant certaines évidences, d’échafauder des hypothèses et d’en infirmer d’autres pour, au final, aboutir à une explication différente de celle qui était la mienne jusqu’ici dans la transmission du titre et donc de la généalogie de la famille et qui, une fois exposée, rassemble toutes les pièces du puzzle de façon convaincante.

    La troisième et dernière c’est que d’autres recherches ont été nécessaires, ailleurs que dans les documents d’état civil, pour affiner et confirmer cette hypothèse et comprendre d’où provenait l’erreur initiale.

    Enfin une autre conséquence annexe est que je ne peux plus, comme je l’ai fais ou tenté de le faire jusqu’à présent, exposer l’ensemble des données que je possède dans le cours de mon récit. Je m’y perdrais et avec moi le lecteur sous la masse d’informations. Je vais donc me contenter de faire intervenir les personnages principaux qui jouent un rôle primordial dans la transmission du titre et expliciter ainsi la généalogie qui en découle.

    Nous en étions donc restés à Jacques, 1er marquis de Croissanville, qui marie donc sa fille Françoise en 1688 avec Gilles de Bailleul, seigneur d’Ammeville et de Franqueville, issu d’une branche cousine des Bailleul. Cette fille est née de son premier mariage avec Jeanne Collin, décédée avant 1668. En 1688 il est l’époux de Suzanne Daniel Erard (ou Evrard) Le Gris, sa deuxième femme, Marguerite du Morel (ou du Mord) étant, elle aussi, décédée à cette date.

    Que trouvons-nous alors à son sujet dans les registres paroissiaux et autres sources et ce dans l’ordre chronologique ?

    - Le 11 avril 1669 à Quatre-Favrils : Jacques de Bailleul, seigneur et patron de Croissanville parrain d’Anne-Léonor, fille d’Yves de Bailleul et de Magdelaine du Val. Il est donc normal qu’il ne soit pas encore désigné marquis de Croissanville si le titre date bien de 1680 comme nous le supposons.

    - Le 2 mars 1672 à Bellengreville : Jacques de Bailleul, écuyer est parrain à un baptême. Possible qu’il s’agisse du même Jacques qui nous concerne.

    - Le 26 septembre 1673 à Quatre-Favrils : présence et signature de Jacques de Bailleul ainsi que de celles de François son père, et d’Yves son frère, lors du mariage de Marguerite de Bailleul, sa sœur, avec Hercule Pomponne de Rosnivignen, seigneur de Chamboy.

    - Le 16 décembre 1674 au Renouard : contrat signé par Jacques de Bailleul de Croissanville pour l’acquisition de ? ? ?

    - Le 7 octobre 1688 à Cléville : mariage de Françoise de Bailleul, fille de Jacques de Bailleul, chevalier, marquis de Croissanville, seigneur de Méry, Bissières, Vicques et autres lieux et de Jeanne Collin, avec Gilles de Bailleul, chevalier, seigneur et patron d’Ammeville et Franqueville, fils de feu François de Bailleul, seigneur des dits-lieux et de Catherine de Larcher. Il s’agit ici du même événement dont nous avions la retranscription dans les archives départementales du Calvados de la série E. A cette date, Jacques est donc bien devenu marquis de Croissanville.

    - Le 21 septembre 1691 à Croissanville : aveu rendu à Jacques de Bailleul, chevalier, seigneur et marquis de Croissanville, seigneur de Méry, Vicques, Bissières et autres lieux pour deux pièces de terres…Ce document ne provient pas des registres paroissiaux.

    - Le 19 avril 1692 à Vicques : décès et inhumation de Jacques Gilles, fils de Jacques de Bailleul, marquis de Croissanville. Voici une découverte ! Jacques a donc eu un fils, sans doute mort en bas âge. On peut également en déduire qu’il est lui-même toujours vivant à cette date.

    Voilà, c’est tout ce que nous savons sur Jacques, 1er marquis de Croissanville. Au final, on se rend compte que nous n’avons :  ni son acte de naissance, ni ses actes de mariages, ni les actes de naissance de ses enfants, ni même son acte de décès. Difficile avec ça d’établir une filiation et une généalogie sûre !

    Pour autant, nous savons par diverses sources qui se recoupent généralement :

    - Qu’il est le fils aîné de François de Bailleul et d’Eléonore de la Moricière, Dame de Vicques. On peut alors supposer qu’il serait né à Vicques aux alentours de 1630. Et qu’il a deux frères, Jean-François, tué ou décédé de ses blessures en 1663 et Yves, auteur d’une nombreuse descendance et à l’origine des Bailleul-Croissanville subsistants, décédé après 1683 mais avant Jacques.

    - Qu’il se marie en 1655 avec Jeanne Collin, veuve et déjà mère de plusieurs enfants, décédée en 1668.

    - Qu’il est désigné seigneur de Croissanville en 1659 par un aveu au Roi.

    - Qu’il a une fille, Françoise (ou Marie-Françoise), née entre 1660 et 1664 de son union avec Jeanne Collin, qu’il marie en 1688 avec Gilles de Bailleul de la branche cousine des Bailleul, seigneurs de Bellengreville et de Franqueville.

    - Qu’il épouse, à une date indéterminée mais postérieure à 1668, Marguerite de Morel (ou du Mord) sans doute décédée avant 1682.

    - Qu’il est fait marquis de Croissanville par lettres patentes de juillet 1680.

    - Qu’il épouse Suzanne Daniel Evrard (ou Erard) Le Gris en 1682.

    - Qu’il a un fils, Jacques Gilles décédé en 1692 et qu’étant présent à cette cérémonie, il n’a pu décéder lui-même qu’après 1692.

    Par ailleurs, l’arbre généalogique nous indique qu’il aurait eu trois enfants mais sans les nommer. Nous avons donc maintenant la certitude que l’un d’eux est Françoise (ou Marie-Françoise) et qu’un autre est Jacques Gilles décédé prématurément.

    Or nous supposons fortement que Marie-Françoise-Elisabeth qui épousera vers 1711 François de Bailleul, seigneur de Vicques, lieutenant de vaisseaux du Roi, chevalier de St louis, soit également sa fille. Nous aurions donc les trois enfants attendus d’après l’arbre généalogique.

    Mais à cet instant, nous n’avons toujours aucune trace du prétendu "fils aîné" de Jacques dont parle la lettre d’érection en marquisat en détaillant ses états de service militaires !

    L’analyse des actes concernant Yves, son frère, apporte peu de chose au sujet de la transmission du titre et du problème généalogique auquel il est lié. Tout au plus elle confirme ce que nous savions d’après l’arbre et nous donne quelques informations et précisions sur sa descendance et ses lieux de vie. Je me contente donc d’en donner le résumé suivant :

    - On le trouve parrain en 1667 à Quatre-Favrils en compagnie d’une damoiselle Marguerite de Bailleul comme marraine.

    - Puis comme père de : Jacques-François (fils aîné donc, celui cité dans le factum postérieur à 1683 dont il est question plus haut) le 2 novembre 1667, Anne-Léonore le 11 avril 1669, et François (le futur seigneur de Vicques, lieutenant de vaisseaux du Roi) le 10 novembre 1670, tous nés à Quatre-Favrils.

    - Ensuite comme père de : Yves le 19 décembre 1672, René le 18 mars 1674, et Jacques le 14 novembre 1675, tous nés à Ouézy (commune située à quelques kilomètres au sud de Croissanville). Et nous le trouvons cité lors du décès de sa fille Anne-Léonore du 10 (ou 11) avril 1676 (à l’âge de 7 ans donc) à Ouézy également. Ce changement de lieu de résidence trouve sa confirmation et son explication dans l’information suivante que j’ai trouvé dans une note en bas de page tirée de "mémoires de la société des antiquaires de Normandie" vol.6 de 1867 page 222 qui indique "la vente en 1670 par Centurion Belleau, écuyer, sieur de Feugueray de ce qu’il possède dans la paroisse d’Ouézy à Yves de Bailleul, chevalier, seigneur de Vicques".

    - Puis nous le trouvons comme père d’un fils (dont nous ne parvenons pas à déchiffrer le prénom) le 21 février 1680 à Quatre-Favrils et cité comme père dans l’acte de décès d’un enfant (prénom non déchiffrable non plus, sans doute le même) du 12 avril 1683 à Quatre-Favrils.

    - Enfin nous le trouvons comme père d’un fils François, né le 18 février 1684 à Quatre-Favrils.

    - Il est également cité comme témoin à un mariage du 20 mai 1687 à Quatre-Favrils.

    - Nous trouvons également un Yves de Bailleul comme parrain à un baptême du 24 juillet 1681 à Quatre-Favrils mais nous ne pouvons pas savoir s’il s’agit de lui ou de son fils Yves né en 1672.

    - Pour terminer nous trouvons l’acte de décès d’Yves de Bailleul le 18 août 1687 à Quatre-Favrils. Ce qui correspond à ce que nous supposions concernant sa mort (postérieure à 1683 d’après un des factum) et confirme qu’il est bien décédé avant son frère Jacques, 1er marquis de Croissanville.

    En résumé, nous n’avons donc pas son acte de naissance, ni celui de son mariage. Par contre nous avons son acte de décès ainsi que les actes de naissance de ses enfants, fruits de son union avec Magdelaine du Val. Enfin, nous avons une bonne idée des différents endroits où il a vécu. Si on compare cela avec ce que décrit l’arbre, il y a une forte cohérence puisque ce dernier montre sept enfants pour le couple Yves de Bailleul/Magdelaine du Val, là où nous en trouvons huit mais dont un est décédé à l’âge de 3 ans, ce qui explique sans doute alors son absence dans l’arbre.

    A noter que dans ces différents actes, Yves est désigné le plus souvent "seigneur de Vicques" ou "seigneur de Quatre-Favrils" ou les deux à la fois, et ce, dès 1667. Pourtant à cette date son père François de Bailleul, seigneur de Croissanville, Vicques et Quatre-Favrils est bien vivant puisque sa présence est confirmé au mariage de sa fille Marguerite en 1673 (document vu plus haut attestant de la présence de Jacques et de Yves également). De même, dans différents documents, Jacques, son frère, est désigné à la fois seigneur de Croissanville mais aussi de Quatre-Favrils (dans deux documents de 1668) et de Vicques.

    Il apparaît donc difficile de savoir ce que recouvraient concrètement ces désignations. Ce qui est sûr, c’est que jamais Yves n’est désigné "seigneur de Croissanville" et le fait qu’il ait résidé à Quatre-Favrils semble en faire le réel seigneur de ce lieu, comme son frère Jacques l’était pour Croissanville. C’est d’ailleurs de cette manière que l’arbre généalogique distingue bien les deux frères dans leurs dénominations.

    L’étude des actes d’état civil ne permet de trouver aucune trace du troisième frère, Jean-François, le mousquetaire tué ou blessé à Marsal en 1663. Ni mariage, ni présence comme parrain à des baptêmes. Nous ne pouvons donc nous reposer que sur ce que nous indique la lettre d’érection en marquisat et l’arbre généalogique le concernant, c’est à dire bien peu.

    Par contre, apparaissent d’autres personnes, essentiellement féminines, que l’arbre généalogique a complètement occulté ! Il s’agit sans doute des nombreuses sœurs de Jacques et de Yves. Nous en connaissons déjà une, Marguerite, puisque j’ai déjà mentionné plusieurs fois son acte de mariage de 1673 où son père François et ses deux frères Jacques et Yves sont présents et cités.

    Sans entrer dans le détail, car ces découvertes n’ont aucun rapport avec le problème généalogique que nous essayons de résoudre, nous trouvons dans les registres de Quatre-Favrils (et exclusivement à cet endroit), dans ce qui semble être l’ordre chronologique de naissance, les mentions de :

    - Magdelaine de Bailleul, marraine à des baptêmes en 1653 et 1654, puis lors de son mariage du 10 janvier 1656 avec Guillaume de Mannourry (les pères et mères des mariés ne sont pas indiqués). 

    - Marguerite, dont il a déjà été parlé, marraine à des baptêmes en 1654, 1656, 1663, 1667, 1673, puis lors de son mariage du 26 septembre 1673 avec Hercule Pompone de Rosnivignain, sieur de Chamboy.

    - Léonor, marraine à des baptêmes en 1657, 1658, 1659, puis lors de son décès le 24 mai 1662.

    - Catherine, marraine à des baptêmes en 1662, 1665, 1667.

    Voilà qui nous donnerait quatre sœurs pour Jacques et Yves et donc pas moins de sept enfants (si on ajoute Jean-François, le mousquetaire) pour le couple François de Bailleul/Eléonore de La Moricière alors que l’arbre ne se contente de nous révéler l’existence que de trois fils uniquement ! Et il semble donc que toutes aient vécues à Quatre-Favrils avec leur frère Yves.

    Ce dernier fait est assez surprenant surtout si on le rapproche d’une autre découverte dans les registres de Quatre-Favrils :

    - Le 10 mai 1665, décès et inhumation dans le cœur de l’église de Quatre-Favrils de noble Dame Léonore de La Moricière épouse du sieur de Croissanville. Il s’agit bien ici d’Eléonore de La Moricière, Dame de Vicques, épouse de François de Bailleul, seigneur de Croissanville et de Quatre-Favrils (puis de Vicques, suite à ce mariage) et mère de Jacques, 1er marquis de Croissanville et d’Yves. Qu’elle soit décédée à Quatre-Favrils peut s’expliquer mais je reste surpris par son inhumation dans l’église de cette commune alors que l’on aurait plutôt attendu une inhumation à Vicques (située à quelques kilomètres au nord-ouest de Quatre-Favrils) avec ses ancêtres. D’autant que l’on sait que son mari, François, est lui toujours vivant à cette date (et loge sans doute au château de Vicques) puisque nous le trouvons présent en 1673 au mariage de sa fille Marguerite. Vivait-elle donc sur la fin de sa vie chez son fils Yves en compagnie de ses quatre filles dans cette seigneurie isolée et qui semble de bien peu d’importance par rapport à Vicques et Croissanville ?

    Concernant François, son mari, outre sa présence au mariage de sa fille Marguerite en 1673, nous trouvons un "François de Bailleul" cité comme parrain à un baptême de 1653 et un "François de Bailleul, écuyer" à un baptême de 1663, tout deux à Quatre-Favrils sans qu’on puisse être sûr qu’il s’agit bien de lui.

    Par contre, nous trouvons l’enregistrement d’un contrat pour vente du 6 juin 1665 à Quatre-Favrils par François de Bailleul, chevalier, seigneur de Croissanville, Quatre-Favrils et autres terres, suite à un accord du 5 mars 1662 concernant le fief de…(illisible) qui l’identifie clairement. Mais peut-on en conclure alors que lui aussi vivait également à Quatre-Favrils et non pas à Vicques ?

    Ainsi nous en avons terminé dans l’analyse des registres pour la génération de Jacques, 1er marquis de Croissanville. Concentrons-nous alors sur ce que nous pouvons apprendre au sujet de la génération suivante et donc de ces personnages-clefs dans la transmission du titre que sont :

    Tout d’abord, François de Bailleul, seigneur de Vicques, lieutenant de vaisseaux du Roi, fils d’Yves de Bailleul, ensuite son épouse Marie-Françoise-Elisabeth, fille supposée de Jacques. Et enfin et surtout les mystérieux François de Bailleul, marquis de Croissanville et son épouse Gabrielle-Margueritte de Ste Marie.

    - Le 10 novembre 1670 à Quatre-Favrils : baptême de François, fils d’Yves de Bailleul et de Magdelaine du Val. Parrain, François de Bailleul, sieur de Bellengreville. Nous avons donc ici la confirmation du fait qu’il est bien le fils d’Yves de Bailleul et de Magdelaine du Val comme nous l’indiquait l’arbre généalogique et par conséquent qu’il n’est pas le "fils aîne" de Jacques, 1er marquis de Croissanville, mentionné dans la lettre d’érection en marquisat. Un détail intéressant est l’identité du parrain qui ne peut être que François de Bailleul (un autre !), le père de Gilles, de la branche des Bailleul-Bellengreville qui épousera une des filles de Jacques en 1688 comme nous l’avons vu précédemment ce qui prouve donc encore le lien bien présent entre les deux branches des Bailleul à cette époque.

    - Le 14 janvier 1693 à Ouézy : François de Bailleul, écuyer, seigneur de Vicques est désigné parrain lors d’un baptême. La marraine est Gabrielle Margueritte de Ste Marie, épouse du marquis de Croissanville. Ici, nous trouvons pour la première fois François de Bailleul désigné "seigneur de Vicques", comme il le sera continuellement par la suite. Ce détail est à rapprocher de l’identité de la marraine, Gabrielle Margueritte de Ste Marie, désignée (dans ce document qui semble être le plus ancien à la citer comme telle) comme épouse du marquis de Croissanville. Sachant qu’elle n’est pas la femme de Jacques, 1er marquis de Croissanville, mais l’épouse d’un autre mystérieux "François de Bailleul", on peut en conclure qu’à cette date, Jacques, 1er marquis de Croissanville, est décédé et a transmis sa seigneurie et le titre de marquis à ce mystérieux François, époux de la marraine. Et également qu’il a peut-être transmis à son neveu François, dont il est question ici, la seigneurie de Vicques, à moins que ce dernier ne l’ai héritée au décès de son père Yves. Comme nous avons vu précédemment que Jacques était encore vivant le 16 avril 1692 lors de l’inhumation de son fils Jacques Gilles et qu’il ne peut être que décédé ce 14 janvier 1693, on peut alors en déduire sa mort entre ces deux dates.

    - Le 21 mars 1710 à Croissanville : mariage de François de Bailleul, chevalier, seigneur (d’Avenelles ?), de Vicques et autres terres avec Marie Françoise Elisabeth de Bailleul. En présence de : François de Bailleul, seigneur et marquis de Croissanville, Glatigny, Le Perreux, Gouveney et de Dame Gabrielle de Ste Marie, épouse du seigneur marquis. Ce mariage, suite à une demande de dispense pour consanguinité de 1710, a donc eu lieu la même année que la dispense. A noter l’âge avancé du marié qui a 40 ans à ce moment. Il faut noter également ici la manière dont les intervenants ont signé : l’époux a signé "François de Bailleul de Vicque", l’épouse, "Marie Françoise Elisabeth de Bailleul Croissanville". Les présents respectivement : "de Bailleul Croissanville" et "Ste Marie Croissanville". Ceci est important car, de ce document crucial qui aurait du nous permettre de bien identifier les mariés et de connaître leur filiation (comme c’est la plupart du temps le cas dans les actes de mariage), nous ne pouvons ici qu’en tirer de simples suppositions. En effet, à aucun moment dans l’acte n’est indiqué qui sont les parents des mariés, quand bien même ils seraient décédés, ni même quel lien uni la mariée avec ce François de Bailleul, que nous désignerons donc comme 2ème marquis de Croissanville. L’acte possède bien un long préambule qui semble préciser les circonstances particulières de ce mariage consécutif à la demande de dispense pour consanguinité de 1710, mais il est quasi impossible à déchiffrer malgré de nombreuses tentatives de ma part ainsi que de la personne qui a trouvé et m’a transmis ce document. Fort heureusement, nous connaissons les parents du marié qui sont Yves de Bailleul et Magdelaine du Val. Il est alors normal qu’Yves ne soit pas présent puisque nous savons qu’il est décédé en 1687. Par contre nous ne pouvons faire que la supposition suivante concernant les parents de la mariée : Elle a signé "de Bailleul Croissanville", ce qui confirme bien ce qu’indiquaient à la fois le document notarié de 1724 (reconnaissance de dette qu’elle a acquise de "feu le marquis de Croissanville") et l’acte de mariage de son fils Toussaint François de 1750 (où elle est désignée "feu Marie Françoise de Bailleul, marquise de Croissanville"), à savoir qu’elle est de la famille des Bailleul, seigneurs de Croissanville et donc descend d’une façon ou d’une autre de Jacques, 1er marquis de Croissanville. Alors, est-elle sa fille, comme nous le supposons jusqu’ici, et dans ce cas il est normal que son père ne soit pas présent à son mariage puisqu’il est décédé entre avril 1692 et janvier 1693 ? Où est-elle la fille de ce François de Bailleul, 2ème marquis de Croissanville et de Gabrielle de Ste Marie, présents et signataires à son mariage ? Mais dans ce cas pourquoi ceux-ci ne sont pas désignés comme ses parents dans l’acte ? Voilà un fait bien étrange qui nous conduit plutôt à pencher pour la première hypothèse qui fait d’elle la fille de Jacques, 1er marquis de Croissanville.

    Nous trouvons ensuite une série d’actes qui s’étalent de 1711 à 1750 dans lesquels François de Bailleul, seigneur de Vicques est cité. Il s’agit des actes de naissance (et décès pour certains) de ses enfants ainsi que de deux actes de mariage de ces derniers :

    - Le 24 février 1711 à Croissanville : baptême de Jacques François Pierre de Bailleul, fils de François de Bailleul, chevalier, seigneur de Vicques et autre lieux et de Marie Françoise Elisabeth de Bailleul. Parrain : François de Bailleul, chevalier, seigneur et marquis de Croissanville. Marraine : Magdelaine du Val…de Vicques. Il faut noter que ce fils aîné de François est né à Croissanville et que son parrain est l’autre "François", le 2ème marquis de Croissanville. Par ailleurs, la marraine est sans doute sa grand-mère paternelle, toujours vivante donc à cette date.

    - Le 15 avril 1711 à Croissanville : inhumation de Jacques François Pierre de Bailleul Vicques. Ce premier enfant du couple et fils aîné n'a donc pas survécu.

    - Le ? ? ? avril 1715 à Croissanville : ondoiement d’une fille de François de Bailleul, seigneur de Vicques et de Marie Françoise Elisabeth de Bailleul. L’ondoiement étant une cérémonie de baptême simplifiée dans le cas d’enfant en danger de mort, on peut supposer que cette fille, non nommée, n’a pas survécu.

    - Le 4 juillet 1716 à Croissanville : baptême de Gilles Jacques Gabriel de Bailleul, fils de François de Bailleul, chevalier, seigneur et patron de Vicques et de Marie Françoise Elisabeth de Bailleul. Nous ne trouverons plus par la suite de document qui mentionne ce "Gilles Jacques Gabriel", ce qui laisserait à penser que lui aussi est décédé rapidement.

    - Le 10 février 1724 à Vicques : baptême de Elisabeth Amable Françoise de Vicques, fille de M. de Vicques, seigneur du lieu et de Mme de Vicques. Parrain : Jacques François de Bailleul, chevalier, seigneur et patron de Quatre-Favrils, Louvières. Marraine : Marie Françoise de Bailleul, dame de Croissanville, veuve de M. d’Amville, seigneur et patron du lieu. L’acte précise que ce baptême du 10 février 1724 fait suite à une cérémonie d’ondoiement du 28 novembre. On peut donc en déduire que cette fille est réellement née trois mois plus tôt l’année précédente en 1723 sans grand espoir de survie et qu’elle a finalement survécue. François de Bailleul n’est désigné ici que sous le nom de sa seigneurie "de Vicques", tout comme sa femme et sa fille. A noter l’identité du parrain qui est donc son frère aîné Jacques François, désigné ici comme seigneur de Quatre-Favrils. On peut alors supposer qu’à la mort de leur père Yves, en 1687, ils ont hérité respectivement de ces seigneuries. La marraine ne nous est pas inconnue non plus puisqu’il s’agit de la fille de Jacques, 1er marquis de Croissanville qui a épousé en 1688 Gilles, seigneur d’Ammeville et de Franqueville, et donc cousine de François de Bailleul de Vicques. Enfin, nous connaissons déjà la baptisée car elle apparaît dans un document de 1751 (tiré des archives de Caen, cité au début de mes recherches) en tant qu’épouse de Bernard de Bresac et fille de dame Elisabeth et de François de Bailleul, seigneur de Vicques.

    - Les 4 et 7 juillet 1727 à Vicques : naissance/baptême de Jean François Martin et de Toussaint François Amable de Bailleul, jumeaux, fils de François de Bailleul, seigneur et patron de Vicques, chevalier de l’ordre militaire de Saint Louis et de Françoise Suzanne Elisabeth de Bailleul. Notons immédiatement que nous ne trouverons plus aucune trace de ce "Jean François Martin" par la suite, ce qui laisse supposer qu’il est lui aussi décédé prématurément. Egalement qu’ici, François de Bailleul, seigneur de Vicques est désigné dorénavant "chevalier de Saint Louis"(comme dans le document notarié de 1724, tiré des archives de Caen) et que sa femme gagne un prénom supplémentaire, "Suzanne". Notons enfin que nous sommes en présence de l’acte de naissance de Toussaint François, futur 3ème marquis de Croissanville et père des derniers marquis du même nom et qu’il est donc né à Vicques tout comme sa sœur Elisabeth Amable Françoise.

    - Le 1er juin 1748 à Vicques : mariage de Elisabeth Amable Françoise de Bailleul, fille de François de Bailleul, chevalier, seigneur et patron de Vicques, Croissanville, Avenelles et autres lieux, lieutenant de vaisseau du Roi, chevalier de Saint Louis, et de feu Marie Françoise Elisabeth de Bailleul, avec Bernard Ennemond de Bressac, lieutenant…chevalier de Saint Louis, fils de feu Ennemond de Bressac, chevalier et seigneur de La Vache, Faventines et autres lieux, doyen du parlement de Grenoble et de feu Marie de Maniey de Ferrières. Cet acte de mariage confirme bien le document de 1751 cité plus haut qui décrit Elisabeth Amable Françoise comme épouse d’un Bernard de Bressac. Mais il nous apprend aussi qu’à cette date, sa mère, Marie Françoise Elisabeth de Bailleul, est décédée. Nous ne comprenons pas précisemment pourquoi, soudain, François de Bailleul, seigneur de Vicques est aussi désigné ici "seigneur de Croisssanville" (sans doute une erreur ou alors, à la mort de sa femme, il aurait hérité momentanément de la seigneurie ?). Par contre, nous retrouvons bien sa qualité de lieutenant de vaisseau du Roi, ainsi que celle de chevalier de Saint Louis.

    - Le 12 octobre 1750 à Bellengreville : mariage de François Toussaint de Bailleul (écrit"Bayeul"), marquis de Croissanville, seigneur et patron de Vicques et autres lieux, fils de feu François de Bailleul (écrit "Bayeul"), seigneur et patron de Vicques, chevalier de St Louis et de feu Françoise Elisabeth de Bailleul, marquise de Croissanville avec Marie Thérèse Subtil, fille de Michel Alphonse Subtil, chevalier, seigneur et patron de Bellengreville, Franqueville et autres lieux et de Marie Anne des Asnières. Voici donc l’acte original dont nous connaissions déjà la retranscription dans la série E des archives départementales du Calvados, retranscription qui était à l’origine de mon blocage dans l’étude de la généalogie de la famille. Il y a beaucoup de choses à apprendre et à déduire de cet acte. Tout d’abord le mariage a eu lieu à Bellengreville, sans aucun doute lieu de résidence de la mariée, Marie Thérèse de Subtil, fille du seigneur de Bellengreville et de Franqueville (or, ces seigneuries ne nous sont pas inconnues puisque Gilles de Bailleul en était le seigneur lors de son mariage en 1688 avec Françoise de Bailleul, fille de Jacques, 1er marquis de Croissanville. Comment sont-elles passées dans la famille Subtil (ou plus précisément Subtil de Beauhamel) ? Nous le savons par un contrat daté du 24 mars 1693 passé à Bellengreville entre Gilles de Bailleul, chevalier, seigneur et patron de Franqueville et Pierre des Asnières, sieur des Fontenelles pour "la vente des terres, seigneuries et fiefs de Franqueville pour 5000 livres" (Archives départementales du Calvados série E, page 87). Propriétés de la famille des Asnières, c’est tout naturellement qu‘elles se retrouvent dans la famille Subtil par le mariage de Michel Alphonse Subtil avec Marie Anne des Asnières). Ensuite, nous voyons que François Toussaint est ici désigné "marquis de Croissanville". Il a alors 23 ans et serait donc le 3ème marquis de Croissanville. Enfin, et en ce qui concerne plus précisément François de Bailleul, seigneur de Vicques, son père, nous apprenons qu’il est décédé à cette date. Et pour cause, puisque né en 1670 et encore vivant en 1748 au mariage de sa fille, il a donc du décéder vers l’âge de 78 ou 80 ans. En fait, ma supposition que François Toussaint était bien plus âgé que sa femme Marie Thérèse Subtil, du fait que ses parents étaient déjà décédés lors de son mariage, était fausse, c’est tout simplement que ces derniers l’avaient eu à un âge avancé, soit 57 ans pour son père.

    Nous pouvons alors résumer ainsi ce que nous savons sur François de Bailleul, seigneur de Vicques, lieutenant de vaisseau du Roi et chevalier de St Louis :

    - Il est né en 1670 à Quatre-Favrils et a fait une carrière militaire dans la marine.

    - Nous le trouvons désigné unique "seigneur de Vicques" en 1693, une fois son père Yves (en 1687) et son oncle Jacques (entre 1692 et 1693) décédés.

    - Il se marie tardivement à 40 ans, peut-être justement du fait de cette carrière, en 1710 à Croissanville avec Marie Françoise Elisabeth (Suzanne) de Bailleul de Croissanville, suite à une dispense de mariage de la même année, en présence de François de Bailleul, 2ème marquis de Croissanville.

    - Il a eu trois enfants entre 1711 et 1716, tous nés à Croissanville et dont deux sont décédés en bas âge et le troisième probablement.

    - Il a eu deux autres enfants, tout deux nés à Vicques, respectivement, Elisabeth Françoise Amable en 1724 et Toussaint François Amable en 1727 qui ont survécus, ce dernier étant son seul héritier qu’il a donc eu à l’âge avancé de 57 ans.

    - Il est titulaire au grade de chevalier de l’ordre militaire de Saint Louis au moins depuis 1724 (cf. document notarié de 1724, puis naissance de son fils en 1727).

    - Il est décédé après sa femme entre 1748 et 1750, soit à l’âge de 78 ou 80 ans.

    - Il n’est donc pas, n’a jamais été et ne sera jamais "marquis de Croissanville" et ne peut-être confondu avec François de Bailleul, 2ème marquis de Croissanville présent à son mariage. C’est d’ailleurs ce que signifie bien l’arbre généalogique qui le désigne uniquement comme "seigneur de Vicques et lieutenant de vaisseau du Roi". Par contre, l’arbre omet (une fois de plus !) de nous indiquer sa descendance féminine en la personne d’Elisabeth Françoise Amable, et s’il mentionne bien son mariage avec Marie Françoise de Bailleul, il ne nous précise pas à quel niveau de la branche cousine des Bailleul-Croissanville elle est rattachée.

    Voyons donc ce que nous apprennent les registres au sujet de Marie Françoise Elisabeth (Suzanne) de Bailleul et ce que nous pouvons en conclure.

    - Le ? juillet 1696 à Vicques : Marie Françoise Elisabeth de Bailleul est désignée marraine à un baptême. L’acte précise et c’est important : "… lequel a été nommé… par noble demoiselle Marie Françoise Elisabeth de Bailleul de Croissanville, assistée de…, curé de ladite paroisse de Vicques, laquelle demoiselle, à cause de son très jeune âge, ne peut signer". Il s’agit donc bien de la future femme de François de Bailleul, seigneur de Vicques, le prénom et le nom complet (Bailleul-Croissanville) en attestent. Le fait qu’elle soit "très jeune…et ne peut signer" nous permet d’en déduire approximativement son année de naissance, 1690, si nous estimons, pour simplifier les choses, qu’elle a 6 ans lors de ce baptême.

    - Le 27 décembre 1703 à Cesny-aux-Vignes : Marie de Croissanville est désigné marraine à un baptême. Difficile ici de savoir s’il s’agit bien de Marie Françoise Elisabeth de Bailleul de Croissanville dans ce document.

    - Le 21 mars 1710 à Croissanville : mariage de Marie Françoise Elisabeth de Bailleul-Croissanville avec François de Bailleul, seigneur de Vicques…Ceci est un simple rappel du document de mariage détaillé plus haut. Je ne détaille donc pas non plus les différents actes de naissances et décès des enfants du couple entre 1711 et 1727 où elle est désignée comme mère puisque cela a déjà été fait plus haut.

    - Le 17 septembre 1747 à Vicques : décès et inhumation de Marie Françoise Elisabeth de Bailleul, Dame de Vicques, Croissanville et autres lieux. Son acte de décès ne nous indique pas plus sa filiation que ne le faisait son acte de mariage, tout au plus avons-nous la confirmation que l’indication "feu Marie Françoise Elisabeth de Bailleul" au mariage de sa fille en 1748 est bien réelle…

    Nous n’avons donc pas son acte de naissance et surtout, ni son acte de mariage ou de décès n’indiquent qui sont ses parents. Nous ne sommes donc guère avancé ! Les registres ne nous permettent que de confirmer qu’elle est bien une Bailleul-Croissanville. Par contre, nous avons désormais la certitude qu’elle était plus jeune que son mari d’une vingtaine d’années, soit quasiment une génération d’écart.

    L’hypothèse qu’elle soit la fille de Jacques, 1er marquis de Croissanville et de Suzanne Daniel Evrard Le Gris reste mathématiquement possible d’autant qu’on la trouve prénommée "Suzanne" dans un des actes (comme sa supposée mère donc…) mais elle devient plus discutable puisque qu’elle est tributaire dorénavant de l’âge réel qu’elle a lors du baptême de 1696 où elle est marraine : à 3 ans ou moins (et nous avons constaté des marraines de cet âge dans les registres !) elle ne peut plus être la fille de Jacques décédé entre 1692 et 1693.

    Au contraire, l’hypothèse qu’elle soit le fille de François, 2ème marquis de Croissanville et de Gabrielle Marguerite de Ste Marie se renforce (à supposer que ces derniers soient de la génération de François de Bailleul, seigneur de Vicques) puisque qu’elle a près d’une génération d’écart avec son mari. Malgré tout, reste un gros doute à cela puisque ces personnages pourtant présents à son mariage ne sont pas cités comme ses parents.

    L’étude des registres la concernant ne nous permet donc pas de trancher. Voyons donc si ce qu’ils nous apprennent sur Gabrielle Marguerite de Ste Marie et son époux François de Bailleul, 2ème marquis de Croissanville va y contribuer.

    Voici les actes où nous les trouvons cités (que je regroupe dans une même liste chronologique afin d’éviter une inutile répétition dans les cas où les deux sont cités en même temps) :

    - Le ? février 1677 au Renouard : François de Bailleul de Croissanville est désigné parrain à un Baptême. Nous n’avons aucune certitude qu’il s’agit bien du "François" qui nous concerne. Il pourrait très bien être question ici de François de Bailleul, seigneur de Croissanville, père de Jacques et de Yves que nous avons trouvé encore vivant au mariage de sa fille en 1673, mais le fait qu’il n’apparaisse plus dans les registres après cette date, son grand âge supposé, et que sa femme Eléonore de La Moricière soit décédée 12 ans plus tôt, nous incline à penser qu’il est décédé avant 1677 et que c’est donc le "François" qui nous occupe que nous trouvons cité dans ce acte. A noter sa présence inattendue au Renouard, seigneurie de la branche des Bailleul pourtant éteinte à la fin du XVIème siècle.

    - Le 21 novembre 1689 ? à St-Aignan-de-Cramesnil : Gabrielle de Ste Marie, femme du marquis de Croissanville est désignée marraine de Georges Louis de Ste Marie. Ce document est issu de la série E des archives départementales du Calvados, c’est donc une retranscription des registres paroissiaux de cette commune que je ne possède pas. Or la date indiquée ici pose un énorme problème : nous avons la certitude que Jacques, 1er marquis de Croissanville est toujours vivant et marquis de Croissanville en 1689 (cf. aveu de 1691 et décès de son fils Jacques Gilles en 1692). Pourquoi Gabrielle de Ste Marie est alors désignée "femme du marquis de Croissanville" ? Soit la personne qui a retranscrit cet acte s’est trompée dans la date, soit cette désignation n’est à prendre ici que comme un titre dit de "courtoisie", attribué par anticipation. Je penche pour cette deuxième hypothèse. Par conséquent nous pouvons tirer deux informations importantes de cet acte : François de Bailleul de Croissanville et Gabrielle de Ste Marie sont déjà mariés en 1689 et le nom du baptisé (qui est aussi celui de la marraine et fait donc partie de sa famille), nous laisse penser que cette dernière est peut-être originaire de cette commune et a pu donc s’y marier.

    - Le 14 janvier 1693 à Ouézy : Gabrielle Marguerite de Sainte-Marie, épouse du marquis de Croissanville est désignée marraine à un baptême. Nous avons déjà cité cet acte plus haut puisqu’il concerne aussi François de Bailleul, seigneur de Vicques qui est ici le parrain. Les conclusions à en tirer sont donc les mêmes, à savoir qu’à cette date, Gabrielle Marguerite est sans doute réellement "marquise de Croissanville" et que par conséquent François de Bailleul, son époux est officiellement le 2ème marquis de Croissanville.

    - Le 27 juillet 1693 à Airan : Gabrielle Marguerite de Ste Marie, marquise de Croissanville est désignée marraine à un baptême. Il est précisé "demeurant à la paroisse de Cléville". Elle et son mari logent donc au château de Croissanville qui se trouve sur cette paroisse.

    - Le 17 mars 1694 à Ouézy : François de Bailleul, chevalier, marquis de Croissanville est désigné parrain à un baptême. C’est le premier document qui le désigne "marquis de Croissanville".

    - Le 6 septembre 1697 à Croissanville : "François de Bailleul de Croissanville" et "Gabrielle Marguerite de Ste Marie" sont les signatures à un baptême d’un "Gabriel". Ceci est la retranscription des archives microfilmées de Croissanville que j’avais faite aux archives de Caen au tout début de mes recherches. Malheureusement elle est fort incomplète puisque je ne donne pas les désignations respectives des signataires. En effet, à l’époque, j’étais persuadé d’avoir affaire ici à la signature des parents du prénommé "Gabriel". Ce n’est que par la suite que j’ai découvert les nombreuses présences des seigneurs et dames des différents lieux comme parrains et marraines. Je pense que c’est le cas ici sinon j’aurai retranscrit leur qualité de père et de mère du baptisé si cela avait été spécifié.

    - Le 24 novembre 1704 à Airan : Gabrielle Marguerite de Ste Marie, épouse de François de Bailleul, chevalier, marquis de Croissanville est désignée marraine à un baptême.

    - Le 3 novembre 1706 à Airan : Gabrielle Marguerite de Ste Marie, épouse de François de Bailleul, chevalier, marquis de Croissanville est désignée marraine à un baptême. Peu de chose à conclure de ces deux actes similaires, si ce n’est la répétition de cette commune d’Airan, déjà citée plus haut, dont les Bailleul-Croissanville sont désignés seigneurs dans certains documents.

    - Le 21 mars 1710 à Croissanville : mariage de François de Bailleul, seigneur de Vicques avec Marie Françoise Elisabeth de Bailleul. Présents et signataires : François de Bailleul, chevalier, seigneur et marquis de Croissanville et Gabrielle de Ste Marie, épouse du seigneur marquis. Répétition donc du document cité plus haut et abondamment commenté où il ressort, que bien que présents et signataires, François et Gabrielle Marguerite, ne sont pas cités comme les parents de la mariée.

    - Le 5 février 1711 à Croissanville : "Gabrielle de Ste Marie, marquise de Croissanville" est la signature que nous trouvons à un baptême d’un "François Gabriel". Il s’agit ici aussi d’une retranscription incomplète de ma part des archives microfilmées de Croissanville qui pose le même problème que précédemment et amène la même conclusion à mon avis : Gabrielle Marguerite est marraine de l’enfant.

    - Le 24 février 1711 à Croissanville : François de Bailleul, chevalier, seigneur et marquis de Croissanville est désigné parrain de Jacques François Pierre de Bailleul. Document déjà cité plus haut au sujet des enfants de François de Bailleul, seigneur de Vicques. Ce premier enfant du couple François/Marie Françoise Elisabeth décédera deux mois plus tard donc.

    - Le 21 octobre 1721 à Croissanville ? : aveu rendu à François de Bailleul, chevalier, seigneur et marquis de Croissanville, Bissières, Méry, Grayé, Glatigny, Le Perreux et autre lieux…pour deux pièces de terre sises à Bissières. Ce document n’est pas issu des registres, c’est un document notarié qui prouve de façon officielle que François est bien marquis de Croissanville.

    - Le 5 novembre 1723 à Croissanville : décès et inhumation dans l’église de Croissanville de François de Bailleul, chevalier, marquis et seigneur de Croissanville, Le Perreux, Glatigny…Voici donc l’acte de décès de François de Bailleul, 2ème marquis de Croissanville.

    - Le 11 (ou le 20) juin 1737 à Croissanville : décès et inhumation de Gabrielle Marguerite de Ste Marie, veuve de François de Bailleul, chevalier, seigneur et marquis de Croissanville. L’acte précise "à l’âge de 85 ou 87 ans". Voilà qui peut nous permettre alors d’évaluer assez précisément son année de naissance : 1650/1652. Et ainsi également d’évaluer vaguement celle de son mari si nous supposons qu’il y avait peu d’écart d’âge entre eux : s’il est né lui aussi vers 1650/1652, il serait donc décédé à l’âge de 73 ou 71 ans en 1723, ce qui reste fort plausible.

    Par conséquent en ce qui concerne ces deux personnages, nous n’avons ni leur acte de naissance, ni leur acte de mariage, ni d’acte de naissance d’éventuels enfants pour ce couple, seulement leurs actes de décès respectifs et leurs présences à différents baptêmes et mariages.

    Néanmoins, la première conclusion à tirer de l’ensemble de ses informations, est que nous avons bien affaire ici à des personnes qui ont réellement existé et qui ne peuvent être confondues avec d’autres. Ceci s’applique particulièrement à François, 2ème marquis de Croissanville. Cette remarque peut surprendre le lecteur mais il faut savoir que ce personnage, affublé de sa qualité de "marquis", m’est apparu longtemps comme "inclassable" dans le cadre d’une hypothèse généalogique plausible au fur et à mesure de mes découvertes. Pour être plus clair, voici le résumé des différentes étapes dans le déroulement de ces recherches et les conclusions que je pouvais alors en tirer :

    - Il est question dans la lettre d’érection en marquisat d’un fils aîné de Jacques, 1er marquis de Croissanville, militaire mais aussi marin.

     - Je trouve dans les archives microfilmées de Croissanville pour 1697 et 1711 la présence d’un François de Bailleul de Croissanville, possible époux d’une Gabrielle de Ste Marie désignée marquise de Croissanville et qui serait alors lui-même marquis. Il serait donc le fils aîné de Jacques.

    - Je trouve quelques mentions dans des extraits la série E des archives départementales du Calvados le concernant lui et sa femme qui confirment qu’ils sont bien mariés et qu’il est marquis de Croissanville. Il est donc le fils de Jacques et 2ème marquis de Croissanville. Mais des incohérences apparaissent déjà puisque sa femme est désignée marquise de Croissanville dès 1689 alors que je suppose à ce moment que l’érection en marquisat en faveur de Jacques date de 1691 !

    - Je consulte la série E à la bibliothèque de Caen puis peu après trouve l’ouvrage téléchargeable sur le net. Outre de nouvelles informations sur le couple François/Gabrielle Marguerite, j’y découvre que François Toussaint, 3ème marquis de Croisanville est bien le fils d’un François de Bailleul mais que sa mère est Marie Françoise de Bailleul de Croissanville. Même "François" remarié ? Mais en rapprochant cette information du document notarié de 1724, il apparaît que le "François", père de Toussaint François est non seulement un marin décoré mais que sa filiation avec Jacques est moins directe que celle de sa femme. Il correspond donc au profil "marin" du fils aîné de Jacques de la lettre d’érection mais en même temps en est exclu en qualité de fils ! L’hypothèse éventuelle que le "François marquis" et le "François marin" soit la même personne qui se serait remarié ne tient pas plus au niveau des dates et aucun ne correspond exactement à la description de la lettre d’érection ! Problème donc…

    - A la même période, je découvre l’arbre généalogique authentique de la famille qui confirme que François Toussaint, 3ème marquis de Croissanville est bien le fils d’un François, seigneur de Vicques, "marin décoré", lui-même fils d’Yves de Bailleul, frère de Jacques, 1er marquis de Croissanville. De plus, aucune trace dans l’arbre de l’existence du couple François "marquis"/Gabrielle Marguerite "marquise", à ajouter au fait que l’arbre ne montre aucune descendance mâle pour Jacques ! Il y a donc eu un problème dans la transmission du titre après Jacques qui explique ce "pataquès" généalogique. L’hypothèse la plus probable alors est que Jacques a transmis son titre à son neveu François, seigneur de Vicques, le "marin", transmission renforcée par le mariage de ce dernier avec une fille de Jacques, Marie Françoise, la lettre d’érection confondant alors son statut réel de neveu avec celui de fils de Jacques. Cela exclu donc complètement le couple François/Gabrielle Marguerite en tant que "marquis et marquis de Croissanville". Ont-ils réellement existé ? Sont-ils des usurpateurs ? Y a-t-il eu contestation et revendication du titre par une branche de la famille inconnue jusqu'alors ? Une sorte de "régence" du titre ?

    - Je prends connaissance des actes provenant des registres paroissiaux en plus de ceux déjà connus provenant de la série E des archives départementales et suis contraint à un classement chronologique. Il en ressort une évidence devant les nombreux actes les citant : François et Gabrielle Marguerite ont bien existé et François a bien été "marquis de Croissanville" et ce, dès 1693 jusqu’à 1723, date de son décès, soit durant 30 ans ! Plus longtemps que Jacques, 1er marquis, qui lui ne l’aura été que 13 ans (de 1680 à 1693). De plus, la réalité de cette existence trouve son point d’orgue dans l’acte de mariage de 1710 qui réunit dans le même document les deux couples : François le "marin"/Marie Françoise et François le "marquis"/Gabrielle Marguerite. Ce dernier est donc bien l’incontestable 2ème marquis de Croissanville, ce qui est prouvé par le document notarié d’aveux de 1721. D’ailleurs, l’hypothèse que le titre soit passé de Jacques à son neveu François, seigneur de Vicques, le "marin", ne tient plus puisque celui-ci n’est jamais désigné comme tel dans les registres. J’en suis arrivé donc là où je voulais en venir avec ce résumé.

    Alors qui est donc ce François, 2ème marquis de Croissanville dont l’existence s’impose en tant que telle et qui pourtant est absent de l’arbre généalogique et ne correspond pas à la description du fils "marin" de la lettre d’érection en marquisat ?

    La réponse se trouve dans le raisonnement suivant dont il n’est plus une "variable" mais un "fait établi" : François de Bailleul, seigneur de Vicques, lieutenant de vaisseau du Roi, pourtant neveu de Jacques, n’est pas devenu marquis à la mort de ce dernier. Quels liens de parenté pourraient unir Jacques à son successeur et qui soient plus directs que d’oncle à neveu ? Il n’y en a que deux : frère ou fils. "Frère", nous savons que c’est impossible puisque les deux seuls frères de Jacques (Jean-François et Yves) sont morts avant lui. Il ne reste donc que "fils" !

    François de Bailleul, époux de Gabrielle Marguerite de Ste Marie, ne peut donc être que le fils de Jacques.

    Voilà qui réhabilite donc en partie la lettre d’érection en marquisat et nous éclaire mieux sur ce qui s’est passé dans le problème de la transmission du titre à Toussaint François, 3ème marquis de Croissanville : en l’absence d’héritier, le fait que Jacques puisse transmette son titre à son neveu serait généralement accepté par la règle (si ce dernier est issu d’un frère, non d’une sœur). Mais à partir du moment où il transmet ce titre à un fils, comme c’est le cas ici, et que ce dernier n’a pas de descendance mâle, ce fils, François, seigneur et marquis de Croissanville ne peut normalement pas le transmettre à son cousin germain François, seigneur de Vicques !

    Après plusieurs recherches à ce sujet, il m’est apparu que la règle de transmission des titres de noblesse était extrêmement variable. Je ne garanti rien sur la justesse de mon propos mais voici ce que j’ai pu en conclure :

    Sous l’ancien régime, il existait des titres non transmissibles, des titres transmissibles sous la règle de primogéniture (aux mâles aînés d’abord puis ensuite aux puînés, frères ou neveux si pas de descendance) mais nécessitant un renouvellement à chaque transmission, et des titres transmissibles automatiquement sous la règle de primogéniture sans demande de renouvellement.

    Sous les différentes restaurations et l’empire, on trouve plusieurs cas de transmission à des neveux en passant par les filles (fils d’une fille du titré) ou même encore à des gendres ! Dans ce cas le titre n’est même pas transmis à son neveu par le biais de la fille du titré mais directement au mari (qui est tout de même d’origine noble au départ) de celle-ci ! Ceci nécessitait néanmoins des dérogations sous formes de mémoires validées par des ordonnances du Roi.

    J’ai toutefois trouvé un cas similaire datant de 1779 et qui a donc pu déroger aux règles pourtant plus strictes de l’ancien régime.

    Le cas qui nous concerne ici n’est pas aussi extrême mais on comprend alors pourquoi le mariage de François, seigneur de Vicques avec Marie Françoise Elisabeth de Bailleul de Croissanville était nécessaire pour la famille. En effet, nous n’avons trouvé aucun descendant mâle dans les registres pour François de Bailleul, 2ème marquis de Croissanville, ni même de descendant tout court (hormis l’hypothèse que Marie Françoise Elisabeth soit sa fille).

    Ne pouvant hériter automatiquement du titre à la mort de son cousin, François de Bailleul, seigneur de Vicques, en épousant, soit la fille, soit la sœur de ce dernier, a fait de Toussaint François, son fils, le petit-fils ou le neveu du 2ème marquis de Croissanville. Ainsi Toussaint François est à la fois le petit cousin (par son père) et le petit-fils ou neveu (par sa mère) du 2ème marquis de Croissanville. Disons qu’il compense alors l’absence de liaison directe par les mâles avec le dernier marquis par une double liaison indirecte mâle et féminine…

    Si on peut douter que cela ai suffit pour lui permettre automatiquement de prétendre au titre, la pertinence de l’existence du fameux "mémoire imprimé en 1754 de la maison de Bailleul" (cf. note en bas de page de l’ouvrage "Dictionnaire de la noblesse", tome.9 de M. de la Chenaye-Desbois, reproduite plus haut dans mon réçit) prend ici tout son sens ! On peut alors légitimement penser que Toussaint François ai eu besoin de déposer un dossier sous la forme de ce mémoire de 1754 pour pouvoir revendiquer le titre de 3ème marquis de Croissanville.

    Si ce document existe encore et est consultable (sans doute au mémorial de la chambre des comptes de Rouen, centre administratif pour la Normandie à l’époque), il pourrait nous en apprendre beaucoup sur la généalogie qu’il est censé décrire, ou tout simplement confirmer ce que nous avançons ici. Quoiqu’il en soit, nous ne connaissons pas plus le contenu de ce mémoire que la réponse qui en aurait été faite sous la forme d’une ordonnance royale confirmant ou non la transmission du titre de marquis à Toussaint François. Tout au plus savons nous que ce dernier est bien désigné comme tel dans les différents actes et documents le concernant et que son fils aîné Toussaint Amable le sera également, en particulier dans un document officiel du Roi daté du 10 avril 1784 (documents de la famille Bailleul-Croissanville, archives départementales de Caen, déjà cité au début de mes recherches) où il est bien désigné "marquis de Croissanville", fils de feu Toussaint François, marquis de Croissanville.

    Un autre élément vient étayer ce scénario généalogique lié à une transmission, disons "problématique", du titre. Il provient de "Mémoires pour servir à l'état historique et géographique du diocèse de Bayeux : Archidiaconés d'Hyesmes et de Caen", Michel Béziers. Société de l’histoire de Normandie. Parution 1894. Voici les passages qui en font état :

     

    Mémoires Bayeux.jpg

    Comme on peut le voir à la fin de la page 121, l’auteur du texte remet en cause, certes avec beaucoup de précaution, la réhabilitation de la seigneurie de Croissanville en marquisat et, en page 122, nous expose une généalogie très juste de la famille, n’oubliant pas de préciser que Toussaint François descend "par degré" de son arrière-grand-père François de Bailleul sans toutefois indiquer qui est son père ni son grand-père.

    Il semble donc bien renseigné sur la problématique de la transmission du titre et il nous paraît évident ici que cette dernière n’a pu rester une affaire purement familiale mais bien devenir, dans une certaine mesure, publique ou en tout cas administrative, ce qui ne fait que confirmer alors la nécessité pour Toussaint François d’avoir à demander cette réhabilitation, sans doute par ce fameux mémoire dont nous venons de parler.

    Nous apprenons, par ailleurs, qu’au moment où l’auteur écrit son texte, Toussaint François est déjà marié à Marie Thérèse Subtil et a "des enfants". On peut ainsi en situer la date de rédaction qui ne peut qu’être postérieure à 1753 (date de naissance du deuxième enfant du couple, comme nous le verrons ensuite dans l’exposé des registres qui va suivre).

    Le mémoire datant de 1754, il se peut alors que le texte soit antérieur au dépôt du mémoire et il est donc normal que l’auteur ne sache rien de la possible réhabilitation. Mais il se peut aussi que le texte soit bien postérieur au dépôt du mémoire et de la réponse qu’il lui en a été donné et qu’ainsi l’auteur soit en mesure d’affirmer (avec précaution par le "dit-on") que la réhabilitation du titre a été refusée.

    Il faut donc garder à l’esprit le fait que le titre puisse avoir été définitivement perdu reste une éventualité.

    Malgré tout dans un autre passage l’auteur qualifie M. de Bailleul de "marquis de Croissanville" comme nous pouvons le voir dans cet extrait :

    Bissières.jpg

    On a donc dans l’ensemble de ce texte une description de la situation généalogique et de la problématique de la transmission du titre qui correspond en tout point à celle que je viens d’exposer quelques lignes plus haut alors même qu’elle provient d’une autre personne, qui plus est, contemporaine de la situation qu’elle décrit.

    Je ne pouvais donc passer sous silence l’existence d’un tel document qui est quasiment la "photographie" de mes propres conclusions.

    Mais il reste néanmoins un point à éclaircir pour que toutes les pièces du puzzle, constituées par l’ensemble des sources, s’emboîtent parfaitement.

    Nous avons vu que malgré l’absence de preuve formelle que constituerait la découverte de son acte de naissance, nous n’avons pu arriver, en combinant l’analyse des divers documents, qu’à la conclusion logique suivante :

    - François de Bailleul, 2ème marquis de Croissanville, époux de Gabrielle Marguerite de Sainte Marie, est bien le fils de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville.

    - Son cousin germain, François de Bailleul, seigneur de Vicques, lieutenant de vaisseau du Roi, épouse soit sa sœur, soit sa fille, Marie Françoise Elisabeth (Suzanne) de Bailleul de Croissanville.

    - Leur fils, Toussaint François de Bailleul devient alors le 3ème marquis de Croissanville mais ne peut hériter de ce titre automatiquement et doit déposer un mémoire pour en demander la réhabilitation.

    Ironiquement, cela correspond à ma toute première hypothèse du début de mes recherches qui combinait la mention de "fils aîné" de Jacques du document d’érection en marquisat et la découverte d’un François de Bailleul, époux de Gabrielle Marguerite de Sainte Marie dans les archives microfilmées de Caen. Il aura fallu passer par toutes sortes d’hypothèses ou de blocages pour en arriver finalement à mon point de départ !

    La faute en grande partie au passage suivant tiré du texte de la lettre d’érection en marquisat, responsable de la contradiction François "fils aîné" (de Jacques), 2ème marquis de Croissanville / François "marin" (fils d’Yves), lieutenant de vaisseau du Roi, chevalier de Saint-Louis :

    "…et depuis le fils aisné dudit Jacques de Bailleul etant page de nostre grande escurye fut au siege de Condé et apres a servy aux sieges de Valenciennes et Cambray et ensuite en Allemagne en qualité de lieutenant et ayde major dans le régiment de Picardie et la paix estant faicte auroit servi par nos ordres la campagne derniere en nortre armee navalle sur le vaisseau de Colombon, escadre du sieur de Tourville et sert encore en qualité de volontaire à Toulon sur le vaisseau de ‘Arcanciel…"

    A la lumière de nos conclusions généalogiques présentes, une seule solution s’impose pour lever cette contradiction et placer notre dernière pièce du puzzle : l’auteur du texte s’est allègrement "mélangé les pinceaux" et a confondu les états de services des deux cousins ! Et pour cause, puisque les deux se nomment "François de Bailleul" et qu’ils ont tous deux œuvré sur les champs de bataille sur une période de 15 ans, période suffisamment restreinte pour combiner des états de services successifs et permettre de se tromper.

    Car voici comment il faut lire en fait ce que nous dit ce passage :

    François de Bailleul de Croissanville, fils de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville entre comme page à la grande écurie du Roi. Il participe au siège de Condé en 1676 et aux sièges de Valenciennes et Cambrai en 1677. Il est promu lieutenant et sert en Allemagne puis aide-major (un grade équivalent à commandant ou capitaine de nos jours) dans le régiment de Picardie.

    "…et la paix estant faicte auroit servi…" On se rend compte ici que l’auteur utilise le conditionnel à bon escient puisqu’il se trompe en fait dans la suite qu’il faut lire ainsi :

    François de Bailleul de Vicques, fils d’Yves de Bailleul, sert dans la marine, sans doute en 1688 dans la campagne navale dite de "la Ligue d’Augsbourg", sur le vaisseau Colombon dans l’escadre de Tourville (chef d’escadre en 1679) et sert encore, au moment où l’auteur écrit son texte vers 1688/1689, à Toulon sur le vaisseau Arc-en-Ciel.

    Il est clair que François de Bailleul de Vicques, né en 1670 n’aurait pu participer au siège de Condé en 1676. D’un autre côté, François de Bailleul de Croissanville, dont nous ne connaissons pas l’année de naissance mais que nous supposons être autour de 1650, comme sa femme, aurait pu être en mesure de commencer sa carrière sur terre en 1676 pour la finir sur mer. Mais qu’un officier supérieur, sans doute cavalier, finisse sa carrière dans la marine paraît grotesque ! On a donc bien affaire ici à la description d’états de services dans l’armée de deux personnages différents.

    Aux yeux de mes présupposés lecteurs, il pourra paraître présomptueux de ma part de remettre en cause le contenu d’un tel document officiel comme je viens de le faire. Nous avons vu pourtant que c’est la seule solution qui s’impose. On m’objectera que même si mon raisonnement est juste, je n’apporte aucune preuve. Il faudrait pour cela consulter les archives militaires, si elles existent encore, pour ces deux personnages.

    Je pense pourtant être en mesure de le faire ici grâce à la découverte récente de ces deux documents :

    Il s’agit pour le premier de "Les grands écuyers et la grande écurie de France" par Edouard de Barthélemy, 1867. L’auteur y raconte l’histoire de la grande écurie du Roi depuis sa fondation et nous donne à connaître par ailleurs le document suivant qui est le "catalogue des noms et surnoms de tous les pages qui ont été reçu dans la grande écurie du Roi depuis l’année 1667 jusqu’à présent 1689" revu et corrigé par d’Hozier (archiviste du Roi).

    Or nous trouvons cité page 195 pour l’année 1675 : "de Bailleul de Cressenville". Il ne peut s’agir ici que de François de Bailleul de Croissanville, fils de Jacques de Bailleul, seigneur de Croissanville (pas encore marquis), seul mâle à porter ce nom à cette période. Le fait qu’il soit reçu en 1675 nous oblige à corriger notre hypothèse qu’il soit né vers 1650. En effet il est peu probable qu’il fut page à l’âge de 25 ans alors que l’âge d’admission tournait généralement autour de 15 ans. Il est donc plutôt né vers 1660. Pour autant nous avons bien ici la preuve qu’il est bien le "page" dont il est question dans la lettre d’érection en marquisat et les dates des différents sièges auxquels il a participé (1676 puis 1677) sont cohérentes avec celle de son admission (1675) puisqu’il n’était pas rare à cette époque que les pages participent aux combats pour leur instruction.

    Le deuxième document provient de "Histoire de l’ordre Royal et militaire de Saint-Louis, depuis son institution en 1693 jusqu’en 1830", Alex Mazas, 1860.

    On y trouve cité page 127 pour l’année 1725, dans la liste des provisions de chevaliers délivrées et portées au registre du sceau de 1719 : "Bailleul de Vicq", lieutenant de vaisseau. Nul doute qu’il s’agisse ici de François de Bailleul, seigneur de Vicques, fils d’Yves de Bailleul, lieutenant de vaisseau du Roi que nous avons trouvé désigné "chevalier de Saint-Louis" dans un document de 1724 puis en 1727. Il est donc bien le "marin" décrit dans la lettre d’érection et là aussi les dates correspondent : né en 1670 il a pu commencer sa carrière comme enseigne vers 1688, ce qui est alors cohérent avec ce que dit le document d’érection, puis l’achever aux alentours de 1710 (date de son mariage), soit plus de 20 ans de service, ce qui correspond aux critères d’admission à l’ordre militaire de chevalier de Saint-Louis.

    La preuve est donc faite, à mon avis, que le passage incriminé de la lettre d’érection en marquisat concerne bien deux personnages différents que nous avons identifiés. Cette incohérence est donc levée et notre dernière pièce du puzzle, les états de services militaires du "fils aîné" de Jacques décrits dans le document d’érection, s’adapte parfaitement à notre scénario généalogique.

    Mais tant qu’à remettre en cause l’exactitude des faits relatés dans ce document d’érection, autant le faire jusqu’au bout ! Car il contient bien d’autres erreurs en fait ! Certes, cela risque de paraître hors sujet dans la remontée généalogique que je suis actuellement en train de faire. Mais démontrer que ce document contient d’autres informations erronées, autres que celles que je viens de relever, non seulement cela ne fera qu’appuyer mes précédentes conclusions, mais également permettra d’avoir un regard critique le concernant quand nous le confronterons aux autres informations qui décrivent la généalogie ancienne des Bailleul. Il conviendra alors d’en tirer la leçon suivante : ce n’est pas parce qu’un document est ancien et officiel qu’il contient l’exacte vérité !

    Je rappelle ici, afin de faciliter la compréhension de ce qui va suivre, que j’ai publié l’intégralité de ce document sur mon blog au début du chapitre "premiers éléments et débuts des recherches Croissanville".

    Initialement, il nous faut tenter de le dater définitivement car l’auteur, A. de Caumont, n’est pas du tout clair dans ses explications. Il commence par citer un extrait d’un aveu du 28 juin 1691 qui décrit la composition du fief de Croissanville, déjà érigé en marquisat, puis par une note en bas de page, donne le passage des lettres du Roi qui autorise la famille Bailleul à établir deux foires. Cette partie là concerne donc le document de 1691. Juste après dans son texte, il nous apprend que "le Mémorial de la Chambre des Comptes, renferme les lettres d’union de plusieurs fiefs et érection d’iceux en marquisat…obtenu par Jacques de Bailleul" et nous donne par une seconde note en bas de page l’extrait de ces lettres qui nous décrivent l’histoire et la généalogie des Bailleul. Là, il ne donne aucune date les concernant.

    La confusion est donc aisée entre les deux extraits cités, l’un daté de 1691, l’autre non daté, suffisamment pour les croire tous deux de 1691. C’est l’erreur que j’ai commise au début de mes recherches et que j’ai retrouvé dans d’autres textes d’auteurs s’intéressant à l’histoire de la famille ou du lieu : l’érection en marquisat ne date pas de 1691. En effet, j’ai déjà montré plus haut dans mon récit qu’on trouve dans l’ouvrage "Mémoires de la société des antiquaires de Normandie, vol. 8" le registre mémorial de la chambre des comptes de Rouen qui contient ces fameuses lettres d’union et d’érection que cite l’auteur. Elles sont classées pour les années 1688/1689 et une note indique que les registres des années 1680 à 1687 manquent. Ces lettres datent donc de 1688/1689.

    Nous savons pourtant que ce n’est sans doute pas la véritable date de l’érection en marquisat puisque nous avons vu que dans différents documents, Jacques de Bailleul porte déjà le titre de marquis de Croissanville bien avant, et que dans la note en bas de page ("Dictionnaire de la noblesse" de La Chenaye-Desbois, déjà cité plus haut) au sujet du fameux mémoire, il est indiqué que les lettres patentes d’érection en marquisat datent de juillet 1680.

    D’autant que nous avons trouvé d’autres sources qui confirme cette date. Dans "Dictionnaire des fiefs, seigneuries, chatellenies, etc…de l’ancienne France" par Gourdon de Genouillac, 1862, nous trouvons page 151 : "Croissanville : seigneurie, Normandie. De Bailleul, marquisat en sa faveur en juillet 1680".

    De même, dans "Dictionnaire des titres et des terres titrées françaises sous l’ancien régime", Eric Thiou, 2003, on trouvait (car il n’est plus consultable ne ligne) cette même date citée.

    Il est peu probable, qu’à cette époque, Jacques se soit permis d’usurper ou d’anticiper un tel titre. On peut donc considérer que la véritable date de l’érection en marquisat est "juillet 1680".

    On peut aisément expliquer cette confusion : en effet, il y avait toujours un délai entre l’attribution du titre par lettres patentes et leur enregistrement. Ce délai pouvait être de plusieurs années, voir même de plus de dix ans.

    Nous aboutissons donc à la seule chronologique possible qui combine les différentes sources :

    - Attribution du titre : juillet 1680. Cohérent avec les trois sources citées et le fait que Jacques porte ce titre avant 1688 dans les registres.

    - Enregistrement du titre : années 1688/1689. Date de rédaction des lettres d’union et d’érection, citées par A. de Caumont que nous étudions ici. Cette date est celle trouvée dans le registre de la chambre des comptes et est cohérente avec le texte qui cite les états de services dans la marine de François de Bailleul, seigneur de Vicques, lieutenant de vaisseau du Roi, qui, étant né en 1670, n’aurait pu apparaître dans le texte des lettres patentes de 1680.

    - Autorisation d’établir deux foires : aveu du 28 juin 1691. Seule date citée par A. de Caumont mais qui concerne un texte qui n’est pas celui des lettres d’union et d’érection.

    Le document d’érection qui décrit l’histoire et la généalogie des Bailleul a donc été rédigé dans les années 1688/1689.

    Nous avons déjà relevé l’erreur de son auteur qui a mélangé les états de services des deux cousins à la fin de sa description. Nous allons voir maintenant qu’il se trompe également dans la séquence généalogique qu’il propose au début.

    Nous ne discuterons pas ici des allusions aux Rois d’Ecosse ou à Anguerand de Bailleul dont il fait mention, tant celles-ci nous amènent sur une problématique si complexe qu’elle fera l’objet de son propre chapitre ailleurs dans ces recherches, mais commencerons notre analyse avec Louis de Bailleul, chevalier, seigneur de Beauvais puisque c’est à partir de ce personnage que l’auteur commence sa généalogie détaillée.

    Il indique qu’il a été tué à la bataille de Coutras (en 1587, donc) et qu’il laisse deux fils, Jacques et Robert et que Jacques a eu une fille, Françoise, qui épouse le sieur de Souvray, et que Robert, capitaine du fort Ste Catherine a été tué au siège de Rouen et a eu un fils, Yves, qui continue la ligné des Bailleul.

    Or, tous les textes consultés le prouvent, Françoise, épouse du sieur de Souvré, est la fille unique de Jean de Bailleul, seigneur du Renouard, gouverneur-capitaine du château de Caen lors de sa prise par les protestants en 1563. La confusion de prénom (Jacques/Jean) serait une possibilité mais il est par contre impossible que Louis, décédé en 1587, ait pu avoir un fils participant à un événement en 1563. De plus, il est également connu que la seigneurie du Renouard est passée dans la famille de Souvré suite à ce mariage et que la branche des Bailleul-Renouard s’est éteinte à ce moment, faute de descendant mâle pour Jean de Bailleul. S’il avait eu un frère, Robert, qui a eu des descendants comme l’auteur nous l’indique ici, cela n’aurait pas été le cas.

    La séquence Louis/Jean (ou Jacques)/Françoise est donc fausse.

    De même, concernant Robert, il ne peut être le père d’Yves dont la généalogie des Harcourt indique qu’il a épousé Marguerite de Harcourt vers 1580, ce qui ferait de lui le petits-fils de Louis décédé en 1587, alors suffisamment jeune à ce moment pour participer à la bataille de Coutras. Ni donc le frère de Jean comme nous venons de le voir. Toute la séquence de Louis jusqu’à Yves est donc absurde !

    Si on compare tout cela avec les arbres généalogiques de la famille, dont la description coïncide avec les sources annexes que nous venons de citer, on comprend d’où peut provenir l’erreur :

    Louis de Bailleul, seigneur de Beauvais, tué à la bataille de Coutras en 1587 y est identifié en fait comme étant le frère d’Yves de Bailleul, seigneur des Quatre-Favrils, puis de Croissanville après son mariage avec Marguerite d’Harcourt, dame de Croissanville vers 1580. Il est bien indiqué que Louis a un fils prénommé Jacques et un autre enfant non nommé qui pourrait être un Robert, comme indiqué par l’auteur dans le document d’érection. Mais il est aussi indiqué que Gilles de Bailleul, seigneur de Montreuil, de Beauvais et de Quatre-Favrils, père de Louis et d’Yves, était gouverneur de la citadelle de Rouen (le fort Ste Catherine ?). Pour peu qu’il se soit prénommé également Robert et qu’il soit effectivement décédé lors de la prise de la citadelle, l’auteur l’aurait confondu avec un fils de Louis alors qu’il était son père. Dans ce cas, Gilles/Robert est effectivement le père d’Yves qui continue la ligné. Par contre nous ne voyons pas comment l’auteur a pu se tromper en faisant de Jacques, fils de Louis, le père de Françoise de Bailleul, épouse de Gilles de Souvré !

    Ensuite, sa description généalogique à partir d’Yves de Bailleul, maréchal des logis des gens d’armes de la compagnie du Roi, est conforme à celle des arbres et aux autres sources que nous connaissons : Yves, père de François (époux d’Eléonore de La Moricière), lui-même père de Jacques, 1er marquis de Croissanville, lui-même père de François, 2ème marquis de Croissanville. Pour aboutir finalement à la confusion des états de services du fils de Jacques avec celles de son cousin germain.

    Tous les personnages cités par l’auteur sont donc bien réels mais pour certains il s’est perdu dans leur filiation. Il faut donc lire sa description généalogique ainsi :

    - Louis de Bailleul, seigneur de Beauvais, tué à la bataille de Coutras en 1587 laisse deux fils : Jacques et Robert.

    - Par ailleurs, Françoise de Bailleul épouse le sieur de Souvray en 1582. 

    - Et Robert de Bailleul, capitaine du fort Ste Catherine, tué au siège de Rouen, possible fils de Louis, décède au siège de 1591.

    - Ou Gilles/Robert de Bailleul, gouverneur de la citadelle de Rouen, père de Louis, décède au siège de 1562 et a pour fils Yves.

    - Yves de Bailleul, maréchal des logis des gens d’armes de la compagnie du Roi, fils de Gilles/Robert et frère de Louis, a pour fils François.

    - François de Bailleul a pour fils Jacques et Jean-François, tué à Marsal en 1663.

    - Jacques de Bailleul a pour fils François de Bailleul.

    - François de Bailleul, page, puis lieutenant, puis aide-Major participe aux sièges de Condé en 1676, et Valenciennes et Cambrai en 1677.

    - Par ailleurs, son cousin germain, François de Bailleul de Vicques sert dans la marine en 1688 dans l’escadre de Tourville et sert encore à Toulon.

    On peut alors facilement admettre que le rédacteur des lettres d’unions et d’érection, qu’il fut l’archiviste du Roi ou un de ses secrétaires, confronté à un tas de documents disparates étalés sur sa table, se soit révélé, par instants, incapable d’en retranscrire l’exacte interprétation généalogique comme nous venons de le montrer.

    J’estime donc en avoir terminé avec ce blocage qui a considérablement ralenti la publication du résultat de mes recherches sur ce blog en étant parvenu (enfin !) à identifier tous les personnages et à décrire la seule situation généalogique plausible qui en découle, elle-même liée à la problématique de la transmission du titre de marquis.

    Mais avant de poursuivre notre remontée généalogique jusqu’à l’acquisition de la seigneurie de Croissanville par les Bailleul, il faut nous attarder sur quelques informations importantes que nous révèle l’étude des registres paroissiaux sur certains personnages connus ou absents des arbres généalogiques de la famille. Les voici dans l’ordre chronologique avec mon interprétation :

    - Le 13 juin 1736 à Vicques : Toussaint François Aimable de Vicques, marquis de Croissanville et Elisabeth Aimable Françoise de Vicques, sont parrain et marraine à un baptême. Il s’agit bien ici de Toussaint François de Bailleul, fils de François de Bailleul, seigneur de Vicques, lieutenant de vaisseau du Roi. On remarque alors qu’il se fait appeler "marquis de Croissanville" alors qu’il a à peine 9 ans, étant né en 1727. Pour rappel, nous avons vu que François de Bailleul, fils de Jacques et précédent marquis de Croissanville, est décédé le 5 novembre 1723. La marraine est la sœur de Toussaint François.

    - Le 30 mars 1744 (ou 1751 ?) à Bellengreville : Haut et puissant seigneur François de Bailleul, marquis de Croissanville, seigneur et patron de Vicques et autres lieux est désigné parrain d’un enfant prénommé "Toussaint François". La marraine est : noble damoiselle Marie Thérèse Subtil de Bellengreville. Il nous faut décrypter cette information : le prénom du baptisé est généralement celui du parrain. Ce dernier est donc bien Toussaint François (et non son père François comme on pourrait le croire). La marraine est "damoiselle" donc non mariée. Or, nous savons que Toussaint François de Bailleul et Marie Thérèse Subtil se marieront le 12 octobre 1750. La date de ce document est donc 1744. A 17 ans, Toussaint François se fait donc appeler "marquis de Croissanville" et également "seigneur de Vicques" alors que son père est toujours vivant à cette date.

    - Le 30 juillet 1751 à Vicques : naissance/baptême de Toussaint Aimable André Julien de Bailleul, fils de Toussaint François Aimable de Bailleul, chevalier, seigneur patron et marquis de Croissanville, seigneur et patron de Vicques et de Thérèse Subtil, marquise de Croissanville, dame et patronne de Vicques. Parrain : Alphonse Subtil, seigneur et patron de Bellengreville, Franqueville et autres lieux. Marraine : Marie (des Asnières ?), dame et patronne de Bellengreville. Nous voici donc en présence de l’acte de naissance de Toussaint Aimable, fils aîné de Toussaint François et qui sera donc le 4ème marquis de Croissanville, et sera arrêté, interrogé et finalement exécuté suite au débarquement royaliste de Quiberon de 1795. L’interrogatoire indiquait "42 ans, né à Vire". Soit il a menti à cette occasion, soit il a été mal compris, mais nous découvrons ici qu’il est en fait né à Vicques en 1751, alors que ses deux frères, Aimable Auguste et Michel Alphonse sont nés à Croissanville respectivement en 1754 et 1758. Son parrain et sa marraine sont les parents de sa mère.

    - Le 17 octobre 1752 à Croissanville : décès de Françoise de Bailleul, veuve de Gilles de Bailleul, seigneur d’Anville, marquise de Croissanville à l’âge de 88, 90, ou 92 ans. Il s’agit ici de la fille de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville, dont nous connaissons déjà l’acte de mariage de 1688. En prenant en compte l’âge de décès médian de 90 ans on arrive à une date de naissance vers 1662. Nous l’avons déjà trouvé veuve de Gilles de Bailleul en 1724 et désignée "marquise de Croissanville" à deux autres baptêmes en 1739 et 1748 à Cléville et Croissanville. Ce n’est qu’un titre dit "de courtoisie" qu’elle porte en tant que fille du 1er marquis de Croissanville. On remarque son décès et sa présence à Croissanville ce qui nous laisse à penser qu’elle logeait au château de Croissanville.

    - Le 9 et 12 février 1753 à Vicques : naissance et baptême de Agnès Marie Thérèse Françoise de Bailleul, fille de Toussaint François Aimable de Bailleul, chevalier, marquis et patron de Croissanville et Vicques et de Marie Thérèse Subtil. Parrain, René de Bailleul, prêtre doyen de la collégiale de Croissanville, marraine, Agnès Beaulieu Subtil. Nous découvrons donc ici une première fille pour le couple Toussaint François de Bailleul/Marie Thérèse Subtil. Notons qu’elle est bien présente au côté de ses trois frères dans les arbres généalogiques de la famille sous les prénoms de "Marie Thérèse Françoise". Mais c’est sans doute cette même personne que j’ai trouvé mentionnée ainsi dans les archives microfilmées de Caen (document déjà cité au début de mes recherches) pour 1764 à Cléville : "noms de ceux qui ont…Agnès de Bailleul de Croissanville et Toussaint de Bailleul de Croissanville". Notons également qu’elle est née à Vicques, comme son frère aîné Toussaint Aimable, et que son parrain est un des oncles de son père.

    - Le 31 décembre 1755 à Cléville : baptême de Cécile Geneviève de Bailleul, fille de François Toussaint Aimable de Bailleul, écuyer, seigneur et marquis de Croissanville et de Thérèse Subtil. Nous découvrons ici une fille de ce couple qui n’apparaît pas dans les arbres et qu’il conviendra donc d’ajouter dans l’arbre corrigé que je me propose de faire.

    Je ne détaille pas ici les actes de naissance d’Aimable Auguste et de Michel Alphonse, les deux autres fils du couple Toussaint François/Marie Thérèse, nés respectivement le 8 décembre 1754 à Cléville et le 3 mai 1758 à Croissanville car les registres ne diffèrent pas des retranscriptions de la série E que nous connaissons et avons publié déjà. Néanmoins, je tiens juste à noter que les deux premiers enfants du couple naissent à Vicques, puis que les trois suivants naissent à Croissanville (ou Cléville mais c’est la même chose puisque le château de Croissanville se trouve sur Cléville) à partir de 1754. On note, par ailleurs, que Marie Thérèse Subtil est présente à un baptême à Croissanville le 19 septembre 1753. C’est donc peut-être aux environs de cette dernière date que cette famille s’est définitivement installée au château de Croissanville jusqu’à la Révolution.

    Arrivé à ce point, j’ai donc suffisamment détaillé et confronté l’ensemble des sources pour être capable de démontrer que moi-même ou tout autre descendant (qui existerait) portant le nom de "Bailleul-Croissanville" actuellement, descendons en ligne directe par les mâles de François de Bailleul, seigneur de Croissanville, Vicques et Quatre-Favrils, époux d’Eléonore de La Moricière, dame de Vicques (mariage indiqué en 1619 dans les arbres), père de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville et d’Yves de Bailleul, seigneur de Quatre-Favrils.

    Néanmoins, la seigneurie de Croissanville (et donc le titre, si réhabilité) ne s’est pas transmise en ligne directe par les mâles à partir de François puisqu’elle est passée à son fils Jacques dont le fils François n’a pas eu de descendant mâle, et est donc revenue à son petit-fils, François de Bailleul, seigneur de Vicques, lieutenant de vaisseau du Roi, fils d’Yves, par son mariage avec Marie Françoise Elisabeth de Bailleul de Croissanville, fille de Jacques ou de François son fils (ce que nous n’avons pas pu déterminer précisément).

    Il me reste alors à remonter la généalogie à partir de François de Bailleul, seigneur de Croissanville, Vicques et Quatre-Favrils, époux d’Eléonore de La Moricière pour aboutir à l’acquisition de la seigneurie de Croissanville par les Bailleul pour terminer ce chapitre.

    Mais comme la période que nous venons d’étudier pour arriver à cette étape est la plus riche en documents divers, il serait logique, d’un point de vue chronologique, que je m’y attarde pour détailler tous ce que j’ai pu trouver sur les autres Bailleul (Bailleul-Bellengreville-Franqueville ou autres) contemporains de nos Bailleul-Croissanville. Pourtant, je ne le ferai pas ici, mais rapidement dans une annexe en fin de ce chapitre car j’estime avoir assez perdu de temps dans la rédaction de mes recherches et préfère laisser ce soin aux éventuels descendants de ces branches s’ils existent encore…

    Concernant le couple François de Bailleul/Eléonore de La Moricière, et en l’absence d’actes de naissance sans doute trop anciens pour exister, nous avons donc pu déterminer d’après les registres de Quatre-Favrils de façon certaine et indiqués comme tels, qu’il avait eu comme enfants : Jacques, Yves et Marguerite d’après l’acte de mariage de 1673 de cette dernière. Puis, supposons, d’après ces mêmes registres, l’existence de trois autres filles : Magdeleine, mariée en 1656, Léonore, décédée en 1662 et Catherine. Enfin, d’après la lettre d’érection, un autre fils, Jean-François, mousquetaire tué à Marsal en 1663.

    Cela nous donne donc sept enfants, là où l’arbre généalogique de la famille n’en fait apparaître que trois, uniquement les fils, omission qui nous semble habituelle maintenant. Voilà pour leur descendance.

    En ce qui les concerne directement, nous n’avons trouvé dans les registres (déjà cités et détaillés plus haut), et à Quatre-Favrils uniquement, qu’un contrat signé par François de Bailleul le 6 juin 1665 et sa présence hypothétique à deux baptêmes en 1653 et 1663 ainsi que l’acte de décès d’Eléonore de La Moricière le 10 mai 1665 à Quatre-Favrils. Nous supposons le décès de son mari, François de Bailleul, compris entre 1673 et 1677.

    Nous n’avons donc, ni leurs actes de naissance respectifs, ni leur acte de mariage, ni les actes de naissance de leurs sept enfants et n’avons que l’acte de décès d’Eléonore de La Moricière, mais ce dernier indique qu’elle était l’épouse du "sieur de Croissanville". Néanmoins, cela nous semble normal puisque nous avons atteint la limite d’existence d’actes d’état civil qu’il est rare de trouver avant 1630.

    Il se peut que nous n’ayons pas déterminé la bonne paroisse pour nos recherches puisque nous supposions au départ que le couple résidait au château de Vicques, mais les registres de Vicques sont inexistants (ou ont été détruits) avant 1692, et par ailleurs, nous avons trouvé de façon surprenante plus d’actes les concernant à Quatre-Favrils qu’attendus, confortant plutôt l’hypothèse de leur résidence dans cette paroisse. Dans ce cas, nous devrons alors nous contenter de ce qu’indiquent les registres de cette dernière.

    Il nous faudra donc étudier maintenant d’autres sources pour confirmer ou préciser ce que nous connaissons déjà et établir la généalogie des générations précédentes.

    Nous venons de voir que, confrontées ensembles, les informations tirées des registres sont cohérentes avec celles de l’arbre généalogique de la famille.

    Il en est de même avec le texte de la lettre d’érection qui indique que le père de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville (et donc d’Yves de Bailleul, son frère), est François de Bailleul "…eslevé page de nostre grande escurye aussi chevalier dans le service de la mesme compagnie (du Roi) où il a servye volontaire un fort long temps…". Plus loin, il est précisé que "…le sieur de Vignes (pour de Vicques) son bisayeul maternel (à Jacques) capitaine du chasteau Trompette de nostre ville de Bordeau…". Cette description correspond donc en tout point à François de Bailleul époux d’Eléonore de la Moricière, dame de Vicques, descendante du sieur de Vicques dont il est question dans le texte et qui s’avère donc bien être le bisaïeul maternel de Jacques, 1er marquis de Croissanville.

    Ainsi, registres, lettre d’érection et arbre généalogique nous disent la même chose. Voyons donc ce que nous apprennent les autres sources.

    Nous avons trouvé deux documents au sujet de procédures judiciaires liées à la succession compliquée de la famille La Moricière qui évoquent François de Bailleul et Eléonore de la Moricière, sa femme.

    Le premier est tiré de "Notice sur la forêt d’Ecouves" de l’abbé L. M. Mesnil paru dans "Bulletin de la société historique et archéologique de l’Orne, n°27-30, 1908-1911. Il y est indiqué que :

    "Eléonore de La Moricière, sortie du second mariage de Marguerite du Quesnel (et fille de Jean de La Moricière, seigneur de Vicques et gouverneur du Mont Saint-Michel et d’Avranches, indiqué plus haut), fit avec sa sœur, femme du sieur de Cormeilles, partage de la succession de leur frère utérin (Jean de Crève-Cœur, comme indiqué plus haut) et eut les fiefs d’Avoise, de Radon et de Gouencières ; elle épousa François de Bailleul, seigneur de Cressenville et de Beauvais au Maine, fils d’Yves, chevalier, seigneur d’Ambleville et des Quatre Favries, maréchal de logis des gens d’armes du Roi, d’une des plus illustres Maisons de Normandie qui a fourni deux rois à l’Ecosse, Jean et Edouard de Bailleul. Elle vendit en 1645 à François de Godet des Marais, capitaine d’une compagnie de chevau-légers, les fiefs, terres et seigneurie d’Avoise, Radon et Gouencières…Le sieur de Launé-Gravé qui avait fourni une partie des deniers au sieur des Marais…devint faute de remboursement propriétaire d’Avoise. Sa fille, Françoise de Launé-Gravé, épousa Charles, marquis de Nerestange…"

    Cette succession difficile des fiefs d’Avoise, Radon et Gouencières a donné lieu à plusieurs procédures comme nous le savons par les factums que j’ai déjà cités plus haut dans la partie consacrée aux documents concernant Jacques, 1er marquis de Croissanville. On y trouvait en effet les même intervenants : dans celui daté de 1683, il était question de Jacques et de Yves de Bailleul dans un procès contre Anne-Louise de la Fontaine, dame de Cormeilles et dans un autre, postérieur à 1687 puisque Yves y est indiqué comme décédé, un procès impliquait Jacques et Madeleine du Val, la veuve d’Yves, contre Charles-Achille de Nerestang.

    Nous avons donc là une explication de la cause de ces procédures mais aussi quelques renseignements généalogiques précieux sur Eléonore de La Moricière, décrite comme fille de Jean de La Moricière et de Marguerite du Quesnel, suite au second mariage de cette dernière. Nous avons également une fois de plus la confirmation qu’elle est bien l’épouse de François de Bailleul, seigneur de Croissanville (indiqué "Cressenville"). Par contre, la mention "seigneur de Beauvais au Maine" n’est pas juste car si François descend bien de la branche des Bailleul-Beauvais comme nous le verrons dans le chapitre consacré aux Bailleul, c’est son oncle Louis qui est seigneur de Beauvais, comme nous l’avons vu dans notre explication des erreurs généalogiques de la lettre d’érection en marquisat.

    Il est décrit comme le fils d’Yves de Bailleul, chevalier, seigneur d’Ambleville (lieu à préciser) et de Quatre-Favrils (écrit "Quatre Favries"), maréchal de logis des gens d’armes du Roi.

    Cette description correspond à la fois à celle de la suite généalogique de la lettre d’érection qui cite François comme fils de "Yves de Bailleul…mareschal des logis des gens d’armes de notre compagnie et des gentilshommes de nostre chambre" et à celle de l’arbre généalogique de la famille qui l’indique comme fils d’Yves de Bailleul, chevalier de l’ordre du Roi et gentilhomme de sa chambre, maréchal des logis de sa compagnie des gens d’armes, seigneur de "???ville" et autres terres.

    Nous ne nous étendrons pas ici sur ce qu’affirme l’auteur quant au lien de ces Bailleul avec les Rois d’Ecosse puisque nous y consacrerons un chapitre à part entière…

    Le second document provient de "Mémoires concernans la nature et la qualité des statuts ; divers questions mixtes de droits et de coutume et la plupart des arrests qui les ont décidées" de Louis Froland, 1729, page 404. On y trouve un arrêt dît "de La Moricière" du 19 juillet 1642 que je me dois de résumer ainsi si je ne veux pas alourdir plus encore mon récit :

    Il y est question du partage de la terre de Boisjosse ou de sa valeur entre les personnes suivantes : Jacques de la Moricière, sieur de Vicques (frère de Jean de La Moricière et donc oncle des suivantes), Eléonore de La Moricière et sa sœur Catherine, de Bailleul, et enfin de la Fontaine, sachant que la terre de Boisjosse a été vendu par lesdits de Bailleul, de la Fontaine, et Eléonore et Catherine de La Moricière à Valentin Roché par contrat du 19 octobre 1637. Dans le descriptif de l’arrêt on prend connaissance là-aussi de quelques faits généalogiques importants concernant les La Moricière.

    Ainsi, on apprend que François de La Moricière a épousé Marguerite le Maire le 16 août 1584 en seconde noce pour cette dernière qui était veuve de Jean Duché. Ils ont eût deux fils, Jean de La Moricière, père d’Eléonore et de Catherine, et Jacques de La Moricière dont il est question ici dans le partage de la terre de Boisjosse. On comprend également que le "de Bailleul" impliqué ici est François de Bailleul en tant qu’époux d’Eléonore, héritière, et que le "de la Fontaine" est sans doute l’époux de Catherine sa sœur, héritière également. On retrouve ce nom de "de la Fontaine" déjà cité dans le litige du partage de la terre d’Avoise que nous venons de voir sous sa dénomination complète de "de la Fontaine de Cormeilles".

    On trouve François de Bailleul et sa femme Eléonore de La Moricière également cités dans les trois extraits suivants tirés de la série E des retranscriptions des archives du Calvados mais qui ne sont pas lisible en totalité en ligne :

    - "…du fief et seigneurie d’Airan qui lui appartient à droit de retrait de Nicolas de Cheux, écuyer, sieur de Banneville, auquel François de Bailleul, écuyer, sieur de Croissanville et Eléonore de La Moricière, ses père et mère, l’avaient vendu, ladite vente faite moyennant la somme de 1 000 livres…" On comprend qu’il est question dans ce passage d’un des fils du couple (peut-être Jacques, le futur marquis de Croissanville) qui récupère son droit de propriété sur le fief d’Airan suite au retrait de l’acheteur dans la transaction initiée par François de Bailleul, alors seigneur d’Airan. C’est d’ailleurs comme tel que François de Bailleul est cité dans le deuxième extrait que voici.

    - "Vente par François de Bailleul, chevalier, seigneur et patron de Quatre-Faveris, Vicques, Croissanville et Airan et Léonore de La Moricière, son épouse, à Thomas de Bourget, seigneur de la Saonnerie et du Hameau, du fief…" Ici, nous ne savons pas quel fief a été vendu mais cela a occasionné un procès tel que nous le voyons dans l’extrait ci-dessous.

    - "Transaction devant Jean Froment et Jean Martin, tabellions à Falaise, entre Yves de Bailleul, écuyer, sieur de Vicques, porteur de procuration de François de Bailleul, chevalier, seigneur de Cressanville, et de Léonore de La Moricière, son épouse, et Thomas du Bourget, écuyer, sieur de la Saunerie, pour terminer le procès pendant entre eux au bailliage de Falaise…" Yves de Bailleul, en qualité de fils du couple, représente donc ses parents lors de cette transaction.

    L’analyse de ces différentes sources nous permet donc d’aboutir aux conclusions et précisions suivantes :

    - Même en l’absence d’acte de mariage le certifiant, nous sommes certains que François de Bailleul, seigneur de Croissanville a épousé Eléonore de La Moricière. L’arbre généalogique indique la date de 1619 mais il se peut que la retranscription soit mauvaise et qu’il faille plutôt lire "1629".

    - Eléonore de La Moricière est la fille du second mariage de Marguerite du Quesnel d’avec Jean de La Moricière, seigneur de Vicques lui-même issu du second mariage de Marguerite le Maire d’avec François de La Moricière, seigneur de Vicques daté du 16 août 1584. Elle a un oncle, Jacques de La Moricière que nous avons trouvé désigné "seigneur de Vicques", désignation qui nous semble logique s’il s’avérait être le dernier représentant mâle de la famille à la mort de son frère.

    - Nous avons trouvé François de Bailleul désigné "seigneur de Croissanville", "de Quatre-Favrils", "d’Airan", mais aussi "de Vicques". Contrairement à ce que nous croyions, il ne semble donc pas avoir reçu cette seigneurie en dot lors de son mariage et n’a donc pas vécu au château de Vicques sitôt après celui-ci. Il est donc probable que si nous l’avons trouvé par ailleurs désigné "seigneur de Vicques" (comme se sera le cas pour ses fils et petit-fils), c’est sans doute suite au décès de l’oncle de sa femme qui en serait devenue alors l’héritière. Il est dès lors fort possible qu’il n’ait même jamais habité au château de Vicques…

     - Lettre d’érection, arbre généalogique ainsi que le document relatif à la succession de la terre d’Avoise nous apprennent que François de Bailleul, seigneur de Croissanville et Quatre-Favrils est le fils d’Yves de Bailleul, seigneur d’Ambleville (à préciser, la seule certitude sur le nom étant : A???ville) et de Quatre-Favrils, chevalier de l’ordre du Roi, maréchal des logis de la compagnie des gens d’armes du Roi et gentilhomme de sa chambre. L’arbre généalogique nous indique, par ailleurs, que sa mère est Marguerite d’Harcourt, Dame de Croissanville, sans date du mariage d’avec Yves de Bailleul. On trouve effectivement un passage de la lettre d’érection qui cite les Harcourt comme faisant partie des familles illustres qui ont fait alliances avec les Bailleul.

    Mais nous n’en avons pas fini avec les documents qui mentionnent Francois de Bailleul. Je termine par deux séries de ceux-ci car ils sont à mon avis les plus importants tant par l’aspect officiel qui caractérise la première série, que part celui, disons, semi-officiel, et surtout l’abondance des informations que contient la deuxième. Il me faudra donc longuement commenter ces sources pour bien en saisir les enjeux qui sont multiples surtout pour la deuxième série !

    La première concerne la fameuse recherche de noblesse initiée par Louis XIV en 1666 dont le but était, entre autres, de débusquer les faux nobles afin de les assujettir à la taille, impôt dont les authentiques nobles étaient exemptés.

    La consultation du résultat de ces recherches de noblesse est une étape indispensable pour celui qui ambitionne de faire la généalogie d’une famille qu’il suppose d’origine aristocratique. Et c’était bien mon cas au tout début de mes recherches quant je possédais bien peu d’informations me permettant de certifier l’origine authentiquement noble des Bailleul.

    C’est pourquoi je fus atrocement déçu en ne découvrant aucune trace des Bailleul-Croissanville dans la recherche de noblesse de la généralité de Caen quand je consultais l’ouvrage aux archives départementales du Calvados il y a maintenant bien longtemps. Même déception en consultant la recherche dans la généralité d’Alençon si ce n’est la mention d’un Charles de Bailleul, trouvé noble au Renouard.

    Il faut savoir que les enquêteurs chargés de procéder à cette recherche de noblesse avaient organisé leurs investigations sur trois zones d’enquêtes pour la Normandie, les généralités de Rouen, d’Alençon et de Caen. J’avais privilégié au départ la recherche sur Caen croyant y trouver à coup sûr mentionné Jacques de Bailleul, seigneur de Croissanville et futur marquis, puisque Croissanville est proche de Caen et que je connaissais déjà le contenu de la lettre d’érection en marquisat qui ne laissait aucun doute au sujet de ses origines nobles. J’avais ensuite consulté Alençon puisque Bailleul de l’Orne dépend de sa généralité, au cas où… et délaissé Rouen puisque rien ne me laissait y supposer la présence des Bailleul qui nous concerne.

    Egalement aux archives du Calvados et au même moment, je trouvais dans un dictionnaire de la noblesse (dont je n’ai pas relevé le titre exact ni l’auteur, à l’époque je débutais…) : "Bailleul, seigneur de Bellengreville, de Cressanville et de Vantes, généralité d’Alençon, maintenu en sa noblesse le 30 avril 1666 : parti d’hermine et de gueules."

    Il y avait donc avec ce dernier document une contradiction initiale sur le fait de n’avoir rien trouvé dans la recherche d’Alençon mais également, depuis que je connais mieux l’articulation généalogique de la famille et telle que je l’ai démontré jusqu’ici, une autre contradiction dans l’existence d’un Bailleul qui aurait été à la fois seigneur de Bellengreville, Croissanville et de Vantes (seigneurie inconnue jusqu’alors). En effet, nous savons que si les Bailleul-Bellengreville et les Bailleul-Croissanville font bien partie de la même famille, aucun de ses membres n’a possédé les deux seigneuries en même temps puisque ce sont deux branches cousines ! A noter que nous trouvons dans bien des ouvrages sur la noblesse ces mêmes lignes de texte dont l’imprécision confine quasiment à l’erreur en faisant croire qu’un seul Bailleul, seigneur de Bellengreville, de Croissanville et de Vantes fut trouvé noble en 1666.

    Comment expliquer ce double mystère ? Heureusement j’ai pu trouver la réponse en deux temps grâce à Victor Des Diguères, un historien ou généalogiste bien renseigné sur l’histoire de la Basse-Normandie et de ses familles puisqu’il en était originaire.

    Tout d’abord dans "Vie de nos pères en Basse-Normandie", par V. Des Diguères, 1879, dans un chapitre consacré à Bailleul de l’Orne, nous trouvons une histoire des seigneurs de cette terre qui correspond en tout point ou presque à celle décrite par l’arbre généalogique des Bailleul. Qui plus est, l’auteur ne commet pas l’erreur de confondre ces Bailleul avec ceux du pays de Caux, comme bien des historiens et généalogistes le feront à son époque. Au début de son texte il indique :

    "Voici une famille dont l’ancienneté n’aurait point d’égale, s’il fallait en croire la tradition qui s’y est perpétuée presque jusqu’à nos jours. Six de ses membres, compris dans la recherche de 1666, y virent consigner cette tradition, qui les faisait descendre de Gilles de Bailleul, signalé dans un combat contre un breton, en l’an 700 de notre ère. C’étaient : Robert de Bailleul, sieur de Bailleul ; Gilles, Bénédict et François de Bailleul, sieur de Cressanville, à Quatre-Favrils ; Guillaume de Bailleul, sieur des Moutiers, et Charles de Bailleul, sieur des Ventes, aux Moutiers. Ils portaient : parti d’hermine et de gueules, timbré d’une gorgogne."

    Ainsi d’après l’auteur, François de Bailleul, sieur de Croissanville a bien été trouvé noble dans la recherche de 1666, à Quatre-Favrils, en compagnie de ce qui semble être deux de ses frères qui nous étaient inconnus jusqu’alors : Gilles et Bénédict (à moins qu’il s’agisse d’une fille pour cette dernière personne). Nous découvrons également un Guillaume de Bailleul, sieur des Moutiers (dans l’Orne) et retrouvons le Charles de Bailleul, sieur des Ventes qui était bien mentionné dans la recherche de la généralité d’Alençon que j’avais consulté à l’époque. Nous reviendrons plus tard sur le Robert de Bailleul cité dans ce passage.

    Voilà qui correspond plus à ce que nous pouvions attendre de cette recherche de noblesse mais qui ne résout pas pour autant nos mystères.

    La solution définitive se trouve sans aucun doute dans un deuxième ouvrage de Victor Des Diguères : "Sévigni ou une paroisse rurale en Normandie, suivie de la recherche de la noblesse en 1666 dans les élections d’Argentan et de Falaise", 1803.

    L’auteur s’attache en effet à nous donner à la fin de sa remarquable et très intéressante histoire de cette paroisse la liste détaillée du résultat de la recherche de noblesse effectuée en 1666 par l’intendant de Marle dans les élections d’Argentan et de Falaise uniquement, généralité d’Alençon, comprenant les catégories suivantes : les anciens nobles maintenus comme tels par de Marle ; les anoblis avec la date de leur anoblissement ; les renvoyés au conseil ; les condamnés ; ceux qui ont renoncé à la qualité ; les exempts de taille par leurs charges. A noter que l’auteur précise que "Quant à la qualification d’ancien noble, elle ne fut donnée qu’à bon escient, et sur titres parfaitement réguliers, constatant la possession de noblesse depuis un temps immémorial. Nous voyons, en effet, cette qualification refusée à des familles fort honorables et anoblies pendant le cours du XVe siècle, ce qui donne aux gentilshommes maintenus comme anciens nobles, une antiquité à peu près égale à celle de la recherche de Montfaut en 1462."

    Or nous trouvons dans la catégorie des anciens nobles :

    - Ch. de Bailleul, sieur des Ventes. Le Renouard.

    - François de Bailleul, sieur de Cressanville. Quatre-Favrils.

    - François de Bailleul, sieur de Bellengreville. Montreuil.

    - Charlotte de Bailleul, fille de Guillaume. Moutiers.

    Ce résultat plus complet et détaillé de la recherche de noblesse dans les élections d’Argentan et de Falaise permet de nous éclairer sur la double contradiction que je viens d’énoncer.

    En effet, si je n’avais rien trouvé concernant Jacques de Bailleul, seigneur de Croissanville ni sur son frère Yves, seigneur de Quatre-Favrils dans la recherche de la généralité de Caen, c’est tout simplement parce que leur père, François de Bailleul, toujours vivant en 1666, était par conséquent le chef de nom et d’armes de la famille Bailleul-Croissanville. En tant que tel, c’est donc à lui qu’a été dévolu de prouver la noblesse de cette branche de la famille, avec l’idée sous-jacente que si la preuve était faite pour lui alors toute sa descendance légitime était reconnue authentiquement noble de façon automatique. Or, comme nous le voyons dans la recherche de 1666, il résidait à Quatre-Favrils et fut donc trouvé noble dans la recherche de la généralité d’Alençon et non de Caen. Voilà donc la raison de l’échec de ma recherche dans cette dernière généralité.

    Alors pourquoi n’ai-je rien trouvé non plus lors de ma consultation de la recherche d’Alençon, hormis le Charles de Bailleul, sieur des Ventes au Renouard, comme il est indiqué ici ? La raison la plus probable est que l’ouvrage consulté à l’époque devait donner le résultat avec un classement par lieu et non par patronyme. J’avais donc logiquement trouvé le Charles de Bailleul au Renouard puisque je connaissais le lien des Bailleul avec cette paroisse. D’ailleurs, la retranscription que j’en avais faite à l’époque indique bien, d’abord le lieu puis le nom de la personne trouvée. Et il est tout aussi logique que je n’ai pas cherché à Quatre-Favrils, Montreuil ou Moutiers car rien ne me laissait douter que des Bailleul s’y trouvaient. Une fois de plus, nous voilà confronté au paradoxe fondateur de toute recherche généalogique qui veut que l’on connaisse le lieu de ce que l’on cherche pour trouver ce que justement nous cherchons !

    Bien embêté tout de même par cette explication a posteriori, j’ai fais quelques recherches sur le net il y a quelques jours et j’ai trouvé sur un site récent, "geneanormandie" (voir rubrique "liens"), toutes les différentes recherches de noblesse, disponibles en ligne, depuis celle dite de "Monfaut" de 1463 jusqu’à celle de "de Marle" de 1666. De cette dernière et pour l’élection d’Argentan, généralité d’Alençon, on découvre page 254 :

    "Robert de Bailleul, sieur de Bailleul; Gilles et Bénédict de Bailleul; François de Bailleul, sieur de Belangreville à Montreuil; François de Bailleul, sieur de Cressanville à Quatre-Favrils; Guillaume de Bailleul, sieur des Moutiers; Charles de Bailleul, sieur des Ventes aux Moutiers, portent parti d’hermine et de gueules timbré d’une gorgone. Ils se disent descendus de Gilles de Bailleul qui combattit un Breton en 700 (maintenus)."

    Première constatation, le résultat de cette recherche est publié par ordre alphabétique de patronymes et il ne faut pas longtemps, c’est à dire, dès les deux premières pages pour que nos "Bailleul" nous sautent aux yeux ! Nul doute alors que ce n'est certainement pas ce compte-rendu de la recherche d’Alençon que j’avais consulté à l’époque aux archives de Caen, ce qui ne fait que confirmer l’explication que je donne plus haut.

    Par ailleurs, on remarque que c’est quasiment le texte de Des Diguères tiré de "Vie de nos pères…" que j’ai donné au-dessus, à quelques variations près qu’on peu alors imputer à la distraction de l’auteur quand il l’a reproduit. En effet, il oubli carrément de mentionner François de Bailleul, sieur de Belangreville et accole Gilles et Bénédict à François de Bailleul, sieur de Cressanville, nous faisant croire que tous trois ont été trouvé à Quatre-Favrils. De plus, c’est bien une gorgone et non une "gorgogne" qui timbre le blason des Bailleul. On peut se demander pourquoi Des Diguères s‘est basé sur ce résultat de recherche de noblesse (mal reproduit qui plus est…) dans son texte alors qu’il a publié lui-même un compte-rendu de la recherche de 1666 qui est légèrement différent dans son ouvrage "Sévigni, une paroisse Normande"…

    Confronté à ce méli-mélo de résultats, on ne peut que conclure la chose suivante : contrairement à ce que je pensais au départ, il n’existe pas de document original incontestable de la recherche de 1666. Les ouvrages qui nous en donnent le résultat n’ont été publiés qu’au XIXe siècle à partir de sources variables. J’ai donc bien fait de parler "d’aspect officiel" pour introduire l’analyse de cette série de documents. Ceci est d’ailleurs confirmé par le site "geneanormandie" qui nous expose une étude très complète des sources, dont certaines ont été perdues, et de la manière dont ces recherches ont été publiées à partir de copies. Il convient donc d’être extrêmement critique face à tous résultats de recherche consultés.

    Voici une conclusion et une leçon que je n’avais pas prévue de tirer quand j’ai commencé à rédiger le présent passage et qui explique pourquoi je me suis un peu perdu dans ma démonstration depuis quelques paragraphes.

    J’y reviens donc maintenant : je n’ai rien trouvé lors de ma consultation d’un ouvrage aux archives de Caen car le classement du résultat y a été publié par lieu et non par patronymes et que, comme nous venons de le voir, il existe plusieurs publications différentes de ce résultat. La première contradiction dont je parle plus haut est donc levée.

    La deuxième est plus facile à expliquer tant elle est évidente à la lecture du résultat de la recherche détaillée publiée par V. Des Diguères et de celui que je viens de trouver sur "geneanormandie". En effet, nous voyons bien dans ces deux cas que nous avons affaire à plusieurs personnages différents localisés et trouvés nobles en plusieurs lieus différents et non pas une seule personne possédant toutes ces seigneuries comme indiqué dans le dictionnaire de la noblesse que je cite plus haut et comme on le retrouve dans quantités d’ouvrages mentionnant le résultat de la recherche de 1666. Le résultat du dictionnaire de la noblesse est donc à laisser de côté tant il est imprécis dans son résumé.

    Le résultat de la recherche donné par Des Diguères dans "Vie de nos pères…" étant la reproduction quasi identique (avec en plus quelques erreurs de retranscriptions) de celui trouvé sur "geneanormandie", nous l’excluons donc de notre analyse pour ne plus retenir que ce dernier et celui publié par Des Diguères dans "Sévigni, une paroisse Normande" afin de les confronter.

    Notons encore que celui publié sur le site "geneanormandie" est tiré de l’ouvrage "Annuaire de l’Orne historique, administratif, industriel et commercial", années 1865, 1866, 1867 sans que nous en connaissions les sources alors que Des Diguères indique que le résultat de la recherche qu’il publie provient d’un croisement de trois sources qu’il détaille ainsi : une copie paraissant dater des premières années du XVIIIe siècle, une copie ayant appartenue à l’abbaye de Silly, un registre conservé à la Bibliothèque Impériale. On retrouve bien là le problème lié aux sources de ces résultats de noblesse que j’évoque plus haut et qui s’avèrent être ainsi souvent des copies, privées qui plus est !

    La confrontation de ces deux résultats de recherches de noblesse nous donne donc par redondance :

    - François de Bailleul, sieur de Belangreville (ou Bellengreville), trouvé noble à Montreuil.

    - François de Bailleul, sieur de Cressanville, trouvé noble à Quatre-Favrils.

    - Charles de Bailleul, sieur des Ventes, trouvé noble au Renouard (d’après Des Diguères) et aux Moutiers (d’après l’Annuaire de l’Orne). Comme il est cité trouvé noble au Renouard dans le résultat de recherche classé par lieu que j’avais consulté aux archives de Caen, on peut considérer que c’est cette paroisse qui est la bonne.

    - Guillaume de Bailleul, sieur des Moutiers, trouvé noble aux Moutiers (d’après l’Annuaire de l’Orne) ou Charlotte de Bailleul, fille de Guillaume, trouvée noble aux Moutiers (d’après Des Diguères). Ici le lieu est le même ainsi que le nom du seigneur. Peut-être venait-il de décéder durant la recherche, ce qui expliquerait que l’on trouve sa fille citée dans un des résultats plutôt que lui-même…

    Restent Robert de Bailleul, sieur de Bailleul et Gilles et Bénédict de Bailleul que l’on trouve dans l’Annuaire de l’Orne pour l’élection d’Argentan et qui ne se trouvent pas dans le résultat de la recherche donné par Des Diguères alors même que celui-ci concerne bien les élections d’Argentan et de Falaise. Qu’en conclure ? On remarque qu’aucun lieu n’est précisé pour ces trois personnages ce qui veut dire qu’ils ont peut-être été trouvés nobles dans une autre élection que celle d’Argentan ou de Falaise et que le résultat de la recherche s’est permis de les regrouper avec les autres parce qu’ils font bien partie de la même famille des Bailleul. D’ailleurs, ce résultat nous donne en plus leurs armes ainsi que l’anecdote du combat de l’an 700 comme s’il regroupait un ensemble de données plus vaste que la stricte liste publiée par Des Diguères. Voyez donc comme ces résultats de recherches sont variables d’une source à l’autre ! Mais on pourrait tout aussi bien en conclure que ce résultat doit être lu ainsi : "Robert de Bailleul, sieur de Bailleul , et Gilles et Bénédict de Bailleul , et François de Bailleul, sieur de Belangreville, trouvés tous nobles à Montreuil. Cela reste une possibilité, pourtant contredite par l’absence de ces personnes dans la liste de Des Diguères.

    Ce qui nous occupait jusqu’ici était de regrouper les informations concernant François de Bailleul, seigneur de Croissanville. Nous l’avons bien trouvé noble en 1666 à Quatre-Favrils, quel que soit le résultat de recherche consulté. Mission accomplie, donc. Mais nous ne pouvons pas en rester là au sujet des autres personnages que ces recherches nous ont dévoilés, surtout pour ceux qui nous étaient inconnus jusqu’alors, sans essayer de leur trouver une place dans la généalogie de la famille.

    Pour cela nous allons mettre à l’épreuve une fois de plus l’arbre généalogique de la Maison de Bailleul et nous aider d’autres recherches de noblesse. En effet, celle de 1666 est la plus fameuse mais il en a existé bien d’autres auparavant dont nous avons pu trouver les résultats sur le site "geneanormandie". Pour la seule généralité de Caen, le site publie les résultats de pas moins de six recherches de noblesse supplémentaires en plus de celles de 1666 et de 1463 de Montfaut, soit huit en tout, qui ont eu lieu en 1634 (dite d’Aligre), 1624 (dite de Paris), 1598 (dite de Roissy ou de Mesmes, sieur de Roissy), 1576, 1540 (dite de Prudhomme), 1523 (dite des Elus).

    C’est celle dite "de Mesmes" de 1598 qui nous intéressera ici car j’en avais déjà trouvé le résultat dans l’ouvrage "Nobiliaire de Normandie : procès-verbaux des intendants et commissaires-départis, durant les grandes recherches juridiques de la noblesse de cette province…" de Gabriel O’Gilvy, Vol. 1, année 1864.

    Il faut nous arrêter un instant sur ce livre car il y a matière à en tirer, une fois de plus, la même leçon de prudence concernant tous ces "Nobiliaires", "traités de noblesse", etc. L’auteur, plein de bonnes intentions, nous annonce dans son avant-propos qu’il veut avec cette publication rendre hommage à la véritable noblesse et démasquer les usurpateurs, et que par la rigueur de ses recherches il ne s’est pas laisser aveuglé par certaines généalogies de complaisance. But louable et peut-être en partie atteint, sauf que plus loin dans son introduction, il nous informe qu’au sujet de la recherche de 1666 : "Je n’ai pu me procurer le manuscrit d’Alençon, mais j’y ai suppléé au moyen des divers armoriaux de l’époque indiquant les maintenus, les noms et les armes d’une manière précise". Il manque donc un bon tiers de la recherche de 1666 en Normandie, même si l’auteur "y a suppléé" ! Cela n’aura pas suffit car nous ne retrouverons aucuns de nos Bailleul dans son texte pour la recherche de 1666 !

    Heureusement O’Gilvy nous donne également le résultat de la recherche de Mesmes de 1598, que je n’avais trouvé nul part ailleurs avant sa publication sur le site "geneanormandie", ce qui fait tout de même de son ouvrage une source appréciable. Il se présente ainsi page 81 :

    "4 juin 1599 à Bayeux, de Mesmes : Gilles de Bailleul, sieur de Montvieil, fils Gilles, demeurant à Oumet, Serg. Jumel, El. de Falaise, a de fils Robert et François; Yves, sieur d’Aumeville, frère du dit Gilles, demeurant en la Vic. d’Argentan, a de fils Gilles; Jacques et Guillaume, frères, mineurs, neveux des susdit, et fils Louis, sieur de Beauvais, demeurant au dit Aumeville. Vû ses titres et Monfaut, ancienne noblesse jouiront."

    Celui publié sur le site "geneanormandie" se présente sous forme de scans d’un document qui est présenté comme étant une copie de l’original de la recherche qui lui, a été perdu, document provenant originellement de la collection de l’abbé De La Rue et appartenant maintenant à la collection Mancel. Sa retranscription donne pour les pages 228 et 229 :

    "Coutances, du vendredi 4 juin 1599 : Gilles de Bailleul sieur de Montreuil fils Gilles demeurant à Ammeville, Sergenterie de Jumel, Election de Falaise, a de fils Robert et François, Jean, seigneur d’Ammeville, frère du dit Gilles, demeurant à Quatre-Favries, vicomté d’Argentan a de fils Gilles, Jacques et Guillaume, frères mineurs neveux des susdit et fils Louis, seigneur de Beauvais, demeurant au dit Ammeville. Vu leurs titres et Monfauq ancienne noblesse jouiront."

    Je défie quiconque, n’ayant pas une connaissance de la généalogie de la famille à cette période ou ne s’aidant pas de l’arbre généalogique, de comprendre précisément quelle est la place de chacun à travers ces quelques lignes ! Avant d’en donner notre interprétation, voici nos choix concernant les quelques différences que nous trouvons dans ces deux textes :

    - Gilles de Bailleul est bien seigneur de Montreuil et non de Montvieil. C’est ce que nous trouvons dans l’arbre généalogique et dans d’autres sources.

    - Son fils Gilles demeure à Ammeville et non à Oumet de même pour Louis et pas à Aumeville. Ce serait donc bien Ammeville qu’il faut lire au lieu de Aumeville à chaque fois que ce dernier nom est cité. En effet il existe bien un Ammeville au nord-est de Falaise.

    - Yves, seigneur d’Aumeville, est appelé Jean, seigneur d’Ammeville dans le second résultat. Soit "Jean" est une mauvaise retranscription de "Yves", soit c’est son deuxième prénom mais c’est bien la même personne dans les deux résultats, c’est à dire : Yves de Bailleul, seigneur d’Ammeville (et par ailleurs de Quatre-Favrils), demeurant donc à Quatre-Favrils, vicomté d’Argentan.

    - Gilles, Jacques et Guillaume sont bien les trois fils d’Yves malgré la ponctuation différente du passage qui les concerne dans les deux résultats.

    Nous voyons donc là encore les variations qu’il peut exister entre deux publications du résultat de la même recherche et les erreurs d’interprétation qui peuvent en dépendre.

    A l’aide de l’arbre généalogique, le résultat de la recherche de Mesmes de 1598-1599, s’interprète donc ainsi :

    - Gilles I de Bailleul, seigneur de Montreuil a trois fils : Gilles II, (par ailleurs, seigneur de Montreuil), Yves (ou Jean), seigneur d’Ammeville (et par ailleurs de Quatre-favrils), et Louis, seigneur de Beauvais.

    - Son fils, Gilles II de Bailleul, seigneur de Montreuil, demeure à Ammeville et a deux fils : Robert et François.

    - Son fils, Yves (ou Jean), seigneur d’Ammeville et de Quatre-Favrils, demeure à Quatre-Favrils et a trois fils : Gilles, Jacques, et Guillaume.

    - Son fils, Louis de Bailleul, seigneur de Beauvais, demeure à Ammeville.

    L’arbre généalogique est donc la clef pour comprendre le résultat de la recherche de 1598 et en même temps les informations qu’il contient sont aussi confirmées par la recherche. Cette double confirmation mutuelle se retrouve dans la situation généalogique plus détaillée que décrit l’arbre qui nous indique que :

    - Gilles de Bailleul, chevalier de l’ordre du Roi, gouverneur de la ville et citadelle de Rouen, seigneur de Beauvais, de …???, de Montreuil, épouse Charlotte de Larré, dame de Quatre-Favrils en l’an 1542. C’est donc le Gilles I, seigneur de Montreuil, trouvé noble dans la recherche de Mesmes de 1598.

    Il a trois fils qui donnent naissance à trois branches des Bailleul; les Bailleul-Montreuil, les Bailleul-Beauvais, et les Bailleul-Quatre-Favrils. Ses trois fils sont :

    - Gilles de Bailleul, seigneur de Montreuil qui épouse Magdeleine d’Harcourt, dame de Bailleul, de Franqueville et de Bellangreville. L’arbre nous indique deux fils pour ce couple : Robert de Bailleul, seigneur de Bailleul et François de Bailleul, seigneur de Bellangreville. C’est exactement la situation décrite par la recherche de 1598, même s’il montre également une case vide en guise de troisième enfant.

    - Louis de Bailleul, seigneur de Beauvais qui épouse Magdeleine Royer en 1570. L’arbre identifie un fils, Jacques de Bailleul, seigneur de Beauvais et montre une case vide pour le deuxième enfant. On retrouve donc bien le "Louis" de la recherche de 1598 mais pas ses enfants.

    - Yves de Bailleul, seigneur de ???ville et autres terres (assurément "Quatre-Favrils"), épouse Marguerite d’Harcourt, dame de Croissanville. L’arbre n’indique qu’un fils : François de Bailleul, seigneur de Croissanville et de Quatre-Favrils. Si on se réfère au résultat de la recherche de 1598, on retrouve bien Yves (ou Jean), décrit comme seigneur d’Ammeville mais qui a alors trois fils, Gilles, Jacques et Guillaume et pas de "François". Il y a donc ici deux informations contradictoires sur sa descendance. L’explication est en fait fort simple : nous venons de voir que Yves se trouve prénommé "Jean" dans un des résultats de la recherche de 1598. C’est ce qui arrive ici à notre "François" qui se trouve prénommé "Jacques" (sans doute son deuxième prénom) dans les deux résultats de recherche. Pour continuer dans le sens de cette explication, il faut savoir que Jacques, son fils, qui deviendra le 1er marquis de Croissanville et que nous avons, dans tous les documents, trouvé prénommé uniquement ainsi, est prénommé "Jacques François Yves" dans le document de dispense de mariage de sa fille de 1688. Il en est de même pour son autre fils, Yves, que nous avons trouvé prénommé "Yves Jacques" uniquement dans le document de dispense de mariage de son fils de 1710. Voilà pour ce problème de prénom. Par contre quant est-il pour Gilles et Guillaume, absents dans l’arbre généalogique ? Nous savons déjà que l’arbre "oublie" ou ne donne pas le nom des filles et que cette règle s’applique aussi pour les enfants mâles morts prématurément. Nous allons découvrir qu’elle s’applique également dans le cas d’enfants mâles n’ayant eu qu’une descendance féminine. Gilles et Guillaume, n’ayant sans doute pas eu de descendance perpétuant le nom des Bailleul, n’apparaissent donc pas dans l’arbre.

    Ainsi nous avons donc bien la même séquence généalogique sur trois générations entre ce que nous décrit l’arbre et la recherche de 1598 (ce qui ne fait que confirmer, une fois de plus, la véracité des informations contenues dans l’arbre), mais nous savons maintenant grâce à cette dernière que François (ou Jacques) de Bailleul, seigneur de Croissanville avait deux frères, Gilles et Guillaume.

    A la lumière de cette étude comparative de l’arbre et de la recherche de 1598, revenons alors à ce que nous apprenait le résultat de la recherche de 1666 et complétons-le :

    - François de Bailleul, seigneur de Bellangreville, trouvé noble à Montreuil en 1666 est donc le fils de Gilles de Bailleul, seigneur de Montreuil. Nous l’avions déjà trouvé dans les registres paroissiaux comme parrain de François de Bailleul (le futur lieutenant de vaisseaux du Roi) en 1670 à Quatre-Favrils et comme le père (défunt) de Gilles de Bailleul, seigneur d’Ammeville et de Franqueville lors du mariage de ce dernier en 1688 avec la fille de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville.

    - François de Bailleul, seigneur de Croissanville, trouvé noble à Quatre-Favrils en 1666 est donc le fils d’Yves de Bailleul, seigneur de Quatre-Favrils et d’Ammeville. Il a deux frères, Gilles et Guillaume.

    - Guillaume de Bailleul, seigneur des Moutiers (ou sa fille Charlotte), trouvé noble aux Moutiers en 1666 est donc le frère de François, seigneur de Croissanville et fils d’Yves. Son absence de l’arbre s’explique alors s’il n’a eu que Charlotte comme enfant.

    - Robert de Bailleul, seigneur de Bailleul qui figure dans le résultat de l’Annuaire de l’Orne mais pas dans celui de Des Diguères serait alors le frère de François, seigneur de Bellangreville et donc fils de Gilles, seigneur de Montreuil.

    - Gilles et Bénédict, cités dans le résultat de l’Annuaire de l’Orne, ne trouvent aucune place dans cette analyse. En reproduisant mal ce résultat dans "Vie de nos pères", Des Diguères m’avait laisser croire que Gilles, Bénédict et François de Bailleul, seigneur de Croissanville, avaient été trouvés nobles à Quatre-Favrils et qu’ils étaient donc tous frères, ce qui aurait correspondu au résultat de la recherche de 1598, "Bénédict" et "Guillaume" pouvant être dans ce cas la même personne. Nous savons maintenant que le résultat de la recherche de 1666 n’est pas rédigé ainsi puisqu’il place Gilles et Bénédict avant François, seigneur de Bellangreville. Mais alors, le rapport de parenté entre Gilles, Bénédict et François, seigneur de Croissanville n’existe plus. Ce qui correspond d’ailleurs au résultat de la recherche que Des Diguères publie dans "Sévigni, une paroisse Normande" où ces deux personnages n’apparaissent pas. Je suis donc bien incapable de me prononcer sur eux.

    Il reste donc à expliquer la présence de Charles de Bailleul, seigneurs des Ventes, trouvé noble au Renouard en 1666, portant les mêmes armes que nos Bailleul d’après le résultat de l’Annuaire de l’Orne et pourtant absent dans la généalogie que décrit l’arbre de la famille et dont la recherche de 1598 ne donne aucune trace. Nous savons par plusieurs sources que la branche des Bailleul-Renouard s’est éteinte après le mariage en 1582 de Françoise de Bailleul, dame du Renouard, dernière héritière, avec Gilles de Souvré. La présence de ce personnage au Renouard semble donc incongrue ! La seule explication que j’ai trouvée provient de l’arbre généalogique. En effet, comme je l’ai décrit dans ma présentation de ce document, celui-ci contient également des petits textes explicatifs pour certains événements. Dans uns de ceux-ci on trouve :

    "Le dit Jean de Bailleul, seigneur du Renouard n’eut d’enfants légitimes que Madame de Souvré mais il eut un fils bastard auquel Madame de Souvré donna une petite ferme en roture sise en la paroisse de Lortis et obtint pour luy des lettres d’anoblissement (…?) le bastard a laissé de la postérité dont est issu en ligne directe ??? de Bailleul, seigneur des Ventes capitaine d’infanterie qui eut plusieurs enfants et lequel lors de la recherche des nobles de la province de Normandie (…?) par Monsieur de Marle intendant commissaire pour la dite recherche et lequel seigneur des Ventes possède encore la dite ferme."

    Lors de nos recherches dans les registres paroissiaux, la personne qui m’a secondé dans cette tâche a bien fait d’insister sur Le Renouard que j’avais délaissé puisque je savais la branche éteinte. On trouve en effet pour cette paroisse plusieurs actes citant des Bailleul sur une période de 1623 à 1698. En particulier, le baptême d’un Charles de Bailleul du 13 juin 1628, fils de Louis de Bailleul, seigneur de la Moissonnière et de Magdeleine de Malnome (ou Malvone). Ce Charles est sans doute celui trouvé seigneur des Ventes lors de la recherche de 1666. On trouve également le mariage de son père, Louis de Bailleul, seigneur de la Moissonnière en 1624 où il est indiqué qu’il est le fils d’un Anthoine de Bailleul. C’est peut-être cet Anthoine qui serait le bâtard dont parle le texte de l’arbre généalogique. A noter que la Moissonnière et les Ventes sont deux petits hameaux se trouvant encore autour du Renouard. On peut également relever que si Anthoine, ou son fils Louis, fut anobli par l’entremise de Françoise de Bailleul, femme de l’influent Gilles de Souvré, ceci n’a put se faire que fin du XVIe siècle ou début du XVIIe. Pourtant Charles de Bailleul, seigneur des Ventes est classé dans les anciens nobles lors de la recherche de 1666 alors qu’il aurait du l’être dans les anoblis récents.

    L’étude complète des différentes recherches de noblesse nous a donc permis d’y trouver cité à plusieurs reprises François de Bailleul, seigneur de Croissanville, ce qui était le but initial de mon récit à cet instant. Mais ce qui ne devait être qu’une formalité à malheureusement dérivée en cette très longue digression sur la problématique des résultats de recherche de noblesse. Malgré tout, cela nous a permis d’identifier tous les personnages cités dans la recherche de 1666 (hormis Gilles et Bénédict) et de découvrir deux frères de François, Gilles et Guillaume, ainsi qu’une nièce, Charlotte, et de trouver l’explication de la présence de ce Charles de Bailleul, seigneur des Ventes. On peut noter également que confrontés ensembles, arbre, recherches de 1598 et de 1666, et même registres paroissiaux nous donnent un ensemble généalogique cohérent où chacun trouve finalement sa place.

    Tous, sauf Louis de Bailleul, seigneur de Beauvais ! En effet, ce dernier est cité dans la recherche de 1598 de Mesmes alors que la lettre d’érection en marquisat nous apprenait qu’il était décédé en 1587 lors de la bataille de Coutras. J’ai déjà démontré plus haut que le rédacteur de la lettre d’érection s’était trompé en faisant de Louis, seigneur de Beauvais, le grand-père d’Yves, seigneur de Quatre-Favrils, alors qu’il était son frère. Et c’est bien ce que nous prouve le résultat de la recherche de 1598 qui l’identifie comme frère de Gilles, seigneur de Montreuil et d’Yves, seigneur de Quatre-Favril (et d’Ammeville). Comment expliquer alors sa présence lors de la recherche de 1598 alors qu’il est censé être décédé depuis 1587 ? Ce dernier fait ne peut être remis en cause, je crois, car j’ai trouvé deux extraits de textes (non datés malheureusement) qui valideraient cette mort violente. Les voici :

    - "Arrêt déclarant comprises au nombres des faits de guerre, à la requête de Madeleine Le Royer, veuve de Louis de Bailleul, sieur de Beauvais, la levée de la somme de 2 000 écus fait par le défunt sur les fermiers du huitième ainsi que les autres levées effectuées sur l’ordre…" On voit ici que sa veuve voulait sans doute rétablir la mémoire de feu son mari au sujet de faits de guerre contestés. S’il est bien décédé lors de la bataille de Coutras, ces ennuis s’expliquent alors puisqu’il est mort du côté des vaincus, les catholiques, alors que le vainqueur de la bataille, Henri de Navarre deviendra plus tard Roi de France.

    - "…seigneur de Montreuil, oncle et curateur des enfants mineurs de Louis de Bailleul, sieur de Beauvais…" Ici, l’oncle seigneur de Montreuil ne peut être que Gilles de Bailleul, frère de Louis. Si Louis, marié en 1570 avec Madeleine Le Royer (d’après l’arbre généalogique) est décédé alors que ses enfants sont mineurs, cela valide bien l’hypothèse d’une mort prématurée lors de la bataille de Coutras de 1587. Il est peu probable en effet que s’il était décédé après 1598, ses enfants soient mineurs à cette période.

    Louis de Bailleul, seigneur de Beauvais est mentionné lors de la recherche de Mesmes de 1598 alors qu’il serait bien mort dix ans plus tôt. Cela veut donc dire, à mon avis, que cette recherche, au contraire de celle de 1666, ne donne pas qu’un résultat instantané concernant des personnes existantes à ce moment mais une vision plus large de la situation généalogique des familles pouvant alors comprendre des personnes décédées. C’est la seule explication logique à la présence étonnante de Louis de Bailleul lors de cette recherche…

    J’en ai donc terminé avec ce que j’appelai la première série de documents "d’aspect officiel" (les recherches de noblesse) contenant des informations sur François de Bailleul et vais maintenant aborder la seconde.

    Cette seconde série, que j’ai désigné plus haut comme "semi-officielle", est la plus compliqué à introduire car elle met en jeu trois documents qui donnent un résultat quasi similaire. Il conviendra donc d’étudier d’abord attentivement leurs sources et les liens qui pourraient les unir. Mais un autre problème se pose à moi d’emblée, qui est que pour deux d’entre eux, ils sont liés à coup sûr à la problématique des Bailleul du pays de Caux que j’ai prévu de développer ailleurs dans un chapitre à part entière. Je suis donc contraint de faire le choix contestable de les introduire succinctement ici afin de ne pas trop perdre le fil de mon présent récit qui concerne uniquement les documents citant François de Bailleul, seigneur de Croissanville, et de reléguer à plus tard, et ailleurs, leur analyse détaillée dans le chapitre idoine.

    Néanmoins, de part leur importance, je ne peux pas passer sous silence l’enjeu qu’ils représentent dans le cadre de ces recherches généalogiques. En effet, les trois décrivent la généalogie de nos Bailleul depuis le milieu du XIIIe siècle jusqu’à la génération à laquelle appartient François de Bailleul, seigneur de Croissanville que nous étudions ici, soit jusqu’à la fin du XVIe siècle/début XVIIe. Ils permettent donc de faire le relais en tant que sources capitales puisque les registres paroissiaux s’épuisent justement à partir de la génération de François de Bailleul au début du XVIIe siècle.

    Les voici donc dans l’ordre dans lequel ils ont été portés à ma connaissance.

    Le premier est "Prosopographie des gens du Parlement de Paris" de Michel Popoff, 1996. J’ai consulté cet ouvrage à la bibliothèque Sainte Geneviève à Paris au début de cette année car les quelques extraits qui apparaissaient depuis peu en ligne contenaient des informations inédites sur les Bailleul. On trouve ainsi exposées toutes les branches des Bailleul avec les liens qui les unissent depuis l’an 1260 jusqu’au mariage de François de Bailleul avec Eléonore de La Moricière. Nous devons donc tout de suite nous interroger sur le pourquoi d’une telle somme d’informations sur les Bailleul ainsi que sur leur fiabilité.

    Or, l’auteur Michel Popoff, est très avare en indications annexes et n’effectue aucun travail critique sur ce qu’il expose dans son ouvrage. Il s’attache juste à retranscrire la généalogie des parlementaires de Paris à partir d’une source qu’il décrit ainsi dans sa très courte introduction : "Tiré de quatre manuscrits anonymes, propriété au XIXe siècle du Collège Héraldique et Historique de France, cabinet généalogique privé dont la bibliothèque a été dispersée et mise aux enchères le 20 mars 1866, acquise ensuite par la Bibliothèque Nationale de France. Chaque volume fait 930 pages. Documentation réunie entre 1740 et 1770."

    Mais les Bailleul qui sont l’objet de mes présentes recherches n’ont jamais été parlementaires à Paris ! En effet dans son ouvrage, c’est l’exposé de la généalogie des Bailleul de Caux, dont plusieurs membres de la famille ont effectivement appartenu au parlement de Paris, qui est à l’origine de cette description de l’ensemble des différentes branches des Bailleul (où les nôtres apparaissent bien), et dont la motivation était de montrer que leur branche était liée à la plus ancienne souche des Bailleul. D’ailleurs, le chapitre consacré à Bailleul en tant que nom de membre du parlement de Paris commence ainsi dans "Prosopographie…", page 23 : "Bailleul. Parti d’hermines et de gueules, par usurpation des armes de l’ancienne maison de Bailleul. Nicolas de Bailleul, baron de Chasteaugontier, seigneur de Vattetot-sur-Mer, de Soisy-sur-Seine, d’Estiolles et du Tremblay, fut élevé par la reine régente, mère de Louis XIV…"

    S’ensuit alors une description en quelques lignes de la vie et de la carrière de Nicolas de Bailleul, premier membre de la famille des Bailleul de Caux, à faire partie du parlement de Paris, et qui s’achève par un cours résumé de sa généalogie qui indique qu’il était "petit-fils de Pierre de Bailleul, d’Angerville en Caux, anobli en février 1502 par lettres expédiées en la Chambre des Comptes de Paris le 27 novembre suivant." Il faut noter que ces remarques critiques concernant les origines de Nicolas de Bailleul et son usurpation d’armes ne sont pas de la main de Michel Popoff mais qu’il les a retranscrit telles quelles à partir de sa source qui les contenaient déjà. Cette contradiction entre les origines réelles des Bailleul de Caux et la description des différentes branches des Bailleul qui suit juste après et auxquelles ils ont tenté de se rattacher était donc déjà bien connue de certains généalogistes de l’époque.

    Commence, alors, dans "Prosopographie…" la description des onze branches des Bailleul. La première, celle d’origine, est présentée ainsi : "Première branche contenant les seigneurs de Bailleul, du Renouart, de Messey et de Gorron, depuis l’an 1260 jusqu’en l’année 1510 : Gilles de Bailleul, chevalier, seigneur de Bailleul et du Renouart, vivoit aux tems des rois Saint-Louis et Philippe le Hardy, et est le premier de cette maison dont est fait mention par les titres. Le nom de sa femme est ignoré mais non celui de ses trois fils mentionnés ci dessous."

    Suit alors la description de toutes les péripéties généalogiques de cette branche, sur lesquelles nous reviendront en son temps, pour aboutir à la deuxième branche des Bailleul introduite ainsi : "Deuxième branche, et à présent aisnée, contenant les seigneurs de Beauvais, d’Anville et de Cressenville, depuis l’an 1455 jusqu’à présent 1646."

    Nous reconnaissons tout de suite dans l’intitulé des seigneuries de cette branche celles que possèdent les Bailleul qui nous concernent. Suit également l’histoire généalogique de cette branche, sur laquelle nous reviendrons aussi, pour aboutir à la description suivante : "Yves de Bailleul, seigneur d’Anville et de Quatrefaveris, épousa Marguerite d’Harcourt, fille puisnée de Jacques d’Harcourt, seigneur de Franqueville et de Magdelaine d’Assé, duquel mariage est issu Jacques de Bailleul, seigneur de Cressenville, marié avec Louise de La Moricière.". Nous retrouvons donc bien notre François de Bailleul, seigneur de Croissanville, époux d’Eléonore de La Moricière, même s’il est prénommé ici, une fois de plus, "Jacques", comme nous l’avons déjà trouvé dans la recherche de noblesse de 1598, et même si sa femme est prénommée ici "Louise", sans doute un deuxième prénom comme pour son mari.

    On aurait donc, grâce à "Prosopographie…", une description de la généalogie de nos Bailleul depuis François de Bailleul, seigneur de Croissanville et qui remonterait jusqu’à Gilles de Bailleul, seigneur de Bailleul et du Renouard en 1260. Ce document deviendrait alors lui aussi une source d’informations capitales pour mes recherches, au même titre que la lettre d’érection, les retranscriptions des archives départementale de la série E, la mise en ligne des archives paroissiales et les recherches de noblesse. D’autant que pour toutes ces sources, les informations contenues s’arrêtent ou vont peu au-delà de la génération de François de Bailleul. "Prosopographie…" serait donc un parfait relais dans notre remontée généalogique à partir d’une période dont les sources s’épuisent jusqu’à la remontée vers les Bailleul des origines.

    Il faut donc d’abord nous assurer que ce que contient "Prosopographie…" soit fiable. Et pour cela il nous faut comprendre pourquoi et comment la généalogie des Bailleul de Caux qui y est décrite est entremêlée à celle de nos Bailleul. Par conséquent, je suis obligé d’évoquer ici succinctement deux autres textes qui seront à la base de ma démonstration à venir dans le chapitre consacré à l’étude de la généalogie falsifiée des Bailleul de Caux.

    Il s’agit tout d’abord de "Généalogie de l’Illustre Maison de Bailleul", établie par Pierre d’Hozier en 1639 sur commande de Nicolas de Bailleul, premier membre des Bailleul de Caux à faire partie du Parlement de Paris. Ce document, qui tente de prouver la filiation des Bailleul de Caux avec les branches plus anciennes des autres Bailleul, est conservé aux Archives Nationales. Mais je n’ai pas eu besoin de le consulter car le document suivant m’exonère d’une telle tache !

    Il s’agit de "Construction généalogique et développement de l’Etat moderne : la généalogie des Bailleul", un texte de Christian Maurel publié dans Annales, année 1991, volume 46, n°4, pages 807 à 825 et qui est consultable en ligne sur le site de Persée, portail de revues scientifiques en Sciences Humaines. L’auteur de ce texte, chercheur en Histoire et éminent médiéviste, s’attache justement à y analyser dans le détail et à démontrer pourquoi et comment "Généalogie de l’Illustre Maison de Bailleul" de d’Hozier n’est qu’une falsification de la réelle généalogie des Bailleul de Caux. J’exposerais donc sa démonstration complète dans le chapitre consacré à ces derniers mais il me suffit juste d’indiquer ici que Christian Maurel nous informe ailleurs dans son texte que François Blanchard a publié un livre en 1647, "Présidents au Mortier du Parlement de Paris" qui reprend in extenso les informations contenues dans "Généalogie de l’Illustre Maison de Bailleul" de d’Hozier.

    Or, "Présidents au Mortier du Parlement de Paris" de Blanchard est consultable et téléchargeable en ligne depuis peu. C’est le deuxième document de la série de trois dont je parle plus haut. Sa lecture ne laisse aucun doute : ce qu’il contient sur les Bailleul de Caux et les autres branches des Bailleul, est quasi identique (hormis les quelques remarques critiques que j’ai déjà évoqué) à ce que l’on trouve dans "Prosopographie…" de Popoff ! Par conséquent, comme d’après Christain Maurel, "Présidents au Mortier…" de Blanchard est identique à "Généalogie de l’Illustre Maison de Bailleul" de d’Hozier et que nous venons de voir que "Prosopographie…" de Popoff correspond en tout point à "Présidents au Mortier…" de Blanchard, on ne peut que conclure que "Prosopographie…" de Popoff reprend les mêmes informations contenues dans "Généalogie de l’Illustre Maison de Bailleul" de d’Hozier en ce qui concerne la description des branches des Bailleul.

    Pas besoin donc de consulter ce dernier pour savoir ce qu’il contient, et je n’ai pas vocation ici à me substituer à Christian Maurel, qui fait autorité, pour en faire la critique (qui sera détaillée ailleurs). De plus, nous pouvons affirmer alors que les informations contenues dans "Prosopographie…" ont pour origine les sources que possédait d’Hozier quand il a établi sa généalogie des différentes branches de Bailleul.

    Je peux dès lors tenter la conclusion suivante : d’Hozier, pour satisfaire la demande de son commanditaire, Nicolas de Bailleul, avait à sa disposition les informations généalogiques sans doute authentiques sur deux ou trois générations fournies par ce dernier. Et sans doute également une base d’informations considérables sur les autres branches de Bailleul. La falsification n’a consisté, de sa part, qu’à lier entre elles artificiellement ces deux sources par l’invention d’un ancêtre fictif (comme nous le verrons dans la démonstration de Christian Maurel). On peut donc supposer que les informations sur les branches de Bailleul peuvent être qualifiées d’authentiques puisque d’Hozier deviendra généalogiste officiel du Roi en 1641 et devait donc posséder des sources généalogiques inédites et importantes de par sa fonction. L’ironie de l’histoire est donc que les Bailleul de Caux, en faisant établir par d’Hozier en 1639 leur généalogie arrangée pour la raccorder aux plus anciennes branches des autres Bailleul, me permettent aujourd’hui de prendre connaissance d’informations capitales concernant nos Bailleul qui, eux, en sont bien issus !

    "Prosopographie…", reprenant les recherches de d’Hozier, peut donc être qualifié de document assez fiable. C’est pourquoi je l’ai décrit plus haut comme un document "semi-officiel". Il me semble que ma démonstration est suffisante pour en faire un des documents les plus importants sur lequel il sera nécessaire de revenir dans ma remontée généalogique.

    Le second document de la série "semi-officielle" que je devais introduire est "Présidents au Mortier du Parlement de Paris" de Blanchard. Mais comme je viens de l’expliquer, ce qu’il contient est exactement identique à "Prosopographie…" et il n’a servi alors qu’à démontrer que ce que décrivait ce dernier provenait de la généalogie des Bailleul de Caux établie par d’Hozier. Nous ne reviendrons donc plus dans le détail sur lui ici.

    Le troisième document est "Histoire généalogique de la Maison de Harcourt" par Gilles-André de La Roque, tome 2, 1662. Disponible en ligne depuis quelques mois, il est très différent de "Prosopographie…" dans sa présentation puisqu’il ne regroupe pas les informations sur les Bailleul comme ce dernier. Elles sont au contraire disséminées dans l’ouvrage qui fait plus de 1 000 pages ! Heureusement il existe un index qui permet de les trouver plus rapidement mais il m’apparaît nécessaire de les regrouper d’abord dans une base de données pour pouvoir les utiliser plus aisément.

    En effet, le but de l’ouvrage de La Roque est avant tout de décrire la généalogie des Harcourt, ceux-ci sont donc classés et présentés dans des chapitres en fonction des différentes branches de cette famille. Mais l’auteur, pour notre plus grande satisfaction, s’attache également à présenter le maximum d’informations sur les familles liées aux Harcourt, comme c’est le cas pour nos Bailleul. Malheureusement, il le fait dans le style et la présentation de l’époque (1662 !). C’est donc très confus, avec des phrases interminables, une absence de retour à la ligne ou de paragraphe, et surtout, dans le cas des Bailleul, une abondance d’informations qui ne fait pas le tri entre des branches qui n’ont peut-être aucun rapport entre elles.

    Néanmoins, on retrouve la même séquence généalogique sur les Bailleul que celle décrite dans "Prosopographie…", c’est à dire de Gilles de Bailleul au XIIIe siècle jusqu’à François de Bailleul, seigneur de Croissanville et même une génération après. En plus, on découvre un certain nombre d’informations supplémentaires, quelque fois inédites, et parfois surprenantes ou contradictoires sur nos Bailleul.

    "Histoire généalogique de la Maison de Harcourt" de La Roque est donc au même titre que "Prosopographie…", un document essentiel dans notre remontée généalogique vers les Bailleul des origines. Encore faut-il s’interroger sur sa fiabilité également.

    Le fait qu’il ait été rédigé en 1662, donc après "Généalogie de l’Illustre Maison de Bailleul" par d’Hozier qui date de 1639 (mais qui ne fut pas diffusé) et après "Présidents au Mortier du Parlement de Paris" de Blanchard qui date de 1647 (et qui lui, fut imprimé et reprend la description de d’Hozier), nous laisse à penser que La Roque s’est basé sur les informations contenues dans ce dernier pour établir sa séquence généalogique du XIIIe au XVIIe siècle sur les Bailleul. Ses sources proviendraient donc là encore, à l’origine, des archives de d’Hozier concernant cette séquence et on peut donc normalement s’y fier.

    Mais l’ouvrage de La Roque possède beaucoup plus d’informations sur nos Bailleul que tous les autres livres que je viens de citer. Elles ont pour sources des chartes, montres, et autres documents notariés. L’auteur s’est donc appuyé aussi sur une base plus large, différente. De plus, il indique dans un passage qui introduit la séquence généalogique sur les Bailleul : "Jacques de Bailleul, seigneur de Bailleul ayant dressé sa filiation, la commence à Gilles de Bailleul, seigneur de Bailleul et du Renouart…" Ce Jacques dont il est question ne peut être que Jacques de Harcourt, seigneur de Bailleul qui aurait alors commandité des recherches sur les Bailleul, peut-être à l’occasion du mariage de ses filles avec les deux frères, Gilles de Bailleul, seigneur de Montreuil, et Yves de Bailleul, seigneur des Quatre-Favrils. Dans ce cas, ces recherches auraient été faites aux alentours de 1580, date de ces mariages. Elles seraient donc bien antérieures aux résultats des recherches de d’Hozier de 1639. On peut alors émettre l’hypothèse que d’Hozier s’en serait servi pour établir sa séquence généalogique sur les Bailleul.

    La Roque, dans l’exposition de la séquence généalogique sur les Bailleul, a-t-il puisé dans Blanchard (qui émane de d’Hozier) ou se base-t-il sur les recherches initiées par Jacques d’Harcourt, antérieures et donc à l’origine possible des résultats de d’Hozier ? Nous ne pouvons y répondre mais la question demeure quant à ce qui a motivé au départ une telle accumulation d’informations sur les Bailleul…

    Revenons ici à ce que "Histoire généalogique de la Maison de Harcourt" de La Roque nous apprend sur François de Bailleul, seigneur de Croissanville. On y lit page 1407 qu’est issu du mariage d’Yves de Bailleul avec Marguerite d’Harcourt : "François de Bailleul (aucuns l’appellent Jacques), seigneur de Cressanville marié à Coüillibeuf le 1. Mars 1629 avec Louise-Alienor de la Morissiere pere & mere de deux fils seigneurs de Cressanville & des Quatre-Faveries : ce dernier aiant des enfants de N. Colin sa femme". On a donc bien là encore la confirmation que François se faisait aussi appeler Jacques mais on connaît maintenant le lieu et la date précise de son mariage avec Eléonore de La Moricière : le 1er mars 1629 à Couliboeuf, village qui jouxte Vicques. On retrouve également leurs deux fils : Jacques, seigneur (et futur 1er marquis) de Croissanville et Yves, seigneur des Quatre-Favrils avec la petite erreur que ce n’est pas ce dernier qui a épousé Jeanne Colin mais bien son frère Jacques.

    Ainsi, pour en finir avec François de Bailleul, seigneur de Croissanville et de Quatre-Favrils, nous avons appris ou eu la confirmation, grâce à ces deux séries de documents que sont, d’une part, les différentes recherches de noblesse, et d’autre part, "Prosopographie…" et "Histoire généalogique de la Maison de Harcourt" que :

    - François (alias Jacques) de Bailleul est bien le fils d’Yves de Bailleul, seigneur des Quatre-Favrils et de Marguerite de Harcourt, dame de Croissanville.

    - Il avait deux frères, Guillaume, seigneur des Moutiers, père de Charlotte de Bailleul, et Gilles, dont nous ne savons rien, peut-être mort prématurément sans descendance ou devenu ecclésiastique.

    - Il a épousé Eléonore (ou Louise-Aliénor) de La Moricière le 1er mars 1629 à Couliboeuf.

    Il nous reste alors à étudier tous ce que nous avons trouvé sur Yves de Bailleul, 1er des Bailleul à être devenu seigneur de Croissanville et donc à l’origine de la branche des Bailleul-Croissanville qui s’est poursuivie jusqu’à nos jours.

    Comme pour les premières années de François de Bailleul, son fils qui a continué la lignée des Bailleul-Croissanville, nous ne pourront pas compter sur l’étude des registres paroissiaux pour trouver des renseignements sur Yves de Bailleul puisque ceux-ci ne donnent plus rien sur la famille au-delà de l’année 1653 à Quatre-Favrils. Nous allons donc devoir nous aider intégralement d’autres sources.

    Celles que je possédais jusqu’ici étaient très peu nombreuses concernant Yves de Bailleul. Heureusement, les renseignements que j’ai pu tirer de mes découvertes récentes comblent ce déficit. Voici un rappel de ce que ces dernières nous ont appris sur lui :

    - D’après la recherche de noblesse de Mesmes de 1598 : Yves (alias Jean) de Bailleul, seigneur d’Ammeville et de Quatre-Favrils, fils de Gilles de Bailleul, seigneur de Montreuil, fut trouvé noble à Quatre-Favrils, et a pour fils, Gilles, Jacques (alias François), et Guillaume.

    - D’après "Prosopographie des gens du Parlement de Paris" de Michel Popoff : Yves de Bailleul, seigneur d’Anville et de Quatre-Favrils, épousa Marguerite d’Harcourt, fille puînée de Jacques d’Harcourt, seigneur de Franqueville et de Magdelaine d’Assé, duquel mariage est issu Jacques (alias François) de Bailleul, seigneur de Croissanville, marié avec Louise (alias Eléonore) de La Moricière. Il est le fils de Gilles de Bailleul, chevalier de l’Ordre du Roy, seigneur de Beauvais, Quatrefaveris et de Montreuil qui épousa Charlotte de Larré, dame de Quatrefaveris.

    - Enfin d’après "Histoire généalogique de la Maison de Harcourt" par Gilles-André de La Roque, voici l’extrait quasi complet qui le concerne : "…Yves de Bailleul, seigneur d’Anville et des Quatrefaveries troisième fils de Gilles et de Charlotte de Larrey, qui a épousé Marguerite de Harcourt sœur puisnée de Madelaine de Harcourt, femme de Gilles de Bailleul seigneur de Montreuil, fille de Jacques de Harcourt seigneur de Franqueville et de Madelaine d’Assé qui obtinrent dispense de bans daté du cinquieme juillet 1583 à Lisieux ; ledit Yves obtint des provisions de la charge de Gentilhomme ordinaire de la chambre du Roy en date de l’onzieme décembre 1614 et fut nommé Chevalier de saint Michel par lettres du vingt troisieme mars 1619 ; duquel mariage est issu François de Bailleul…" Nous connaissons la suite du passage que j’ai cité plus haut au sujet de François de Bailleul, puis plus loin : "…lesdits Louis, Gilles et Yves avaient pour sœur Madelaine de Bailleul femme de Robert de Venoix seigneur d’Amfreville, comme il se voit par le traité de mariage de Georges de la Fresnaie…fait l’an 1615 où estaient presens lesdits Yves et Gilles de Bailleul...."

    Avant de commenter plus en détail tous ce que nous apprend ici La Roque comme renseignements supplémentaires sur Yves de Bailleul, rappelons maintenant ce que nous savions déjà par la lettre d’érection en marquisat et l’arbre généalogique :

    - D’après la lettre d’érection : "…et Yves de Bailleul son fils nous continua ses services en qualité de mareschal des logis des gens d’armes de notre compagnie et des gentilshommes de notre chambre et a laissé son fils François de Bailleul…"

    - D’après la retranscription de l’arbre généalogique de la famille : Yves de Bailleul, chevalier de l’ordre du Roi et gentilhomme de sa chambre, maréchal des logis de sa compagnie des gens d’armes, seigneur de "? ? ?ville" et autres terres, épousa Marguerite d’Harcourt, Dame de Croissanville. Il est indiqué comme fils de Gilles de Bailleul, chevalier de l’Ordre du Roy, gouverneur de la ville et citadelle de Rouen, seigneur de Beauvais, de "? ? ?", de Montreuil, qui épousa Charlotte de La Ré, Dame de Quatre Favery en l’an 1542.

    L’ensemble de ces cinq sources différentes nous apporte donc la certitude que :

    - Yves (alias Jean) de Bailleul, seigneur de Quatre-Favrils et autres terres est le fils de Gilles de Bailleul, seigneur de Beauvais, Montreuil et Quatre-Favrils et de Charlotte de Larré, dame de Quatre-Favrils. Il a épousé Marguerite de Harcourt, dame de Croissanville et a eu pour fils François (alias Jacques) de Bailleul, seigneur de Croissanville et de Quatre-Favrils. Il résidait à Quatre-Favrils. Il fut Maréchal des logis de la compagnie des gens d’armes du Roi et gentilhomme ordinaire de sa chambre ainsi que chevalier de l’ordre de saint Michel.

    D’un strict point de vue généalogique, nous pourrions nous contenter de ces renseignements qui suffisent amplement à la remontée de la lignée des Bailleul. Mais il serait dommage de ne pas profiter des précisions supplémentaires que peuvent nous apporter ces sources.

    Ainsi, la recherche de noblesse de 1598 nous fait découvrir deux fils de plus pour Yves : Gilles et Guillaume. Comme nous avons eu la confirmation de l’existence d’un Guillaume de Bailleul, seigneur des Moutiers lors de la recherche de 1666, on peut donc considérer comme une certitude leur existence réelle et préciser donc notre description de la façon suivante :

    - Yves de Bailleul et Marguerite de Harcourt ont eu trois fils (peut-être dans cet ordre) : Gilles, François (alias Jacques) et Guillaume.

    De même, la généalogie des Harcourt par La Roque nous permet de prendre connaissance de l’obtention de la dispense de bans du mariage entre Yves de Bailleul et Marguerite de Harcourt datée du 5 juillet 1583. On peut donc légitimement penser que le mariage eu lieu la même année, soit, 1583.

    Nous avons également la précision (et par-là même, la confirmation) de la date d’obtention de la charge de gentilhomme ordinaire par Yves de Bailleul, soit le 11 décembre 1614, ainsi que celle de sa nomination à l’ordre de chevalier de saint Michel, soit, le 23 mars 1619. Enfin, La Roque nous permet de découvrir une sœur pour Yves : Madeleine de Bailleul, femme de Robert de Venoix, seigneur d’Amfreville. On peut donc ajouter comme renseignements sûrs dans notre description :

    - Yves de Bailleul s’est marié avec Marguerite de Harcourt en 1583, obtint la charge de gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi le 11 décembre 1614, fut fait chevalier de l’ordre de saint Michel le 23 mars 1619 et avait une sœur, Madeleine de Bailleul, épouse de Robert de Venoix, seigneur d’Amfreville.

    Il nous reste maintenant à tenter de résoudre quelques problèmes ou imprécisions, ce que ne permettent pas de faire ces cinq sources, et de développer certains aspects du personnage d’Yves de Bailleul afin d’en préciser la place dans l’histoire de la famille.

    Le premier point à étudier concerne cette seigneurie attribuée à Yves de Bailleul et que nous trouvons nommée, suivant les sources, "Ammeville", "Anville", "Ambleville", "Aumeville", "Auberville", "Auverville", "Anneville", etc.

    Une piste, pour nous aider dans cette démarche, proviendrait de "Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie", 2e série, 3e volume, XIIIe volume de la collection, années 1842-1843. On y trouve page 75 une table des anciens noms de lieu avec la correspondance du nom actuel. Ainsi, l’actuelle bourgade d’Ammeville, qui se trouve dans le Calvados à quelques kilomètres au nord de Quatre-Favrils, a été appelée anciennement : Ammevilla, Amievilla, Amnevilla, Almovilla, Aubeville, Aumevilla, Dambville, Dampville ! On comprend mieux alors pourquoi on trouve toutes ses déclinaisons différentes du nom de cette seigneurie suivant les sources.

    Ce serait donc bien cet "Ammeville" dont Yves de Bailleul serait le seigneur, comme nous l’indiquait d’ailleurs précisément la recherche de 1598.

    Pour aller dans ce sens, dans "Revue nobiliaire, historique et biographique", tome 3, année 1867, est publié un document assez extraordinaire intitulé "Rôle des principaux gentilshommes de la généralité de Caen, accompagné de notes secrètes rédigées en 1640". Ce texte se présente comme l’équivalent aux fameuses notes collectées par nos anciens "Renseignements Généraux" ! On y trouve, en effet, des remarques sur les convictions religieuses, les alliances matrimoniales, la loyauté, ou même encore le physique ou le caractère de tel gentilhomme possédant telle seigneurie ! Malheureusement, seule une partie de ces seigneuries se trouvent dans le tome 3 de cette revue nobiliaire, les autres ayant sans doute été publiées dans d’autres tomes qui ne sont pas disponibles en ligne.

    Pour autant, on y découvre ceci pour "Ammeville" (et bien orthographiée ainsi), page 355 :

    "AMMEVILLE appartient au sieur d’Ammeville, porte le nom de Bailleul, bonne et ancienne famille. Il est jeune et de petit dessaing ; son père qui portoit le mesme nom a esté maréchal des logis de la compagnie des gendarmes du roi ; il est riche de 10 000 livres de rente."

    Suivent alors quelques informations, rédigée après 1640, que "l’agent du gouvernement" a pu glaner en lien avec le personnage étudié :

    "Noble Gilles de Bailleul – Noble Gilles Le Normand – Noble Frindon Turgot.

    - Gilles de Bailleul…anc.noblesse (recherche de 1598).

    - Jacques, Gaspard, et Abraham Le Normand (recherche de 1598) – Paul Le Normand, demeurant à Anneville (recherche de 1666).

    - Jean Turgot, confirmé en 1576 (recherche de 1598)

    Gilles de Bailleul, escuyer, seigneur d’Anneville, porte : d’hermines, à une croix de gueules (Arm. Gén – Alençon, p.318) "

    Il est très difficile, à partir de ce document, d’identifier précisément de quel "seigneur d’Ammeville" il est question ici. Si on se fie au texte et à sa date de rédaction (1640), il s’agirait d’un fils de notre Yves de Bailleul, maréchal des logis des gens d’armes du Roi, c’est à dire, soit François, soit Gilles ou Guillaume. Ensuite c’est plus confus car l’auteur indique qu’il "portait le même nom" qu’Yves (alias Jean) de Bailleul. On a du mal à croire qu’il a voulu signifier ici qu’il s’appelait également "de Bailleul", ce qui va de soit puisque c’est son fils. Si c’est donc bien le prénom qui est en question, cela ne colle pas puisque aucun fils d’Yves ne se prénomme comme son père. Mais si on se base sur les informations additionnelles postérieures à 1640, on a l’impression que l’auteur se focalise sur le prénom "Gilles". Ce serait alors Gilles de Bailleul, fils d’Yves de Bailleul qui serait ce seigneur d’Ammeville en 1640.Seulement, aucun fils d’Yves ne peut être qualifier de "jeune" en 1640 car d’après la date de mariage de ce dernier (en 1583) et si ses fils sont nés dans les années suivantes, ils auraient eu aux environs de la cinquantaine en 1640 ! Il y a donc là une impossibilité.

     Par ailleurs, on trouve dans un inventaire des actes ecclésiastiques de Lisieux :

    "Le 27 juillet 1707, la nomination à la cure de Ste Honorine d’Ammeville, appartenant au seigneur du lieu à cause de son fief, Gilles de Bailleul, chevalier, seigneur d’Ammeville et autres lieux, nomme audit bénéfice, vacant par le décès de Joseph Boscher, dernier titulaire, la personne de Philippe de Bernières…"

    On a donc bien un "Gilles de Bailleul", seigneur "d’Ammeville" en 1707, mais on est certain qu’il ne s’agit pas de Gilles, fils d’Yves de Bailleul car il aurait eu alors près de 120 ans à ce moment.

    Or, nous connaissons déjà, grâce aux registres paroissiaux et à leur retranscription dans la série E des archives du Calvados, un "Gilles de Bailleul, seigneur d’Ammeville" (et là aussi bien orthographié ainsi) et de Franqueville qui a épousé Françoise de Bailleul, fille de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville en 1688. Mais il est le fils de François de Bailleul, seigneur des mêmes lieux et donc descendant de Gilles de Bailleul, seigneur de Montreuil et de Franqueville, le frère de notre Yves de Bailleul. S’il est probablement le "Gilles" dont il est question dans ce document de 1707, on a du mal à s’expliquer comment il peut être le seigneur d’Ammeville, seigneurie qui appartenait à son grand-oncle, Yves, ce dernier ayant eût des fils et des petits-fils à qui la transmettre.

    Maintenant, si on se réfère à ce qu’indique La Roque dans son "Histoire généalogique de la Maison de Harcourt", on se rend compte qu’il désigne à plusieurs reprises, Yves, comme étant seigneur "d’Anville" et son frère Gilles, seigneur "d’Ambeville" ou "d’Anerville". Tous les autres nobiliaires qui citent les mariages des deux frères avec les sœurs Harcourt vont dans ce sens et les désignent ainsi : Yves, seigneur "d’Anville" et Gilles, seigneur "d’Ammeville".

    L’ensemble de ces informations donne donc un résultat contradictoire : Yves, pourtant désigné seigneur d’Ammeville dans la recherche de 1598 et qui ne peut être que le "maréchal des logis…" à qui appartenait cette seigneurie d’après la note secrète de 1640 se retrouve désigné plutôt seigneur "d’Anville" dans tous les nobiliaires qui le citent ainsi que chez La Roque, là où justement son frère Gilles est désigné partout seigneur d’Ammeville. L’appartenance de cette seigneurie à Gilles et à ses descendants directs semble bien confirmée par le fait que son fils François, de même que Gilles, son petit-fils, sont désignés seigneurs d’Ammeville dans l’acte de mariage de ce dernier en 1688 ainsi que par le document de 1707 citant Gilles comme seigneur de ce lieu.

    Un autre document confirmerait l’appartenance de la seigneurie d’Ammeville à la branche des Bailleul/Montreuil/Bellengreville (et Franqueville), issue de Gilles de Bailleul, frère de notre Yves étudié ici. On trouve en effet dans "Le Bulletin Héraldique de France ou Revue Historique de la Noblesse Française", vol. 9 à 10, une liste des fiefs et le nom des seigneurs qui les possèdent. Cette liste cite notre Yves de Bailleul pour plusieurs fiefs qu’il possède (ce dont nous allons reparler quelques lignes plus loin…). Elle donne donc un état des possessions aux alentours des années 1580, période qui justement nous intéresse.

    Or, pour Ammeville, on découvre page 18 : "Le fief d’Ammeville, p. p. Guillaume de Bailleul, escuyer." Puis, plus loin, page 18 également : "Le fief de Bellengreville, p. p. led. sieur." Ce que l’on peut traduire par "possédé par ledit sieur", soit ce Guillaume de Bailleul.

    Le problème est que je ne peux pas être absolument formel quant à l’interprétation de ces quelques lignes puisque le document n’est pas disponible en totalité, seuls certains extraits étant lisibles. Malgré tout, on peut en conclure qu’un Bailleul, contemporain d’Yves de Bailleul et donc probablement son frère, prénommé ici Guillaume, possédait les fiefs d’Ammeville et de Bellengreville. Voilà, une fois de plus, ces deux dernières seigneuries liées entre elles. Or, nous savons que le seul frère d’Yves pouvant être seigneur de Bellengreville, est Gilles, qui l’est devenu en épousant Madeleine de Harcourt, dame de ce lieu. Par conséquent, il est fort possible qu’il s’agisse bien de lui dans ce document où nous le trouvons prénommé "Guillaume" (peut-être son deuxième prénom, mésaventure qui nous est maintenant familière…).

    On aurait donc ici la confirmation que la seigneurie d’Ammeville appartenait bien à Gilles, frère d’Yves, et donc à la branche des Bailleul/Montreuil/Bellengreville ce qui est cohérent avec le fait que Gilles, son petit-fils, est désigné seigneur de ce lieu, lors de son mariage en 1688 avec Françoise de Bailleul, fille de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville.

    Si cela contredit les documents qui citent Yves comme étant seigneur d’Ammeville, l’explication pourrait être qu’il y ait eu transfert de cette seigneurie entre les deux frères. On aurait alors qu’une seule seigneurie, "Ammeville", qui serait passée d’une branche à l’autre. Le fait qu’Yves soit le plus souvent désigné seigneur d’Anville, et son frère Gilles, seigneur d’Ammeville, serait dû aux variations d’orthographe de ce lieu.

    Mais ce serait trop simple…en effet, dans l’énumération des seigneuries réunies par le mariage d’Yves de Bailleul avec Marguerite de Harcourt, La Roque indique la liste suivante : "Anville de Tournay, Croissanville, Quatrefaveries, etc.". Le père de Marguerite de Harcourt n’étant jamais désigné seigneur d’Anville de Tournay, on suppose donc que c’est bien Yves qui en était le seigneur avant son mariage. D’ailleurs, quelques lignes plus loin, La Roque nous apprend que le grand-père d’Yves, Jacques de Bailleul, seigneur de Beauvais, était devenu seigneur d’Anville en épousant Barbe Payen, dame d’Anville. Par conséquent, Yves de Bailleul aurait bien été seigneur d’un lieu nommé "Anville de Tournay".

    On aurait alors bien affaire à deux seigneuries différentes : "Ammeville" et "Anville de Tournay", ce qui discrédite mon hypothèse précédente. Mais à l’heure actuelle, je suis incapable d’identifier où se situe cet "Anville de Tournay", ni si le lieu existe encore sous ce nom ou un autre et je ne peux donc pas faire de recherches plus approfondies sur ce sujet.

    On ne peut ainsi conclure que la chose suivante : une de ces deux seigneurie est bien "Ammeville", correspondant à la ville ou au village du même nom actuel situé dans le Calvados, et ayant appartenue plus vraisemblablement à Gilles de Bailleul, seigneur de Montreuil, Bellengreville et Franqueville ainsi qu’à ses descendants plutôt qu’à Yves de Bailleul, seigneur de Quatre-Favrils et de Croissanville.

    C’est pourquoi je propose de désigner dorénavant Yves de Bailleul, uniquement par les seigneuries qui l’identifie clairement, à savoir, Quatre-Favrils et Croissanville, et de faire de même pour son frère Gilles, sans mentionner les seigneuries d’Ammeville ou d’Anville, qui, comme nous venons de le voir, n’apportent qu’une confusion inutile.

    Le deuxième point qu’il m’apparaît important d’approfondir concernant Yves de Bailleul, seigneur de Quatre-Favrils, est de savoir s’il a été le premier des Bailleul à être seigneur de Croissanville. Certes, nous savons que c’est par son mariage avec Marguerite de Harcourt que la seigneurie de Croissanville est entrée dans la famille Bailleul, mais pour autant, en a-t-il été le seigneur immédiatement ? La question peut se poser car le simple fait que sa femme soit désignée "Dame de Croissanville" ne signifie pas automatiquement :

    1. Que Yves soit devenu propriétaire de la terre de Croissanville. Nous avons déjà rencontré ce cas de figure avec son fils François et son épouse, Eléonore de La Moricière, désignée "Dame de Vicques". Or nous savons maintenant que la seigneurie de Vicques appartenait sans doute toujours à l’oncle d’Eléonore au moment de son mariage avec François de Bailleul et qu’elle n’en a hérité qu’à partir du décès de cet oncle. Les fils du couple (Jacques et Yves) ont bien été ensuite "seigneurs de Vicques" mais rien ne garanti que leurs parents l’avaient été de leur vivant, d’autant plus que nous avons trouvé des renseignements sur eux qui les localisaient plutôt à Quatre-Favrils, jusqu’à l’acte de décès même d’Eléonore de La Moricière qui est établi dans cette paroisse.

    2. Que Yves soit devenu le véritable seigneur de Croissanville avec toutes les fonctions et honneurs liés à ce titre. Là aussi nous avons déjà rencontré un cas similaire avec son arrière-petit-fils, François de Bailleul, seigneur de Vicques quand il a épousé Marie Françoise Elisabeth de Bailleul de Croissanville. Nous avons vu que le titre "de marquis de Croissanville" est passé à son fils François Toussaint grâce à ce mariage sans que lui-même ait pu légitimement porter ce titre.

    Les éléments que j’ai trouvés sur Yves de Bailleul me permettent de répondre à ces deux interrogations.

    Déjà, dans "Statistique Monumentale du Calvados" d’Arcisse de Caumont qui contient la lettre d’érection en marquisat, on trouvait, en guise d’introduction, ce passage page 446 : "J’ignore comment la seigneurie de Croissanville et les droits de présentation aux prébendes de la collégiale passèrent de la famille de Pont-Audemer à celle de Bailleul ; mais il résulte des aveux rendus au Roi, et que M. de Beaurepaire, archiviste de la Seine-Inférieure, a bien voulu me communiquer, qu’en 1610 Yves de Bailleul possédait la seigneurie et tous les droits qui y étaient attachés."

    On ne peut être plus clair : par cet aveu de 1610, Yves était donc bien pleinement "seigneur de Croissanville", c’est à dire avec tous les droits qui en dépendaient.

    Par ailleurs, comme je l’indiquais plus haut au sujet de ma tentative d’identification du possesseur de la seigneurie d’Ammeville, on trouve dans "Le Bulletin Héraldique de France ou Revue Historique de la Noblesse Française", vol. 9 à 10, Yves de Bailleul cité pour plusieurs fiefs et seigneuries qu’il possède. Ainsi : "Le fief de Croissanville, p. p. Yves de Bailleul, escuyer". Et plus loin : "Les fiefs de Glatigny (à Cléville) et du Quesney, p. p. Yves de Bailleul, escuyer".

    On trouve également dans "Bulletin philologique et historique (jusqu’à 1715) du Comité des Travaux historiques et scientifiques", année 1938, page 119, l’extrait suivant : "Recueil d’aveux rendus à Jacques de Harcourt, Yves de Bailleul…pour les seigneuries de Fresnay-le-Crotteur… (1571-1601) ".

    Or, dans son "Histoire Généalogique de la Maison de Harcourt", La Roque nous apprend page 1484, dans sa présentation de Jacques de Harcourt, le beau-père d’Yves de Bailleul, que celui-ci était seigneur de : Franqueville, Croissanville, Argences, Noronne, Lorey, Fresnay-le-Crotteur, Brieux, Garfalles, Quesnay, Coquainvilliers, Glatigny, Gorefeuilles, etc.

    On retrouve donc bien dans cette liste une partie des seigneuries dont Yves de Bailleul sera le seigneur, à savoir, Croissanville, Glatigny, Quesnay (ou Quesney), Fresnay-le-Crotteur, si on en croit les documents que je viens de citer.

    Nul doute alors que c’est dès son mariage en 1583 avec Marguerite de Harcourt qu’Yves de Bailleul est devenu le seigneur de Croissanville, fief qui, comme ceux de Glatigny, Quesnay et Fresnay-le-Crotteur, faisait partie de la dot de son épouse, fille de Jacques de Harcourt.

    Un autre document confirme cela. Il s’agit du "Bulletin, vol.26 de la Société des antiquaires de Normandie", année 1908. On y trouve l’extrait suivant, page 225 : "…le patronage (de la collégiale de Croissanville) passa à la famille d’Harcourt qui le conserva, avec la seigneurie de Croissanville jusqu’en 1575. A partir de cette époque, du fait du mariage de Marguerite d’Harcourt avec Yves de Bailleul, les seigneurs de ce nom nommèrent au canonicat…"

    Nous avons ici un bon résumé de ce qui s’est passé. Arcisse de Caumont dans son "Statistique Monumentale du Calvados" disait ignorer comment la seigneurie de Croissanville et le patronage de la collégiale était passé des Pont-Audemer aux Bailleul. Nous savons dorénavant que la seigneurie est passée d’abord des Pont-Audemer aux Harcourt (même si nous n’en connaissons pas les circonstances, La Roque dans son étude de la généalogie des Harcourt étant muet à ce sujet), puis des Harcourt aux Bailleul par le mariage d’Yves de Bailleul avec Marguerite de Harcourt en 1583, date à laquelle Yves était donc pleinement le seigneur de Croissanville ainsi que des autres seigneuries apportées par sa femme.

    Cette acquisition de la seigneurie de Croissanville et du patronage de la Collégiale par Yves de Bailleul est loin d’être anecdotique dans le cadre de l’histoire des Bailleul. Pour en comprendre l’importance et les enjeux, il est nécessaire de s’attarder sur quelques aspects plus généraux que la simple étude généalogique afin d’en saisir pleinement le contexte.

    En premier lieu, il faut insister sur les circonstances particulières de cette acquisition. En effet, Jacques de Harcourt et sa femme Madeleine d’Assé de Montfaucon n’ont eu que trois filles, dont Jeanne, l’aînée, mourût jeune. Les deux autres, Madeleine et Marguerite, ont épousé respectivement Gilles et Yves de Bailleul qui sont frères. Cela veut donc dire qu’une bonne partie des possessions du couple Harcourt/d’Assé est passé chez les Bailleul par ces deux mariages. Pour les Bailleul, et pour parler vulgairement, c’est le "jackpot", une sorte de "hold up" matrimonial !

    Ainsi, par leur mariage, nous savons que Gilles de Bailleul, seigneur de Montreuil, deviendra seigneur de Franqueville (et de Bellengreville qui lui semble liée) entre autres, et qu’Yves deviendra seigneur de Croissanville, de Glatigny, du Quesnay, de Fresnay-le-Crotteur entres autres également. Au-delà de l’importance qualitative de ces seigneuries (sur laquelle nous allons revenir), on perçoit tout de suite l’importance quantitative de ce transfert qui n’aurait pas eu lieu si le couple Harcourt/d’Assé avait eu un héritier mâle qui en aurait gardé une bonne partie dans la famille Harcourt.

    Néanmoins, il ne faut pas se laisser abuser par le terme de "seigneurie". Glatigny, par exemple, n’est aujourd’hui qu’une simple ferme avec ses dépendances. Il est possible qu’à une époque reculée elle ait représenté un hameau mais rien de plus et c’est sans doute le cas pour les autres petites seigneuries.

    Au contraire, Franqueville/Bellengreville et Croissanville sont, et étaient sans doute déjà, de véritables petites villes avec tout ce que cela implique comme possessions et droits supplémentaires : demeure seigneuriale (manoir ou château), fermes, moulins, bois, mais aussi habitations, ainsi que le patronage de l’église paroissiale.

    Or, Croissanville s’en distingue par plusieurs caractéristiques qui sont autant d’avantages financiers qu’honorifiques : ainsi, Arcisse de Caumont nous apprend dans "Statistique Monumentale du Calvados" qu’on tenait trois foires annuelles à Croissanville ainsi qu’un marché chaque vendredi, activités qui donnaient donc lieu à une perception de droits par le seigneur. Mais surtout, il y avait la collégiale dont le seigneur avait le patronage.

    Il m’apparaît utile d’insister sur le prestige lié à cette responsabilité particulière. Car, qu’elle soit sincère ou non, la pratique religieuse et tout ce qui s’en rattachait faisait partie intégrante de la noblesse. Nul doute alors qu’un "cap" semble avoir été franchi dans l’histoire des Bailleul par la possession de Croissanville et dans l’exercice des prérogatives qui lui étaient attachées. Ce n’est certainement pas un hasard si c’est cette seigneurie qui sera érigé en marquisat 100 ans plus tard au bénéfice de Jacques de Bailleul, petit-fils d’Yves de Bailleul, puisque comme l’indique la fin de la lettre d’érection en marquisat, Croissanville et les autres fiefs qui lui ont été unis : "…composent un revenu considérable capable de supporter le titre et dignité de marquisat".

    Et ce n’est sans doute pas un hasard non plus si c’est Yves de Bailleul qui en est devenu le seigneur par son mariage avec Marguerite de Harcourt plutôt que son frère Gilles. Car il est tout de même curieux que ce soit le plus jeune des frères Bailleul, qui, en épousant la plus jeune des filles Harcourt, devienne le seigneur du fief qui s’avère le plus prestigieux !

    Certes, c’est son mariage en 1583 (comme nous l’apprenons par La Roque), qui précède de plusieurs années celui de son frère en 1588, qui pourrait l’expliquer, sur le mode "premier marié, premier servis". Mais le fait qu’il se soit marié à une Harcourt avant Gilles, pourtant son aîné, et donc en contradiction avec la règle de prééminence en usage, témoigne bien qu’il du posséder des qualités propres à lui permettre une telle "promotion matrimoniale".

    Et c’est effectivement cet aspect particulier du personnage d’Yves de Bailleul que je veux aborder maintenant dans ce troisième point.

    Nous avons vu que plusieurs sources (arbre généalogique, lettre d’érection) le désignent comme maréchal des logis des gens d’armes du Roi, chevalier de l’ordre de saint Michel, ainsi que gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi. Grâce à La Roque, nous avons la précision (et en cela, la confirmation), qu’il fut fait chevalier en 1619 et qu’il obtint les provisions de la charge de gentilhomme ordinaire en 1614.

    Or, si la distinction de "maréchal des logis" (des gens d’armes du Roi, tout de même…) apparaît plus ici comme un simple grade (et non une charge, comme elle le sera sous Louis XIV par exemple), de même que celle de chevalier de l’ordre de saint Michel avait beaucoup perdu de son prestige en 1619 (au point d’être remplacé par l’ordre du saint Esprit), celle de gentilhomme ordinaire du Roi est loin d’être banale !

    En effet, La Roque nous apprend qu’il s’agit bien d’une charge. Ce qui veut donc dire que cette distinction octroi à son bénéficiaire, non seulement des avantages financiers, en général conséquents, mais surtout un prestige lié à la proximité du Roi. Pour bien comprendre, il est nécessaire d’étudier en quoi consiste le rôle de "gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi".

    Après quelques recherches sur le sujet, il apparaît qu’il faudrait comprendre le terme "ordinaire" dans le sens de "ordonnance" et non pas de "simple". Il s’agissait donc plutôt d’un messager du Roi et non pas d’un simple servant. La définition la plus concise que j’ai pu trouver indique qu’un gentilhomme ordinaire du Roi est un "noble qui transmettait les ordres aux corps constitués". Une autre définition plus détaillée nous apprend que : "Les gentilshommes ordinaires…doivent se trouver au lever & au coucher du Roi tous les jours; l'accompagner dans tous les lieux, afin d'être à portée de recevoir ses commandemens. C'est au Roi seul qu'ils rendent réponse les ordres qu'ils ont exécutés de sa part: ils sont à cet effet introduits dans son cabinet. Leurs fonctions sont uniquement renfermées dans le service & dans la personne du Roi. S'il y a quelques affaires à négocier dans les pays étrangers, Sa Majesté quelquefois les y envoye avec le titre & la qualité de ministre ou d'envoyé extraordinaire. Elle s'en sert aussi s'il faut conduire des troupes à l'armée, ou les établir dans des quartiers d'hyver; pour porter ses ordres dans les provinces, dans les parlemens & dans les cours souveraines…Le Roi les charge d'aller sur la frontiere recevoir les rois ou princes souverains, pour les accompagner & les conduire tout le tems de leur séjour en France. C'est un gentilhomme ordinaire qui va recevoir sur la frontiere les ambassadeurs extraordinaires…Lorsque Sa Majesté va à l'armée, quatre gentilshommes ordinaires de chaque semestre ont l'honneur d'être ses aides - de - camp, & de le suivre toutes les fois qu'il monte à cheval. "

    Yves de Bailleul, dans le cadre de cette fonction était donc amené à fréquenter directement le Roi. On peut alors supposer qu’il faisait partie de la cour de Louis XIII. Mais il est difficile de parler de véritable "cour" car ce dernier ne prendra en réalité les rênes de son royaume qu’à partir de 1617, après avoir fait assassiner Concini, le favori de sa mère durant la régence. Impossible de savoir si Yves, quand il occupait ce poste en 1614, faisait partie des partisans de Concini ou de ceux du Roi. Le fait qu’il ait été décoré de l’ordre de saint Michel en 1619, date à laquelle Louis XIII était pleinement Roi de France, nous incline à penser qu’il était plutôt de son côté au moment du coup d’Etat.

    Ainsi, dans notre remontée généalogique, Yves de Bailleul est le premier personnage de la famille que nous trouvons détenteur d’une charge qui lui permettait de fréquenter la cour du Roi. En cela, il se distingue des autres membres de la famille et en particulier de ses deux frères aînés, Louis et Gilles. C’est peut être dans cette promotion dans la hiérarchie nobiliaire qu’il faut chercher l’explication, a posteriori, de sa "promotion matrimoniale" lui ayant permis d’épouser une Harcourt avant son frère Gilles et de tirer de ce mariage un meilleur parti avec la possession de la seigneurie de Croissanville : il devait posséder le potentiel et les qualités personnelles, aux yeux de Jacques de Harcourt, pour bénéficier de cette préférence.

    Au-delà du cas personnel d’Yves que nous voyons ici, il y a également une leçon d’ordre générale à en tirer : contrairement à une idée reçue sur la noblesse, les cadets (et les descendants des branches cadettes) ne formaient pas forcément une noblesse de "seconde classe", subsistant juste au-dessus de la roture. Certes, c’est bien l’aîné des mâles qui récupérait les seigneuries les plus prestigieuses (et le titre, le cas échéant) mais les suivants n’étaient pas pour autant démunis, pour peu qu’il restât quelque chose à se partager.

    Dans le cas d’Yves de Bailleul, c’est particulièrement parlant. Partons de son père :

    Gilles de Bailleul, seigneur de Beauvais (sans doute un village de la Sarthe, hérité de son père Jacques, de même que la seigneurie d’Anville ou Ammeville que nous n’avons pu identifier clairement) qui, en épousant Charlotte de Larré, deviendra également seigneur de Montreuil (peut être un village de l’Orne) et de Quatre-Favrils (hameau ou paroisse regroupant plusieurs hameaux, lieu bien identifié par contre).

    Ses trois fils se partageront le patrimoine ainsi :

    - Louis, l’aîné, deviendra logiquement seigneur de Beauvais, seigneurie sans doute la plus importante du patrimoine et qui donnait le nom à cette branche des Bailleul, les Bailleul-Beauvais, qui la distinguait de l’autre seule branche des Bailleul de cette époque, les Bailleul-Renouard.

    - Gilles, le cadet, deviendra seigneur de Montreuil, puis également, seigneur de Franqueville (et Bellengreville) à la suite de son mariage avec Madelaine de Harcourt.

    - Yves, le benjamin, deviendra seigneur de Quatre-Favrils (nous laissons de côté le cas de la seigneurie d’Anville ou d’Ammeville), puis également seigneur de Croissanville suite à son mariage avec Marguerite de Harcourt.

    Nous voyons donc que tous sont pourvus de seigneuries et qu’aucun cadet n’a été forcé de faire une carrière d’ecclésiastique (autre idée reçue, en tout cas d’un point de vue systématique…). Aucun ne semble particulièrement lésé par rapport aux autres à cause du caractère, que l’on peut qualifier de modeste, de toutes les seigneuries partagées.

    Dès lors, rien n’a empêché Yves, par son mérite personnel, d’atteindre une position (semble-t-il …) plus élevée que celles de ses frères, qui déterminera ainsi les conditions permettant à la branche des Bailleul dont il est à l’origine, les Bailleul-Croissanville, d’être la seule à obtenir un titre, en l’occurrence celui de marquis.

    On remarquera aussi que lors de la difficile transmission du titre au décès sans héritier mâle de François de Bailleul, 2ème marquis de Croissanville, c’est François de Bailleul, seigneur de Vicques, qui épousera Marie-Françoise de Bailleul de Croissanville (fille ou sœur du 2nd marquis, son cousin germain) alors qu’il n’est que le cadet de sa fratrie. Sa prestigieuse carrière dans la marine couronnée par l’ordre militaire de saint Louis n’est sans doute pas étrangère à cette préférence au détriment de son aîné Jacques-François.

    Il existe d’autres causes plus prosaïques qui permettent aux cadets de surseoir aux conséquences de l’ordre de leur naissance, comme la mort violente de leur aîné ou l’absence de descendance de ce dernier, mais nous venons de voir que même en leur absence, il n’y a pas forcément une fatalité qui frappe les cadets.

    La place qu’occupe Yves de Bailleul dans l’histoire familiale (et particulièrement dans celle des Bailleul-Croissanville, seule branche qui semble avoir subsisté jusqu’à nos jours) est donc cruciale. Elle est d’autant plus intéressante si on élargit le spectre d’observation à la situation généalogique et à la position sociale de l’ensemble des Bailleul existant encore à cette époque.

    On remarque en effet que la date de mariage d’Yves de Bailleul avec Marguerite de Harcourt, en 1583, correspond à une année près à celle de Françoise de Bailleul avec Gilles de Souvré, en 1582. Yves et Françoise de Bailleul font donc partie de la même génération mais appartiennent à deux branches des Bailleul différentes.

    Pour bien comprendre la situation, je suis obligé d’anticiper sur ma remontée généalogique (sans entrer dans les détails ni citer mes sources, comme je le ferais par la suite) et d’exposer ce qui suit en prenant comme période d’observation les années 1560 à 1580.

    Il n’existe alors que deux branches subsistantes des Bailleul ; les Bailleul-Renouard et les Bailleul-Beauvais. Elles sont représentées respectivement par :

    - Jean de Bailleul, seigneur du Renouard et de Messey (ou Messei), gouverneur de la citadelle de Caen et chevalier de l’ordre de saint Michel (vers 1563-1567). Sa fille unique (hormis l’hypothèse d’un fils bâtard d’après l’arbre généalogique), Françoise de Bailleul, épouse en 1582 Gilles de Souvré, issu d’une famille prestigieuse et puissante.

    - Gilles de Bailleul, seigneur de Beauvais, de Montreuil et de Quatre-Favrils, décrit comme gouverneur de la citadelle de Rouen d’après l’arbre généalogique (et par correction d’une partie de la généalogie erronée de la lettre d’érection) et chevalier de l’ordre de saint Michel (en 1570). Deux de ses fils, Gilles et Yves, épousent deux sœurs Harcourt, issues elles aussi d’une famille prestigieuse.

    Trois générations après leur séparation, les deux branches des Bailleul sont donc arrivées à des positions sociales quasi similaires, tant par les fonctions et distinctions de leurs chefs de nom et d’armes respectifs, que par les mariages de leurs enfants avec des familles illustres. On remarque au passage que l’une des branches doit forcément être cadette (nous verrons laquelle…) et que pourtant les deux sont arrivées à une position identique…

    La seule différence (capitale !) c’est qu’en 1582, au moment du mariage de Françoise de Bailleul avec Gilles de Souvré, la branche des Bailleul-Renouard s’éteint. A cette période, ne subsistent alors, comme membres de l’ancienne famille Bailleul, que les Bailleul-Beauvais, représentés après la mort de Gilles, puis après celle de Louis, son fils aîné (en 1587 ou en 1591 d’après les sources), uniquement par Gilles et Yves de Bailleul.

    Or, comme j’ai tenté longuement de le montrer plus haut, Yves de Bailleul semble s’être distingué de son frère Gilles, non seulement par les fonctions, les récompenses et le prestige, assurant en ceci une sorte de continuité dans la position sociale de la famille Bailleul, au regard de celle atteinte par la génération précédente (toutes branches confondues), mais aussi en étant à l’origine de la seule branche des Bailleul qui semble subsister jusqu’à nos jours, les Bailleul-Croissanville.

    La position atteinte par Yves à cette époque apporte également un éclairage nouveau au problème des Bailleul de Caux. Elle change complètement la situation que je voulais initialement décrire dans le développement de ce chapitre à venir les concernant. Je partais en effet de l’idée qu’au moment de l’apparition des Bailleul de Caux dans le second ordre (la noblesse) et durant leur rapide ascension sociale, nos anciens Bailleul étaient d’une noblesse essentiellement provinciale éloignée de la cour. Ceci pouvait expliquer comment les Bailleul de Caux, qui eux fréquentaient la cour, avaient pu abuser leur entourage au sujet de leurs origines réelles jusqu’à usurper les armes de nos Bailleul. Or, la charge qu’occupait Yves de Bailleul, en tant que gentilhomme ordinaire du Roi en 1619, contredit cette idée de départ. Il était bien présent dans l’entourage du Roi à la même période que Gilles de Souvré (époux de Françoise de Bailleul-Renouard, sa lointaine cousine), qui en avait été le précepteur. Comment Nicolas de Bailleul (de Caux), ami intime du couple Gilles de Souvré/Françoise de Bailleul-Renouard, a-t-il pu prétendre être un cousin éloigné de cette dernière alors même qu’elle ne pouvait totalement ignorer l’existence de son véritable cousin, Yves de Bailleul ? Le développement du chapitre à venir sur les Bailleul-de-Caux devra donc prendre en compte ce nouvel élément.

    Voilà qui fait bien d’Yves de Bailleul un personnage central dans l’histoire de la famille ! Néanmoins, il faut garder à l’esprit que cette mise en avant de ce dernier, due à l’interprétation de certaines informations qui permettent de lui définir cette place dans un contexte général, ne procède que de simples conjectures de ma part. Tout cela reste à prouver.

    Pour conclure sur Yves de Bailleul, il me reste une dernière information à exposer ici, tirée d’un extrait du "Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orne", année 1902, vol. 21 à 23, page 26 : "…et Charles Scot Desnoës, escuyer, sieur du Bois, duquel et de dlle N. de Bailleul, fille de Mre Yves de Bailleul, chevalier, seigneur d’Ambeville et de D. de Harcourt, sont sortis 2 ou 3 enfants."

    On y apprend donc que Yves de Bailleul aurait eût une fille (une fois de plus absente de l’arbre généalogique…) dont le prénom reste inconnu, mariée à Charles Scot Desnoës, seigneur du Bois. Au final, on aurait donc 4 enfants pour le couple Yves de Bailleul/Marguerite de Harcourt : François (alias Jacques), Gilles, Guillaume, et cette mystérieuse demoiselle.

    J’estime alors en avoir terminé (pour l’instant…) en ce qui concerne la rubrique des "recherches Croissanville" de ce blog. J’ai ainsi pu exposer, comparer, et interpréter toutes les différentes sources en ma possession pour établir une remontée généalogique la plus juste possible jusqu’à l’acquisition de la seigneurie de Croissanville par les Bailleul. Mais comme je l’ai indiqué, il reste de nombreux points à éclaircir et des hypothèses à vérifier à cause de sources manquantes (pour l’instant…). A contrario, j’ai accumulé d’autres informations qui permettent d’apporter des précisions sur l’histoire de certains personnages, mais comme elles n’apportent rien d’un strict point de vue généalogique, je les exposerai dans un récit d’ordre général sur l’histoire de la famille qui restera à écrire.

    Afin de résumer le résultat auquel j’arrive au terme de cette rubrique, et à la demande générale (surtout de mes proches…), l’élaboration d’un arbre généalogique partiel (et très, très simplifié ! ) m’apparaît être le moyen le plus clair d’y parvenir. Il est maintenant achevé, reste à l’intégrer dans la structure de ce blog en réussissant à surpasser les contraintes techniques de cette tâche. Cet arbre ne doit être vu que comme une petite partie de l’arbre généalogique complet que je projette d’établir une fois l’ensemble des recherches terminées. Sa complexité ne permettra pas de le faire apparaître directement sur ce blog et il devra être hébergé sur un serveur pour cela.

    Avant d’aborder la rubrique des "recherches Bailleul" et d’en commencer la rédaction, il me semble nécessaire de créer un autre chapitre exposant et analysant les informations que j’ai pu réunir sur les deux autres branches des Bailleul subsistantes à cette période, hormis celle des Bailleul-Croissanville.

    En effet, nous venons de voir, qu’à l’instant même où la branche des Bailleul-Beauvais se sépare en trois branches (Bailleul-Croissanville, Bailleul-Montreuil-Franqueville/Bellengreville, Bailleul-Beauvais) la seule autre branche des Bailleul existante, celle des Bailleul-Renouard, disparaît. Yves, Gilles et Louis de Bailleul, restent donc les derniers héritiers de l’ancienne Maison de Bailleul, et je ne peux passer totalement sous silence les éléments apportés à ma connaissance qui décrivent ce qu’il est advenu de Gilles, de Louis, et de leurs descendants.

    Arbre généalogique très simplifié à suivre...et non ! Même simplifié, l'arbre est illisible dans le format de ce blog. Je ne peux donc faire qu'un résumé écrit qui retrace ma filiation établie d'après l'analyse que je viens d'exposer dans le présent chapitre. Le voici :

    - Fabrice de Bailleul de Croissanville (1964/...) né à Annecy, Haute-Savoie. Fils de :

    - Marc de Bailleul de Croissanville (1942/2009) né à Ménerville, Algérie, et de Francette Enault (1944/...) née à Hardy, Algérie. Fils de :

    - Alfred de Bailleul de Croissanville (1893/1969) né à Oran, Algérie, et de Paule Marcelle Lauzier (1903/1974) née à Ménerville, Algérie. Fils de :

    - Raoul Edouard de Bailleul de Croissanville (1850/?) né à Saint-Malo, et de Madeleine Gaud (vers 1872/?). Fils de :

    - Alfred de Bailleul, marquis de Croissanville (1815/1876) né à Forres, Ecosse, et de Pauline Virginie Letellier (1818/1888). Fils de :

    - Michel Alphonse de Bailleul, marquis de Croissanville (1758/1842) né à Croissanville, et de Louise Wilhelmine Jarry (?/?). Fils de :

    - Toussaint François Aimable de Bailleul, marquis de Croissanville (1727/vers 1775 ?) né à Vicques, et de Marie-Thérèse Subtil de Beauhamel (1731/après 1794). Fils de :

    - François de Bailleul, seigneur de Vicques (1670/entre 1748-1749) né à Quatre-Favrils, et de Marie Françoise Elysabeth Suzanne de Bailleul de Croissanville, héritière de Croissanville (?/1747), fille (de façon presque certaine d'après le document publié et commenté ci-après) de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville (oncle de son époux). Fils de :

    - Yves de Bailleul, seigneur de Quatre-Favrils et de Vicques (?/1687), et de Madeleine du Val (?/?). Fils de :

    - François de Bailleul, seigneur de Croissanville et de Quatre-Favrils (?/après 1673), et de Eléonore de La Moricière, héritière de Vicques (?/1665). Fils de :

    - Yves de Bailleul, seigneur de Quatre-Favrils (?/?), et de Marguerite de Harcourt, Dame de Croissanville (?/?). Premier des Bailleul à être seigneur de Croissanville depuis son mariage en 1583 et fils du couple Gilles de Bailleul, seigneur de Beauvais/Charlotte de Larré, Dame de Quatre-Favrils.

    Rectificatif et mise à jour du 8 avril 2020 : J'ai rectifié en gras ce que j'indiquais à l'époque au sujet de Marie Françoise Elisabeth Suzanne de Bailleul de Croissanville, à savoir qu'elle semble bien être la fille de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville et non pas la fille de François de Bailleul, 2nd marquis de Croissanville.

    En effet, c'est la découverte du registre de baptême de Marie Françoise Elisabeth qui me permet d'arriver à cette conclusion. Mais si je précise "semble être la fille", c'est que le document en question est tellement altéré qu'il nécessite une véritable interprétation, un déchiffrage presque complet,  plutôt qu'une simple retranscription.

    C'est d'ailleurs cet état d'altération considérable qui nous avait fait manquer cette découverte (à moi et à ma lointaine cousine qui m'aide dans ces recherches) lors de notre analyse initiale des registres paroissiaux de Croissanville. Il faut en effet savoir que ceux-ci commencent pour l'année 1692, date la plus ancienne qu'il est possible d'étudier pour les registres de Croissanville. Or le baptême qui nous intéresse est précisément de cette année. Et comme nous l'avons déjà constaté pour les registres d'autres paroisses où les premières pages sont en générale très détériorées voir manquantes, c'est effectivement le cas ici aussi.

    La publication des images de ce registre sur le blog s'est avérée impossible : elles apparaissent soit trop petites, soit trop floues pour être lisibles. Je ne peux donc qu'en faire la description et mon interprétation ici :

    La rédaction de l'acte de baptême commence dans le dernier quart bas d'une page et se poursuit donc sur un bon tiers haut du verso. Une partie en bas de la première page est manquante, comme arrachée, ainsi qu'une partie à droite sur toute la hauteur de la page. Cette dernière se retrouve donc manquante à gauche au verso. On peut estimer qu'il manque un, deux, ou trois mots grand maximum, en fonction de la taille des mots, dans les parties manquantes à droite recto et à gauche au verso.

    Voici ce que j'ai pu déchiffrer dans ce registre paroissial de Croissanville pour l'année 1692 :

    "Aujourd'huy 9 novembre 1692, nous, Cantou chanoine et curé de Crois... avons administré les saints…du bapt... à Marie Françoise El…Bailleul agée de...environs née du…(mesire ?) J...Bailleul c…autres terres et de défunte Susanne Daniel (Evrard Legris ?) ses pères et mères son parrain est...nçois de Bailleul, chevalier et marquis de Croissanville, Bissières, Méry, Vicques,...Gournay et autres terres et seigneuries sa marraine (Dame?)...Marie Elisabeth (Evrard Legris?) (ensuite texte existant mais incompréhensible)...seigneur et patron...autres terres et seigneuries "

    Signataires : "m Evrard ...ris", "de St Marie",  " Bailleul Croissanville",  "Cantou".

    Quand j'indique "..." c'est que le texte a disparu. Quand j'indique (mot ?), c'est que le texte existe mais qu'il est difficilement déchiffrable et j'en donne alors mon interprétation.

    On peut dès lors très facilement combler les vides du texte, en tout cas pour les premières lignes, et lire finalement : "Aujourd'hui 9 novembre 1692, nous, Cantou, chanoine et curé de Croissanville, avons administré les saints sacrements du baptême à Marie Françoise Elisabeth de Bailleul, agée  de ? environs, née du légitime mariage de messire J...de Bailleul, chevalier...

    Je suis sûr que le troisième prénom est "Elisabeth" puisque la marraine se prénomme "Marie Elisabeth" et que la calligraphie du E et du L sont les mêmes. Mais il se pourrait aussi qu'il y ait un quatrième prénom après "Elisabeth" puisque l'espace manquant le permettrait avant "de Bailleul".

    Il reste alors à identifier de façon plus certaine les parents de la baptisée. "J...de Bailleul, chevalier...autres terres" pourrait signifier "Jacques de Bailleul; chevalier et marquis de Croissanville et autre terres", quant à la mère, le nom indiqué après "Suzanne Daniel" est un véritable gribouillis et c'est seulement parce que nous savons que la dernière femme de Jacques s'appelait Suzanne Daniel Erard (ou Evrard) Legris qu'on peut s'autosuggérer pouvoir lire ce nom.

    Pour en être sûr, j'ai donc procédé par déduction : dans les signatures on voit "m Evrard...ris". Cela pourrait signifier "Marie Evrard Legris". Ce serait alors la signature de la marraine. Or dans le registre, le nom de cette dernière correspond au même gribouillis illisible que pour la mère de la baptisée. Mère et marraine seraient donc de la même famille "Evrard Legris". Pour autant, tout cela part d'une signature tronquée...j'ai donc cherché à savoir s'il avait réellement existé une "Marie Elisabeth Evrard Legris" à cette époque qui aurait pu signer sur ce registre. Assez rapidement sur Internet j'ai trouvé :

    - Dans "Armorial Général de France 1696 - Généralité de Rouen", page 209 : "Marie Elisabeth Erard Legris, épouse dudit seigneur du Hestray". Ce seigneur est désigné plus haut : "...de Houdetot, écuyer, seigneur du Hestray".

    - Dans "Dictionnaire de la noblesse" de Lachesnaye Desbois, page 791 : "Charles de Houdetot, mort le 14 novembre 1727 sans enfant de Marie Elisabeth Erard Legris d'Echauffour, veuve en 1ère noces de M...Le Marchand, seigneur de Saint-Manvieux".

    - Enfin, grâce à un lien trouvé sur Généanet renvoyant aux Archives Départementales de Seine Maritime, j'ai pu consulter en ligne les registres paroissiaux de la paroisse de Saint Patrice à Rouen et trouver l'acte de mariage suivant dont voici le résumé : "Le samedi 3 mars 1697...mariage entre Charles de Houdetot, chevalier, seigneur du Hestay...et Dame Marie Elisabeth Erard Legris, veuve de Charles Blondel, seigneur de Saint Manvieux de Norrey..." Or, même si je ne suis pas graphologue, je peux affirmer que la signature de la mariée sur ce document est totalement identique à celle figurant sur l'acte de baptême de Marie Françoise Elisabeth de Bailleul.

    C'est donc bien Marie Elisabeth Erard Legris qui a signé en tant que marraine. Par conséquent c'est bien ce nom qui figure après ses prénoms sur l'acte. Il s'ensuit que c'est assurément ce nom qui se trouve après les prénoms de la mère puisque la graphie est la même. La mère est donc bien Suzanne Daniel Erard Legris et dès lors le père ne peut être que Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville.

    Il reste néanmoins quelques vides à combler pour avoir l'ensemble des informations que contient cet acte et ainsi en tirer toutes les conclusions. Le parrain, "...nçois de Bailleul, chevalier et marquis de Croissanville..." est sans nul doute François de Bailleul, 2nd marquis de Croissanville, fils de Jacques, le père de la baptisée, et donc frère de cette dernière. Or, s'il est désigné ici "marquis de Croissanville" c'est donc que son père Jacques est décédé en cette année 1692. Ce dernier fait correspond à ce que nous supposions fortement d'après les documents que nous avions à son sujet et exposés au début de ce présent chapitre.

    On peut maintenant retranscrire l'ensemble de l'acte ainsi :

    "Aujourd'hui 9 novembre 1692, nous, Cantou, chanoine et curé de Croissanville, avons administré les saints sacrements du baptême à Marie Françoise Elisabeth (Suzanne?) de Bailleul, agée  de (?) environs, née du légitime mariage de défunt messire Jacques de Bailleul, chevalier et marquis de Croissanville, et autres terres, et de défunte Susanne Daniel Erard Legris ses pères et mères, son parrain est François de Bailleul, chevalier et marquis de Croissanville, Bissières, Méry, Vicques,...Gournay et autres terres et seigneuries, sa marraine Dame Marie Elisabeth Erard Legris (ensuite texte existant mais incompréhensible)...seigneur et patron...autres terres et seigneuries ".

    A mon avis la fin de l'acte que je n'arrive pas à déchiffrer doit faire mention de la qualité de veuve de la marraine et de l'identité de feu son mari à cette date, à savoir Charles Blondel, seigneur de Saint-Manvieux. Je ne vois pas d'autres explications à la présence des termes "seigneur et patron" et "autres terres et seigneuries" à la fin du texte. Mais cela n'a aucune importance car nous avons alors l'essentiel : l'identité de la baptisée et celles de ses parents.

    En revanche, les conclusions que nous pouvons tirer de cet acte de baptême sont particulièrement dramatiques !

    Le terme "défunte" devant l'identité de la mère ne laisse place à aucun doute : Suzanne Daniel Erard Legris serait morte en couches ou peu après. Comme nous ne connaissons pas l'âge de la baptisée au jour de son baptême du 9 novembre 1692, l'information ayant disparue avec la partie du registre déchirée, nous ne pouvons pas connaître la date exacte de sa naissance. En effet, le baptême peut avoir eu lieu quelques jours comme plusieurs mois après la naissance. En conséquence, la date de décès exacte de sa mère reste incertaine et ce qui est sûr c'est que cet acte ne se trouve pas dans le registre. J'ai vérifié à nouveau ce dernier plus en détail. Il commence au 7 ou 17 février 1692 en page de garde, puis différents actes se déclinent d'avril à octobre sur les 2 pages suivantes pour arriver à notre acte de baptême du 9 novembre 1692 : aucun acte d'inhumation de Suzanne Erard Legris. Il peut y avoir plusieurs explications à cela comme le fait qu'elle serait décédée fin 1691 (dans ce cas sa fille aurait été baptisée près de 11 mois plus tard...) ou encore qu'elle aurait été inhumée dans le caveau des Erard Legris, et dans ce cas son acte d'inhumation serait enregistré dans une paroisse inconnue de nous. Il reste qu'elle est bien déclarée "défunte" au jour du baptême.

    Mais cette analyse plus précise des premières page du registre m'a permis de découvrir un acte d'une grande importance si tant est que ce que l'on peut en déduire s'avère vrai tellement il est altéré lui aussi. Il commence à la toute fin de la première page dans la partie la plus déchirée et se poursuit donc en haut du verso dont il manque une petite partie à gauche. Voici ce qu'il en reste :

    "Aujourd'hui vingt...l'église collé...Bissières Le perreu...et autres terres et seigneuries faites...Jacques de Cambette chanoine du lieu...Jacques Duquesney chanoine aussi du lieu messire...de Bailleul marquis (quant à présent = barré) de Croissanville son fils...Gilles de Bailleul chevalier et seigneur de Damville et autres terres et seigneuries"

    Signataires : "De Croissanville", "Duquesney", "Cambette", "Cantou"

    Le "de Bailleul marquis (quant à présent) de Croissanville son fils" ne peut être que François de Bailleul, 2nd marquis de Croissanville. Même si "quant à présent" est biffé, il est parfaitement lisible. Cela signifie que la désignation de François en tant que marquis de Croissanville est très récente, voir concomitante à l'acte. Par ailleurs, le terme "son fils" ne peut s'appliquer qu'à François et non pas au personnage suivant, Gilles de Bailleul, seigneur de Damville, que nous savons être son beau-frère (et lointain cousin) par son mariage de 1688 avec Françoise de Bailleul de Croissanville. Enfin, la litanie habituelle des seigneuries que nous trouvons au début du verso, "Bissières, Le Perreux et autres terres" est celle qui accompagne toujours les marquis de Croissanville dans les actes. On peut alors en conclure que toute la partie manquante du début concerne probablement Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville. Or, quel acte de 1692 mentionnerait Jacques de Bailleul en désignant ensuite son fils François "marquis quant à présent de Croissanville" si ce n'était son acte de décès ? C'est ce que j'incline à croire.

    Si nous n'avions pas besoin de l'acte de décès de Jacques de Bailleul pour savoir qu'il était sans doute mort en 1692, nous possédons avec ce document une idée plus précise de la date, même si celle-ci a disparue. L'acte qui le précède dont je peux déchiffrer la date est d'avril, celui qui le suit est d'août. Jacques est donc décédé entre avril et août 1692. Cela confirme bien qu'il était mort le 9 novembre 1692.

    La première conclusion à tirer de tout cela est que Marie Françoise Elisabeth, dernière fille de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville, était orpheline de père et de mère au jour de son baptême !

    La seconde, qui en découle, est qu'elle fut sans doute élevée telle leur fille adoptive, par le couple François de Bailleul, 2nd marquis de Croissanville / Gabrielle Margueritte de Sainte-Marie dont on ne trouve aucun enfant ou descendant né de leur union. François était ainsi à la fois son parrain et son frère (ou demi-frère plus précisément, puisque sa mère était probablement Jeanne Collin, la première femme de Jacques), mais étant donné les circonstances, il fut aussi sans doute un père de substitution comme nous le montre par exemple l'acte de mariage en 1710 de Marie Françoise Elisabeth dans lequel lui et son épouse signent le registre en lieu et place des parents décédés de la mariée.

    Or nous allons voir que cette situation "bancale" dans la hiérarchie familiale de Marie Françoise Elisabeth ne sera pas sans conséquences dans le mystère qui entoure la transmission de la seigneurie de Croissanville et de la dignité de marquis qui en dépend.

    Comme je l'ai déjà indiqué dans le présent chapitre, l'arbre généalogique de la famille ment par omission sur sa réelle identité en ne nous donnant aucune information sur ses origines. Les éléments que nous avions réunis jusqu'ici ne permettaient que deux hypothèses pour Marie Françoise Elisabeth : fille de Jacques, 1er marquis de Croissanville ou fille de François, 2nd marquis de Croissanville.

    Si elle avait été la fille unique de François, la situation eût été plus simple : seule héritière du seigneur et marquis de Croissanville, il était alors logique de retrouver l'ensemble des seigneuries (Croissanville, Vicques, Bissières, etc.) appartenant ensuite à sa propre descendance, et en premier lieu à son seul fils Toussaint François Aimable, 3e marquis de Croissanville.

    Mais maintenant que nous savons qu'elle était la dernière fille de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville, sa position dans l'ordre des prétendants à l'héritage n'est plus du tout la même. Au décès de Jacques, toutes ses seigneuries et la dignité de marquis de Croissanville passent à François, son fils unique. Et au décès de ce dernier,  survenu le 5 novembre 1723, sans enfant, ses seules héritières sont ses deux sœurs, Françoise (épouse en 1688 de Gilles de Bailleul, seigneur d'Ammeville) et comme nous le savons maintenant, Marie Françoise Elisabeth (épouse en 1710 de François de Bailleul, dit "seigneur de Vicques" et lieutenant de vaisseaux du Roi).

    Or, même si je suis bien incompétent en matière de droit successoral, surtout pour cette époque, il me semble que Françoise, de part sa position d'aînée par rapport à Marie Françoise Elisabeth, aurait dû hériter des principales seigneuries de son frère, et en particulier de Croissanville, ou qu'au moins, il y aurait eu partage entre les deux sœurs. Pourtant, on retrouvera plus tard l'ensemble des seigneuries de François dans le patrimoine de Toussaint François Aimable, fils de Marie Françoise Elisabeth, comme si cette dernière en avait été la seule héritière.

    En l'absence des documents de cette succession, il est difficile de comprendre le processus qui a abouti à cette situation. D'autant que les faits constatés dans les registres semblent contradictoires. Les voici résumés, à partir du mariage en 1710 à Croissanville de Marie Françoise Elisabeth de Bailleul de Croissanville avec son cousin germain François de Bailleul, seigneur de Vicques :

    En 1711, 1715, et 1716 à Croissanville, on trouve trois naissances d'enfants morts prématurément pour le couple. On peut alors supposer qu'ils résidaient tout deux au château de Croissanville en compagnie de François de Bailleul, 2nd marquis de Croissanville et de son épouse. En 1723, ce dernier décède sans enfant, sa succession commence entre les deux sœurs...

    Or, en 1724 à Vicques, naissance d'une fille pour le couple dont la marraine est la sœur aînée, Françoise de Bailleul, veuve de Gilles de Bailleul, seigneur d'Ammeville, décédé à Morainville le 23 novembre 1721. Elle est désignée dans l'acte "Dame de Croissanville". Par ailleurs, Toussaint François Aimable, seul fils du couple, naîtra lui aussi à Vicques en 1727. Françoise nous semble être alors la véritable héritière de Croissanville, impression confirmée par ces naissances désormais à Vicques, comme si le couple n'habitait plus au château de Croissanville depuis la mort de François et l'arrivée de Françoise.

    Impression encore confirmée par la présence en tant que marraine de Françoise de Bailleul, veuve d'Ammeville, à trois baptèmes en 1734 à Airan, 1739 à Cléville, et 1748 à Croissanville dans lesquels elle est désignée tout bonnement "marquise de Croissanville". Entre temps, sa jeune sœur Marie Françoise Elisabeth sera inhumée à Vicques en 1747 sous la désignation de "Dame de Croissanville" (ajoutant à la confusion) tandis que la fille de cette dernière se mariera également à Vicques en 1748. Et c'est aussi à Vicques en 1751 que naîtra le premier enfant de Toussaint François Aimable, ce qui semble bien faire du château de Vicques la probable résidence du couple et de sa desendance en lieu et place du château de Croissanville, occupé alors par Françoise.

    Car il faudra en effet attendre le décès de cette dernière à Croissanville en 1752 (désignée encore dans l'acte "marquise de Croissanville") pour trouver ensuite en 1754 le premier des petit-enfants de Marie Françoise Elisabeth qui y soit né, les autres suivant alors.

    En résumé, la situation est la suivante : peu après 1723, date du décès de son frère, le 2nd marquis de Croissanville, Françoise, l'aînée, apparaît soudain à Croissanville puis y réside ensuite sous la désignation de "marquise de Croissanville" jusqu'à sa mort en 1752, soit près de 30 ans ! Elle nous semble alors bien être la principale héritière du domaine au détriment de sa jeune sœur, et le sera d'autant plus que cette dernière décède bien avant elle en 1747.

    Mais alors pourquoi cet héritage n'a pas été transmis à ses enfants mais à son neveu Toussaint François Aimable ? En avait-elle au moins ? C'est bien là une des données du problème. J'avais cru en identifier un dans un acte de 1748 où Françoise de Bailleul était marraine en compagnie d'un certain François de Bailleul dont la signature aurait été "de Bailleul Dammeville", ce qui en faisait un potentiel fils de Françoise qui, rappelons-le, était veuve de Gilles, seigneur d''Ammeville, d'où la signature. Mais après vérification dans un autre acte, il s'avère que c'est bien elle seule qui a signé "de Bailleul Dammeville marquise de Croissanville". Quid de ce François de Bailleul, désormais ? Mystère.

    L'hypothèse qu'elle n'ait pas eu d'enfant est donc la plus séduisante pour expliquer que tout soit finalement revenu à son neveu. Mais d'autres faits viennent jeter le trouble à ce raisonnement : On trouve en effet Toussaint François Aimable comme parrain dans différents actes, en 1736 à Vicques, en 1744 à Bellengreville, en 1748 à Croissanville, et à chaque fois désigné "seigneur et marquis de Croissanville". Notons ici qu'en 1736 il avait 9 ans ! Le voilà donc pourvu de l'héritage et même de la dignité de marquis de façon bien prématurée semble-t-il. Par revendication ? Cela sous-entendrait qu'il y aurait eu litige alors... Ou par anticipation ? Ce qui signifierait plutôt qu'il était assuré d'être seul héritier de sa tante au final.

    Quoiqu'il en soit, une date semble arbitrer l'issue du problème : 1754, date de naissance du premier enfant de Toussaint François Aimable qui soit né à Croissanville, mais aussi date d'impression du fameux mémoire sur "La Maison de Bailleul" dont je soupçonne ce dernier d'en être l'auteur ou le commanditaire afin de pouvoir revendiquer le titre de 3e marquis de Croissanville. Curieux hasard que la concomitance de dates entre son installation effective au château de Croissanville et la plaidoirie au sujet de la réhabilitation du titre en sa faveur...qui ne peut nous laisser penser dès lors qu'il a bien fallut que Toussaint François Aimable attende le décès de sa tante en 1752 pour être pleinement le 3e marquis de Croissanville, château et titre compris.

    Pour autant, je ne peux passer sous silence d'autres faits qui viennent encore plus embrouiller ce raisonnement. En effet, à force de vérifications pour rédiger ce rectificatif qui m'ont contraintes à replonger dans l'étude des registres de Croissanville et de Cléville, j'ai découvert d'autres documents qui n'étaient sans doute pas disponibles au moment où je rédigeais la première version de mes recherches. Je veux parler ici des "Rôles d'impositions des dixièmes et des vingtièmes". De quoi s'agit-il ? Tout simplement d'impôts (taux de 10% pour les dixièmes créés en 1710 et de 5% pour les vingtièmes qui les remplacent à partir de 1749) sur divers revenus, en particuliers fonciers. Car il faut savoir que contrairement à une idée reçue les nobles et privilégiés n'étaient pas totalement exemptés d'impôts à cette époque. Si la roture était assujettie à la "taille", la noblesse devait payer les dixièmes et vingtièmes. Et c'est bien ce que nous trouvons dans ces "Rôles".

    Ainsi, dans ceux de Croissanville pour l'année 1734 on trouve sous l'intitulé "nobles et privilégies" : "Messire François de Bailleul, seigneur de Vicques, chevalier de St Louis est propriétaire d'un moulin et plusieurs maisons et terres tant en labour que en prairies affermées par neuf cent soixante livres de revenu..."

    De même pour les années 1741 et 1742 : "Messire François de Bailleul, seigneur de Vicques, chevalier de St Louis, propriétaire d'un moulin, de plusieurs maisons et environs quatre vingt acres de terres en labour et en prairies le tout affermées et vérifiés produire annuellement déduction faite d'un quart des réparations du moulin : 1 200, puis 1 700". On retrouvera ensuite "Messire François de Bailleul, chevalier, seigneur de Vicques" cité comme propriétaire et assujetti aux dixièmes pour 1743, puis de 1744 à 1748 et aux vingtièmes de 1751 à 1757.

    Par ailleurs, dans les Rôles de Cléville, on trouve pour 1734 : "La Dame, veuve du seigneur marquis de Croissanville, propriétaire de cent vingt arpents de terres tant en prés, bois, pâturages, plant que terres labourables, estimés à mille livres de revenu payera sur le pied de sa déclaration la somme de 100". Ainsi que : "Messire de Bailleul, chevalier, seigneur de Vicques, héritier du seigneur marquis de Croissanville, propriétaire de 120 arpents de terre dont 13 en bois taillis et sept en prairies, estimés 1 650 livres, payera sur le pied de sa déclaration la somme de 165".

    Pour 1741 et 1742, l'identité des deux personnages est plus précise : "La Dame, veuve de François de Bailleul, marquis de Croissanville, propriétaire de cent vingt acres de terres...". Et : "Messire François de Bailleul, chevalier, seigneur de Vicques, héritier du sieur marquis de Croissanville, propriétaire environs 120 acres de terres dont 13 en bois taillis et sept en prairies vérifiés produire annuellement 2 400 livres. Dixièmes : 240 livres". On les retrouve ensuite désignés à l'identique pour les Rôles de 1743, ceux de 1751 à 1757, et 1777.

    Or il est nécessaire de préciser à nouveau ici qui sont ces personnages pour bien comprendre l'importance que ces documents nous apportent :

    Le "François de Bailleul, seigneur de Vicques, chevalier de St Louis", tel qu'il est désigné dans les "Rôles" de Croissanville, ne peut être confondu avec aucun autre du fait de cette distinction à cet ordre militaire qu'il est le seul à posséder dans son entourage. Il ne peut donc s'agir que de l'époux de Marie Françoise Elisabeth de Bailleul de Croissanville, et donc père de Toussaint François Aimable. Au demeurant, il était également neveu de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville (le père de sa femme) et cousin germain et beau-frère de François de Bailleul, 2nd marquis de Croissanville (le frère de sa femme). Néanmoins il est surprenant de le trouver "propriétaire" à Croissanville et à Cléville. A quel titre ? Les "Rôles" de Cléville nous le précisent puisqu'il y est désigné " propriétaire, héritier du seigneur marquis de Croissanville". Voilà bien une révélation ! Car c'est plutôt Françoise, la sœur aînée (sa belle-sœur, donc), que nous nous attendions à trouver comme propriétaire et héritière. Or, aucune trace de celle-ci dans les "Rôles".

    De-même, l'identité de l'autre personnage est tout aussi étonnante : "La Dame, veuve de François de Bailleul, marquis de Croissanville" ne peut être que Gabrielle Marguerite de Sainte-Marie, épouse de François de Bailleul, 2nd marquis de Croissanville. La voici elle aussi désignée propriétaire à Cléville par héritage de son défunt mari que nous savons décédé en 1723.

    Notons au passage une incongruité dans ces "Rôles" : Nous savons par les registres paroissiaux que François de Bailleul, seigneur de Vicques, est décédé entre 1748 et 1750. Or nous le trouvons cité propriétaire dans les "Rôles" de Croissanville et de Cléville de 1751 à 1757, et même jusqu'en 1777 pour ceux de Cléville, soit bien après sa mort. Idem pour Gabrielle Marguerite de Sainte-Marie apparaissant dans ceux de Cléville longtemps après son décès survenu en juin 1737. Je pense que l'explication est la suivante : les informations données pour l'année 1734 correspondent à la réalité quant à l'identité et l'existence effective des propriétaires cités. Ensuite, pour les années suivantes, il doit s'agir de simples reports, comme semble le prouver l'absence de détails de plus en plus marquée et le groupage des années par périodes, qui ne rendent pas compte de la véritable identité des personnes assujetties à cet instant.

    Qu'en conclure alors ? Difficile, tant les informations semblent contradictoires !

    En résumé, voici la situation telle qu'elle se présente depuis notre découverte du registre de baptême de Marie Françoise Elisabeth de Bailleul de Croissanville :

    Elle est la dernière fille de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville. Elle n'est donc pas la seule héritière de la seigneurie de Croissanville (et des autres terres), ce qui aurait été le cas si elle avait été la fille de François de Bailleul, 2nd marquis de Croissanville, que nous savons alors mort sans enfant.

    En tant que telle, elle ne peut donc revendiquer qu'une partie de l'héritage à partager avec sa sœur aînée Françoise de Bailleul, veuve d'Ammeville, au décès de son frère, le 2nd marquis de Croissanville. C'est ce que montre l'omniprésence de cette dernière à Croissanville et au château où elle se fait désigner "marquise de Croissanville" alors qu'elle-même, son époux et ses enfants ont dû vivre à Vicques jusqu'au décès de sa sœur en 1752. Cela signifie-t-il pour autant que Françoise ait hérité en totalité de la seigneurie de Croissanville ?

    L'étude des "Rôles" de Croissanville et de Cléville semblent dire que non. Car c'est l'époux de Marie Françoise Elisabeth, François de Bailleul, seigneur de Vicques, ainsi que sa belle-sœur, Gabrielle Marguerite de Sainte-Marie, que nous trouvons comme propriétaires à Croissanville et Cléville par héritage de François, 2nd marquis de Croissanville, son frère.

    Comment dès lors concilier tout cela ? En l'absence des documents de succession de François de Bailleul, 2nd marquis de Croissanville, je ne peux qu'émettre l'hypothèse suivante qui doit prendre en compte la singularité de ce que devait être "la seigneurie de Croissanville" : elle devait se composer, comme on le voit dans les "Rôles", de terres, prairies, moulin et maisons situé à Croissanville mais elle devait aussi comprendre le domaine de Croissanville, c'est à dire le château, les bois, prairies et ferme inclus dans le domaine qui se trouve, lui, sur Cléville. De plus, les seigneuries nommées "Le Perreux" et "Glatigny" que l'on trouve à chaque fois dans les registres comme faisant partie du patrimoine des marquis de Croissanville, sont des fermes-hameaux situés également sur Cléville.

    Le partage a donc dû se faire ainsi : à Gabrielle Marguerite de Sainte-Marie une petite partie des possessions sur Cléville , au couple Marie Françoise Elisabeth / François, seigneur de Vicques, les possessions sur Croissanville ainsi que certaines sur Cléville, mais qui ne comprennent aucune habitation ni moulin, ce qui semble exclure de ce fait le domaine de Croissanville et son château. Ce qui m'amène alors à déduire que c'est Françoise, veuve d'Ammeville, la sœur aînée, qui aurait hérité de ce dernier. Il faut alors supposer que l'absence de cette dernière, dans les "Rôles" de Cléville s'expliquerait par une exemption fiscale du château et de son domaine.

    Seul un tel partage me paraît faire concorder ce faisceau de faits divergents et permet d'expliquer pourquoi Toussaint François Aimable ait dû attendre le décès de sa tante en 1752 pour être pleinement le 3e marquis de Croissanville, alors même qu'on vient de le voir, il était pourvu d'une partie de l'héritage du 2nd marquis de Croissanville par le biais de ses parents.

    La véritable conclusion à tirer alors de ce très long rectificatif tient dans ce qui fait l'essence même de ce blog : ne pas se contenter d'exposer ce que nous décrit l'arbre généalogique de la famille mais le confronter au maximum de documents pour mettre en exergue ses vérités mais aussi ses éventuels mensonges par approximations.

    Dans le cas présent, ce que se contente de décrire l'arbre est particulièrement édifiant : en n'explicitant pas la descendance de Jacques de Bailleul, 1er marquis de Croissanville, il occulte l'existence de son fils François qui sera tout de même le 2nd marquis de Croissanville pendant 31 ans ainsi que celle d'une de ses filles, Françoise, veuve d'Ammeville, qui semblera être, au décès de ce dernier, "marquise-douairière" de Croissanville pendant près de 30 ans également !  Et si Marie Françoise Elisabeth apparaît bien en tant qu'épouse de François de Bailleul, seigneur de Vicques, c'est comme par enchantement, aucun lien n'étant fait entre elle et Jacques, en vérité son père. Ce faisant, l'arbre semble signifier que seigneurie de Croissanville et marquisat se seraient transmis directement à partir de Jacques à la branche issue de son frère, omettant alors le complexe parcours que nous connaissons maintenant, à savoir d'abord à François, son fils, puis au décès de celui-ci, partagé entre ses deux filles pour être enfin réuni au bénéfice de Toussaint François Aimable, 3e marquis de Croissanville.

    L'enjeu de cette omission vise à mon avis à masquer une double rupture : d'abord dans la lignée agnatique stricto sensu puisque François, 2nd marquis de Croissanville, n'ayant pas eu de descendance mâle, la seigneurie et le marquisat de Croissanville se transmettront alors à la branche cousine, qui bien que descendant en ligne directe des premiers Bailleul seigneurs de Croissanville, en héritera par les femmes. Mais également rupture chronologique puisque cette transmission indirecte aura pour conséquence une vacance du titre de près de 30 ans entre le 2nd et le 3e marquis de Croissanville.